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Tribune au Monde, loi recherche et vidéos

1. Nous disposons enfin d’une fenêtre de tir politique pour influer sur la loi de programmation pour la recherche, en ayant des chances non nulles de voir le texte final être modifié. Le Premier Ministre a en effet imposé au ministère, contre sa volonté, l’examen du projet de loi en procédure accélérée, de sorte à libérer l’agenda parlementaire d’un texte qu’il juge sans importance. L’examen en séance publique de la loi de programmation pour la recherche aura lieu au Sénat à partir du 27 octobre. Le projet de loi sera réécrit, voire vidé de sa substance. Il sera alors examiné en Commission Mixte Paritaire, composée de députés et de sénateurs, la semaine suivante. Si une mobilisation faite de coups d’éclats, à l’ANR, au Hcéres, au CoNRS, dans les universités, survient dans la seconde moitié d’octobre, l’Elysée et Matignon peuvent décider de ne pas perdre une semaine parlementaire de plus et accepter le texte de compromis. Il reste en effet excessivement peu de temps pour faire passer des lois politiquement valorisables auprès de l’électorat conservateur, avant la présidentielle.

2. Les premières vidéos de l’atelier de prospective co-organisé avec le séminaire Politique des sciences sont en ligne.

Wendy Brown, professeure de sciences politiques à Berkeley et spécialiste du néolibéralisme, nous a donné lors de cette séance inaugurale un exposé limpide, éclairant et mobilisateur sur la situation comparée de l’Université en France et aux USA.

Romain Brette, directeur de recherche Inserm à l’Institut de la Vision, a analysé le lien entre dégradation de l’exigence scientifique, extension de la précarité matérielle et subjective et apparition de la figure du principal investigator. Il élabore un principe de refondation de la recherche sans division du travail savant.

Academic precarity and the single PI lab model

Pierre-Yves Modicom, Maître de conférences en linguistique à l’université Bordeaux-Montaigne, a présenté une estimation des besoins budgétaires de l’ESR fondée sur l’utilité sociale de l’Université et de la recherche. La présentation détaille le volet budgétaire de la tribune ci-dessous.

3. Tribune parue dans Le Monde daté du mardi 29 septembre 2020, à laquelle plusieurs membres actifs du collectif RogueESR ont contribué.

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« Nous avons besoin d’établissements universitaires à taille humaine, structurés en petites entités autonomes »

Pour répondre à l’augmentation du nombre d’étudiants et à la crise sanitaire, une tribune publiée le 28 septembre 2020 dans Le Monde et à laquelle ont contribué plusieurs membres de RogueESR propose un plan d’urgence pour 2021. Elle recommande notamment l’ouverture de trois nouvelles universités dans des villes moyennes.

À l’université, la rentrée prend des airs de cauchemar. Nous payons le fait qu’en dix ans, l’ensemble des instances locales de délibération et de décision, qui auraient été les plus à même d’anticiper les problèmes, ont été privées de leurs capacités d’action au profit de strates bureaucratiques.

Le pouvoir centralisé de celles-ci n’a d’égal que leur incapacité à gérer même les choses les plus simples, comme l’approvisionnement en gel hydroalcoolique et en lingettes. Le succès instantané du concept de « démerdentiel » est un désaveu cinglant pour ces manageurs qui ne savent que produire des communiqués erratiques jonglant entre rentrée en « présentiel » et en « distanciel ».

On sait pourtant à quelles conditions les universités, au lieu de devenir des foyers de contagion, auraient pu contribuer à endiguer la circulation du virus : des tests salivaires collectifs pour chaque groupe de travaux dirigés (TD), à l’instar de ce qui est mis en place à Urbana-Champaign, aux Etats-Unis ; la mise à disposition de thermomètres frontaux ; une amélioration des systèmes de ventilation de chaque salle et de chaque amphi, avec adjonction de filtres à air HEPA et de flashs UV [des rayons désinfectants] si nécessaire ; l’installation de capteurs de qualité de l’air dans chaque pièce, avec un seuil d’alerte ; la réquisition de locaux vacants et le recrutement de personnel pour dédoubler cours et TD, partout où cela est requis.

Les grandes villes ne manquent pas d’immeubles sous-exploités, souvent issus du patrimoine de l’Etat, qui auraient pu être très vite transformés en annexes universitaires. De brillants titulaires d’un doctorat capables d’enseigner immédiatement à temps plein attendent, par milliers, un poste depuis des années. Tout était possible en l’espace de ces huit derniers mois, rien n’a été fait.

De prime abord, on serait tenté d’attribuer ce bilan au fait que la crise sanitaire, inédite, a pris de court les bureaucraties universitaires, très semblables à celles qui, depuis vingt ans, entendent piloter les hôpitaux avec le succès que l’on a vu.

Mais une autre donnée vient éclairer cette rentrée : les universités accueillent 57 700 nouveaux étudiants, sans amphithéâtre ni salle supplémentaire, sans le moindre matériel, sans le plus petit recrutement d’universitaires et de personnel administratif et technique. Ces trois dernières années, le budget des universités a crû de 1,3 % par an, ce qui est inférieur à l’effet cumulé de l’inflation et de l’accroissement mécanique de la masse salariale.

Certains se prévaudront sans doute de l’« effort sans commune mesure depuis 1945 » qu’est censée manifester la loi de programmation de la recherche en discussion au Parlement. Las : le projet de budget du gouvernement ne prévoit qu’un accroissement, pour les universités, de 1,1 % en 2021… Du reste, les 8,2 milliards d’euros d’abondement sur dix ans du budget de l’université proviennent des 11,6 milliards d’euros qui seront prélevés dans les salaires bruts des universitaires, en application de la réforme des retraites.

Il y a quinze ans, les statistiques prévisionnelles de l’Etat annonçaient que la population étudiante allait croître de 30 % entre 2010 et 2025 (soit 400 000 étudiants en plus), pour des raisons démographiques et grâce à l’allongement de la durée des études. On aurait donc largement pu anticiper ces 57 700 nouveaux étudiants. Mais rien n’a été fait là non plus, hormis annoncer des « créations de places » jamais converties en moyens.

Le pic démographique n’est pas derrière nous ; nos étudiants sont là pour plusieurs années, et les gestes barrières pourraient devoir être maintenus durablement. Le ministère ne peut pas persévérer comme si de rien n’était, voire arguer qu’il est déjà trop tard.

Face à cette situation désastreuse, nous demandons une vaste campagne de recrutement de personnels titulaires dans tous les corps de métiers, tout en amorçant les réquisitions et réaménagements de locaux, afin d’aborder la rentrée 2021 dans des conditions acceptables.

Parallèlement, si nous ne voulons pas être en permanence en retard d’une crise, un saut qualitatif est nécessaire. Nous demandons donc, outre un plan d’urgence pour 2021, la création rapide de trois universités expérimentales de taille moyenne (20 000 étudiants), correspondant à ce qui aurait dû être fait pour accueillir 57 700 étudiants dans de bonnes conditions. Cela requiert le recrutement sous statut de 4 200 universitaires et 3 400 personnels d’appui et de soutien supplémentaires, soit un budget de 500 millions d’euros par an.

Nous avons besoin d’établissements à taille humaine, structurés en petites entités autonomes, mises en réseau confédéral, si besoin grâce au numérique ; d’établissements qui offrent à notre jeunesse maltraitée des perspectives d’émancipation vis-à-vis du milieu d’origine et de la sclérose intellectuelle qui frappe le pays ; d’établissements qui permettent une recherche autonome, collégiale et favorisant le temps long, ce qui nous a manqué dans l’anticipation et la prévention de la pandémie.

Pour cela, nous préconisons l’installation de ces trois universités dans des villes moyennes, hors des métropoles, en prenant appui sur le patrimoine bâti abandonné par l’Etat et sur les biens sous-utilisés des collectivités. En effet, celles-ci possèdent d’anciens tribunaux, des garnisons, voire des bâtiments ecclésiastiques qui tombent aujourd’hui en déshérence.

Réinvesti par l’université, ce patrimoine retrouverait une utilité sociale. Sur la base des dépenses de l’« opération Campus » [un plan lancé en 2008 en faveur de l’immobilier universitaire], la construction de ces pôles dotés de résidences étudiantes en nombre suffisant nécessiterait un milliard d’euros d’investissement, à quoi il faudrait ajouter cent millions d’euros de frais de maintenance et d’entretien. C’est le prix pour s’extraire du cauchemar. Le virus se nourrit de nos renoncements. Pour sortir les campus de l’ornière, nous devons retrouver l’ambition d’une université forte, exigeante, libre et ouverte.

Signataires

Stéphane André, professeur en ingénierie à l’université de Lorraine | Bruno Andreotti, professeur en physique à l’université de Paris | Pascale Dubus, maîtresse de conférences en histoire de l’art à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne | Julien Gossa, maître de conférences en informatique à l’université de Strasbourg | Jacques Haiech, professeur honoraire de biotechnologie à l’université de Strasbourg | Pérola Milman, directrice de recherche en physique quantique au CNRS | Pierre-Yves Modicom, maître de conférences en linguistique allemande à l’université Bordeaux-Montaigne | Johanna Siméant-Germanos, professeure en sciences politiques à l’Ecole normale supérieure.

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Infos et programme des 25/26 septembre 2020

1. L’examen en séance publique de la loi de programmation pour la recherche, en cours à l’Assemblée nationale, aura lieu au Sénat à partir du 27 octobre, et non en janvier comme initialement prévu. Nous rappelons le questionnaire du CoNRS (moins de 3′), qui nous soumet la question de l’opportunité de sa démission.

2. L’assemblée des directions de laboratoire a fait paraitre la tribune suivante dans le journal le Monde : « Le projet de loi de programmation sur la recherche n’est pas à la hauteur des vrais enjeux d’avenir ».

3. Les trois demi-journées de ce travail de prospective, co-organisées avec le séminaire Politique des sciences, auront lieu à l’Institut Henri Poincaré, 11 Rue Pierre et Marie Curie, Paris 5ème (Amphithéâtre Hermite). Elles feront l’objet d’une captation vidéo et d’une retransmission en direct sur la chaîne Politique des sciences. Vous en trouverez le programme ci-dessous.

Les vidéos resteront consultables ensuite, en haute définition. Pour des raisons évidentes de protocole sanitaire, l’amphithéâtre ne sera occupé qu’au tiers de sa jauge ordinaire, soit 50 personnes. Merci de nous faire savoir par retour de mail à quelles demi-journées vous souhaitez assister.

4. Nous signalons l’ouverture d’une remarquable plateforme de production et de diffusion de connaissances sur l’Université et la recherche.

La CPESR (Twitter: @CPESR_), conférence des praticiens de l’enseignement supérieur et de la recherche, est une organisation d’universitaires, de chercheurs et de personnels Biatss destinée à produire une information pluraliste et indépendante sur l’enseignement supérieur et la recherche.

La CPESR propose elle aussi une consultation, plus complète que celle du CoNRS.


Programme des deux journées de réflexion prospective « Refonder l’Université et la Recherche »

25 septembre, après-midi

14h — Introduction — RogueESR
14h15-15h30 — Parole scientifique et parole experte : enjeux démocratiques

Barbara Stiegler
Emmanuelle Huver, Marc Debono, Didier de Robillard (en visio)

16h00-17h15  — Pratiques universitaires en temps de crise démocratique et environnementale

Finalités et les modalités de notre enseignement : Véronique Durand
Recherche et Workday for Future : Vincent Guillet
Sciences Citoyennes : Aude Lapprand
Labo1point5

17h15-18h — Un nouveau modèle de publication scientifique

Exposé introductif : Johan Rooryck puis discussion

18-18h45 — La division du travail scientifique

Exposé introductif : Romain Brette « Un autre laboratoire est possible » puis discussion

26 septembre, matin

9h — Introduction

Mot de soutien de Wendy Brown (en vidéo asynchrone)

Les conditions de l’autonomie étudiante

Exposé introductif : Hugo Harari-Kermadec (ACIDES) puis discussion

Quelles carrières dans l’enseignement et la recherche?

Exposé introductif : Philippe Stamenkovic puis discussion (visio)

26 septembre, après-midi

14h -16h — Restaurer la collégialité dans les instances

Julien Gossa et discussion avec la salle

Questions de financement

Exposé introductif : RogueESR ; intervention des Facs et Labos en Lutte

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Consultation : le CoNRS remet sa démission entre vos mains

Nous nous faisons l’écho du CoNRS qui souhaite connaitre notre opinion sur les volets de la loi de programmation pour la recherche (LPR) et nous soumettre la question de l’opportunité de sa démission, pour produire un électro-choc dans l’opinion. Le questionnaire nécessite moins de 3 minutes.

Les résultats de notre propre sondage ont été mis en ligne.

Le passage du texte à l’Assemblée Nationale se fait jusqu’ici sans travail parlementaire digne de ce nom, les seuls amendements adoptés étant ceux, anecdotiques, transmis aux parlementaires de la majorité. Les autres amendements, qu’ils soient de bon sens (e.g. réserver la présidence des établissements du supérieurs aux titulaires d’un doctorat ; amendement, porté par Patrick Hetzel) ou destructeurs (e.g. introduire par l’ANR le « crowdfunding » dans le financement de projets de recherche, porté par Cédric Villani et Sébastien Nadot), sont rejetés.

Les questions les plus importantes, que certains parlementaires ont bien voulu poser au nom de la communauté académique, n’ont reçu à ce jour aucune réponse :

  • le volet budgétaire de la loi de programmation est-il financé par le prélèvement dans les cotisations retraites des universitaires, des chercheurs et des personnels Biatss (article 18 de la loi sur les retraites) ?
  • quelle est l’évolution programmée du budget du ministère (MESRI) et de la MIRES, programme par programme, sur les dix prochaines années, compte tenu des deux lois, sur les retraites et sur la recherche ?
  • quelle est l’évolution programmée de la masse salariale d’une université porteuse d’une Idex, et non, et d’un grand organisme comme le CNRS sur les dix prochaines années, compte tenu des deux lois, sur les retraites et sur la recherche ?
  • quelle est l’évolution programmée du salaire brut de chaque corps, à l’issue de la « revalorisation » et de la baisse de cotisation patronale liée à l’article 18 de la loi sur les retraites?
  • comment évoluera le crédit d’impôt recherche dans les dix prochaines années ?

L’évolution du texte de loi ne peut avoir lieu qu’entre les deux chambres, l’examen au Sénat étant programmé en début d’année prochaine, après le vote du budget 2021 qui montrera la sincérité budgétaire du projet de loi. Il est temps, encore, d’obtenir les réponses à nos questions et d’obtenir la suppression du volet « RH » de cette loi « darwinienne ». Comme l’a écrit dans son avis le Conseil économique, social et environnemental :

« Peut-on soigner un système avec les outils qui l’ont rendu malade ? Le Cese n’est pas convaincu que les principales mesures […] soient de nature à inverser la tendance… »

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Résultats de la consultation sur l’état et l’avenir de l’ESR

Au sortir du confinement, nous vous avons proposé de répondre à une consultation en ligne sur l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche et ses perspectives d’avenir. En moyenne, un peu plus de 2 500 personnes ont répondu à chaque question. Voici comme promis la synthèse des résultats. Le résumé ci-dessous en donne un bilan général et vous trouverez plus bas une fiche de synthèse contenant les éléments chiffrés les plus significatifs.

L’enjeu d’une telle consultation est de savoir où « nous » en sommes, c’est-à-dire « où en est le Nous » de la communauté scientifique. Tout, dans la dynamique amorcée il y a une quinzaine d’années, concourt à briser la collégialité et à faire diverger les intérêts. La rhétorique de la « co-construction », le système d’allocation des moyens, les dispositifs de précarisation subjective et objective, entretiennent notre atomisation. Le sondage en porte la trace : la défiance vis-à-vis des représentants élus, y compris des instances collégiales, est spectaculaire ; les intercesseurs traditionnels comme les sociétés savantes ne sont plus considérés par les répondants comme des acteurs ayant pris la mesure des problèmes majeurs auxquels nos métiers font face ; la majorité des répondants, eux-mêmes titulaires à 75%, reconnaissent aux titulaires une part de responsabilité dans le développement de la précarisation. Ces résultats sont le signe d’une prise de conscience individuelle qu’il s’agit maintenant d’articuler collectivement : nous constatons en nous-mêmes combien la mécanique de dépossession nous englue dans des positions professionnelles et éthiques divergentes et contradictoires, empêchant l’affirmation d’un dessein qui dépasserait les clivages entre corps de métier, statuts, entre disciplines et établissements. Redisons-le ici : cette fragmentation n’est pas un à-côté de ces réformes, mais elle en est le cœur. Reconnaître cette situation douloureuse fait donc partie du diagnostic à poser pour savoir quoi construire.

Il est d’autant plus intéressant de voir que plusieurs propositions recueillent des taux d’assentiment supérieurs à 90 voire à 95% et agglomèrent des groupes dont les réponses divergent sur d’autres sujets. Sans surprise, un tel rassemblement s’opère sur la question des recrutements sur des postes pérennes, sur celle des moyens budgétaires en général et sur le rejet de la LPPR. Notons que la concentration d’une éventuelle hausse des moyens financiers sur l’ANR, qui induirait un surcroît de précarisation, fait l’objet d’un rejet tout aussi massif que la LPPR elle-même. Le consensus est également écrasant pour affirmer que la précarisation n’est aucunement neutre du point de vue de la démarche scientifique collective et en obère la qualité, un constat diamétralement opposé au point de vue du ministère et de la direction du CNRS. Il en va de même pour affirmer la centralité de l’élection, le cas échéant panachée avec des modes de désignation autre que la nomination, dans la composition des instances supervisant les normes de probation savante.

Ces premières convergences sont autant de bornes sur lesquelles la dynamique d’atomisation vient buter : tout en étant conscients de la déconstruction effective de l’intérêt commun dans les réformes, nous réaffirmons notre volonté de rester une communauté solidaire dont les pratiques sont fondées sur l’égalité statutaire, sur le règlement démocratique du dissensus, sur l’exigence de rigueur, la patience et l’écoute. L’élaboration d’une méthode de répartition des moyens, non bureaucratique et scientifiquement fondée, prenant en compte les spécificités disciplinaires, en constitue l’illustration concrète. Nous voulons l’autonomie avec les conditions matérielles qu’elle présuppose. Mais dans le même temps, nous réfutons le sophisme qui voudrait que l’autonomie savante soit l’irresponsabilité, car c’est dans les mêmes proportions que les répondants déclarent vouloir repenser leurs pratiques pour tenir compte de la crise écologique et climatique, qui impose un nouveau fonctionnement savant, plus lent, plus raisonné, plus intègre, plus lucide sur lui-même — en un mot, plus en phase avec l’idéal qui n’aurait jamais dû cesser d’être celui de la science.

Cette convergence de principes fournira la trame des réflexions que nous vous invitons à lancer sur vos lieux de travail et dans vos villes à partir de cet automne. Les journées « Refonder l’université et la recherche » du 25-26 septembre le coup d’envoi de cette réagrégation théorique d’un « Nous ».

Le collectif RogueESR

Synthèse du sondage

Les répondants

2 500 personnes ont répondu au sondage ; 52% des répondants sont enseignants ou enseignants-chercheurs titulaires (dont trois présidents d’université ou d’établissement), et 24% sont chercheurs titulaires. 14% sont doctorants (contractuels, vacataires ou non-financés). Les personnels administratifs et techniques représentent 9% des répondants. Sur le plan disciplinaire, 42% des sondés exerçant une profession académique sont issus du domaines des Lettres, Langues et SHS, 19% des sciences biomédicales et 39% du groupe science, technologie, ingénierie et mathématiques. 44% se sont déclarés femme, 54% homme. 19% ont moins de 35 ans, 60% ont entre 36 et 55 ans, 21% ont 56 ans ou plus.

Situation sanitaire dans l’enseignement supérieur

Les premières questions du sondage demandaient une appréciation de la situation sanitaire du supérieur en période de déconfinement et en prévision de la rentrée. 70% des personnes interrogées ont fait part de leur pessimisme sur la rentrée, jugeant l’organisation d’une rentrée satisfaisante difficile voire impossible. La perspective du télétravail (« distanciel ») est jugée négativement par 57% des répondants, et seulement 13% expriment une opinion positive sur cette éventualité. 80% des répondants jugent que l’enseignement et l’évaluation à distance répondent à d’autres finalités que l’enseignement et l’évaluation « en présentiel ». Enfin, 85% jugent impossible ou difficile d’organiser une rentrée respectueuse des normes sanitaires requises sans recrutements supplémentaires, non-prévus par le ministère.

Bilan des politiques menées depuis 15 ans

Le bilan scientifique tiré de la vague de réformes amorcées il y a une quinzaine d’années dans toute l’OCDE confirme leur échec aux yeux des scientifiques : il ne sont qu’un tiers à considérer que la qualité des publications scientifiques a augmenté, dans le monde et en France (34% et 35%) ; une courte majorité absolue parle de stagnation voire de régression. Ce sentiment de stagnation et de régression est plus marqué concernant la France (54%) que concernant le reste du monde (50%).

Sans surprise, un grand consensus se dégage sur la question des moyens : neuf répondants sur dix jugent les moyens alloués à la recherche et à l’université insuffisants ou très insuffisants (89% pour la recherche, 91% pour l’université). Mais le consensus est tout aussi marqué sur la question du mode de management promu par les réformes, jugé négatif par 94% des répondants pour la recherche et 89% pour l’université. Dans ce contexte où 80% des répondants se déclarent suffisamment bien, voire très bien, informés sur le contenu de la Loi de Programmation Pluriannuelle pour la Recherche (LPPR), le volet managérial et statutaire de la LPPR est expressément rejeté à 81%.

Emploi et précarité

Trois questions visaient à estimer l’ampleur de la précarisation des professions scientifiques, par corps de métiers (enseignants et/ou chercheurs, personnels administratifs, personnels techniques). Au final, ces questions ont surtout permis de prendre la mesure de l’invisibilisation de cette question, avec à chaque fois plus de 30% des répondants se déclarant incapables d’estimer l’ampleur de la précarité sur leur lieu de travail – un constat qui souligne l’urgence de bilans sociaux sincères à tous les échelons, et d’une communication sur ce sujet. Cette invisibilisation de la précarité n’empêche pas 64% des répondants d’affirmer que les cursus universitaires ne seraient pas viables sans les enseignants précaires ; ils sont 70% à penser que des tâches vitales au fonctionnement de l’ESR reposent sur des personnels non-titulaires ; 85% des répondants pensent que la précarité d’une partie des personnels affecte la production scientifique de l’ensemble ; et 40% déclarent avoir vu des recherches dans leur unité affectées par le turn-over des précaires. En conséquence, ils sont plus de 90% à rejeter les termes avancés par le ministère dans ses négociations avec certains intercesseurs syndicaux et avec les sociétés savantes (augmentation du budget de l’ANR en échange d’un soutien au volet RH de la LPPR). Enfin, seuls 6% des répondants jugent que le ministère a été à la hauteur des difficultés rencontrées par les précaires durant le confinement.

Concernant la prise en compte de ces difficultés par les représentants de la communauté, si les deux tiers des répondants pensent que les syndicats ont suffisamment pris la mesure du problème, un tiers seulement considère qu’il en va de même des sociétés savantes, et moins d’un quart des répondants considère que les instances élues des universités et organismes ont perçu l’importance de ce sujet.

Concernant la responsabilité de cette situation, 96% des répondants attribuent une responsabilité forte à écrasante au ministère, mais également 75% aux directions des universités et organismes de recherche et aux agences de pilotage. A l’inverse, 85% jugent que les précaires n’ont aucune responsabilité ou une responsabilité minime dans leur situation, tandis qu’ils ne sont que 9% à dédouaner de la même les personnels titulaires du sort fait aux précaires (rappelons que 76% des répondants sont eux-mêmes titulaires).

Bureaucratie ou démocratie

Le sondage confirme l’état très inquiétant de la démocratie universitaire et scientifique : 83% des sondés se jugent insuffisamment associés aux décisions budgétaires de leur établissement d’exercice, et 60% ne sont pas associés du tout. 60% des sondés sont insuffisamment associés aux décisions pédagogiques à l’université, et 67% aux décisions scientifiques.

Si le principe même de l’existence d’une instance d’évaluation comme le Hcéres est critiqué par la moitié des répondants, contre un quart qui le juge positif, son mode de composition actuel, sans élection, ne satisfait que 2,4% des répondants. Les deux tiers des participants (65%) défendent soit l’élection intégrale, soit le panachage entre élection et tirage au sort.

Nous avons également demandé aux répondants d’estimer le nombre d’évaluations qu’ils devaient rendre chaque année pour ces instances, ce qui a fait apparaître un gouffre entre les 2,4% de répondants rendant 10 évaluations ou plus, avec un pic à 60, et le reste de la communauté, à commencer par les 55% de répondants pour qui la réponse est aucune.

Plus de 90% des répondants attribuent au ministère une responsabilité forte à écrasante dans cette situation, à parité avec les directions des universités et des organismes de recherche, tandis qu’ils ne sont “que” 86% à mettre en cause les agences et le Hcéres. A noter également que 37% des répondants considèrent que les personnels scientifiques titulaires occupant des fonction de pilotage ont une responsabilité dans cette évolution.

Répartition des moyens

L’estimation des coûts de production d’un article scientifique, hors salaires, témoigne de la possibilité de répartir rationnellement les moyens de sorte que tous les chercheurs puissent travailler, en évitant la chronophagie, la bureaucratie et le conformisme inhérents aux appels à projets. Ainsi, les répondants reconnaissent une gradation des besoins depuis les lettres et sciences humaines (quelques milliers d’€) jusqu’aux sciences du vivant (centaine de milliers d’€), selon une croissance qui suit la part de travail d’expérimentation nécessitant du matériel coûteux. Le nombre de signataires moyens suit la même progression entre disciplines. La variabilité des réponses témoigne de ce qu’une distribution strictement déterminée par le champ disciplinaire demeure, possiblement, légèrement sous-optimale. Cependant, elle constitue une première approximation qui permettrait de répartir efficacement l’essentiel des moyens.

Publications

Le diagnostic sévère porté sur l’évolution qualitative des publications trouve son corollaire dans le fait que la moitié des répondants (50%) avoue publier épisodiquement ou régulièrement des travaux inaboutis. 14% déclarent aussi l’avoir fait « une fois ». Plus des deux tiers (68%) disent ne pas avoir le temps de suivre l’état de la recherche dans leur domaine.

Concernant le financement des publications, près des deux tiers des répondants (64%) n’ont jamais fait payer de frais à leur institution pour publier un article dans une revue. Concernant les revues en Open Access, ils sont 53% à n’avoir jamais payé pour être publié, sur 85% de répondants ayant déjà publié en Open Access. Ce modèle de prédation reste donc largement extérieur aux pratiques scientifiques en France. Il est d’ailleurs jugé négativement par 89% des répondants.

A contrario, 57% des répondants se sont déjà procuré des publications sur des sites de piratage et 63% souhaiteraient que les associations savantes reprennent le contrôle des publications, quitte à en supporter les coûts (ils ne sont que 6% à s’y opposer).

Les métiers scientifiques et la crise écologique

La dernière série de questions visait à sonder la communauté scientifique sur la prise en compte de la crise écologique dans la formulation des priorités d’une politique scientifique.

Il en ressort que 84% des répondants pensent que la crise écologique et climatique doit entraîner une modifications des pratiques scientifiques ; 76% pensent que les pratiques actuelles induisent des déplacements trop nombreux et 81% estiment que la réduction de l’empreinte carbone des activités scientifiques doit devenir une priorité dans l’établissement des politiques universitaires et de recherche.

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Rencontres des 25-26 septembre à l’IHP : refonder l’Université et la Recherche

Initié le 20 mars dernier au début du confinement, l’appel « Refonder l’Université et la Recherche pour retrouver prise sur le monde et nos vies », signé par 7401 personnes, appelait à des assises de la refondation universitaire 6 mois après. Nous avons finalement retenu la date des 25-26 septembre, sans savoir à l’époque qu’elle coïnciderait avec l’examen par l’Assemblée Nationale de la loi de programmation pour la recherche, à laquelle il s’agit d’opposer un contre-horizon à défendre et à promouvoir dans les mois et les années à venir.

Nous avons reçu de nombreuses propositions d’interventions de votre part, que nous avons retenues et regroupées de façon à organiser des panels de discussion à même d’aider notre communauté à avancer dans une redéfinition des finalités de nos métiers ainsi que des moyens, des pratiques et des institutions que cette refondation requiert. Vous trouverez-ci-dessous le programme auquel nous sommes arrivés.

Les trois demi-journées de ce travail de prospective, co-organisées avec le séminaire Politique des sciences, auront lieu à l’Institut Henri Poincaré, 11 Rue Pierre et Marie Curie, Paris 5ème (Amphithéâtre Hermite). Elles feront l’objet d’une captation vidéo et d’une retransmission en direct. Les vidéos resteront consultables ensuite, en haute définition. Pour des raisons évidentes de protocole sanitaire, l’amphithéâtre ne sera occupé qu’au tiers de sa jauge ordinaire, soit 50 personnes. Merci de nous faire savoir par retour de mail à quelles demi-journées vous souhaitez assister.

Nous vous souhaitons bon courage pour cette rentrée particulièrement difficile et éprouvante. Notre soutien va notamment à la génération la plus précaire, que les projets gouvernementaux s’apprêtent à sacrifier.


Programme des deux journées de réflexion prospective « Refonder l’Université et la Recherche »

25 septembre, après-midi

14h — Introduction — RogueESR
14h15-15h30 — Parole scientifique et parole experte : enjeux démocratiques

Barbara Stiegler
Emmanuelle Huver, Marc Debono, Didier de Robillard (en visio)

16h00-17h15  — Pratiques universitaires en temps de crise démocratique et environnementale

Finalités et les modalités de notre enseignement : Véronique Durand
Recherche et Workday for Future : Vincent Guillet
Sciences Citoyennes : Aude Lapprand
Labo1point5

17h15-18h — Un nouveau modèle de publication scientifique

Exposé introductif : Johan Rooryck puis discussion

18-18h45 — La division du travail scientifique

Exposé introductif : Romain Brette « Un autre laboratoire est possible » puis discussion

26 septembre, matin

9h — Introduction

Mot de soutien de Wendy Brown (en vidéo asynchrone)

Les conditions de l’autonomie étudiante

Exposé introductif : Hugo Harari-Kermadec (ACIDES) puis discussion

Quelles carrières dans l’enseignement et la recherche?

Exposé introductif : Philippe Stamenkovic puis discussion (visio)

26 septembre, après-midi

14h -16h — Restaurer la collégialité dans les instances

Julien Gossa et discussion avec la salle

Questions de financement

Exposé introductif : RogueESR ; intervention des Facs et Labos en Lutte