Dix réformes prioritaires pour l’ESR(I)

Identifiées par près de 1500 membres de la communauté

  1. Augmenter significativement le budget des laboratoires.
  2. Réformer la façon de réformer.
  3. Imposer la transparence dans les procédures de recrutement.
  4. Sortir de politiques uniquement orientées par les classements internationaux et notamment le classement de Shangaï.>
  5. Lancer une politique ambitieuse de recrutement d’enseignants-chercheurs (MCF) et chercheurs.
  6. Revaloriser l’ensemble des salaires dans l’ESR.
  7. Encourager le retour à des éditeurs libres.
  8. Encourager l’Open Access pour tous, chercheurs ou citoyens.
  9. Mieux prendre en compte les tâches administratives dans les services des enseignants-chercheurs.
  10. Aligner la dépense par étudiant dans les universités sur celle des classes préparatoires et des écoles dites « grandes ».

Ces propositions ont été envoyées à Mme Vidal ministre de l’ESR(I) et à M. Coulhon, conseiller du président de la république sur les questions ESR.

Méthodologie

La consultation s’est organisée en trois temps.

  1. La première phase a consisté à récolter les propositions de réforme de la communauté. Les acteurs de l’ESR ont été invités à rédiger librement leurs propositions via un forum “Moi Ministre ESR” libre mais modéré avant publication des messages. Il s’agissait simplement d’une vérification, aucune des contributions reçues n’a été écartée. Au total ce forum a reçu 71 contributions, dont certaines contenant plusieurs propositions. Le forum a été diffusé aux signataires du manifeste et sur nos réseaux sociaux (facebook et twitter).
  2. La deuxième phase a consisté en l’identification des propositions les plus importantes. Nous avons repris l’ensemble des contributions une par une, et tenté d’identifier les propositions qui ressortaient le plus souvent, ou qui nous semblaient les plus pertinentes. Nous avons également ajouté une proposition formulée par P. Dubois sur son blog  concernant la création d’instituts d’enseignement universitaires. Cette étape consiste de fait la partie la plus subjective de l’exercice. Elle a été réalisée par 5 personnes, personnels de l’université et du CNRS dans des disciplines des sciences humaines, sociales, et de l’univers. Ce travail a permis de formuler 30 propositions.
  3. La troisième phase a consisté à mettre au vote ces 30 propositions. Nous avons utilisé la plateforme libre framaforms. Pour chaque question, trois options étaient possibles : souhaitable et urgent, souhaitable,  pas souhaitable, ainsi que la possibilité de ne pas répondre. Afin d’éviter que la même personne puisse répondre plusieurs fois, nous avons utilisé le système d’identification des votants par IP et par cookie fournit par framaforms. Néanmoins deux personnes nous ont indiqué avoir réussi à voter deux fois.

Résultats et analyses

La page du formulaire a été consultée 3 261 fois, et 1 446 personnes ont répondu au questionnaire. Afin de classer les propositions de réformes par ordre de priorité nous avons appliqué le barème suivant :

  • Souhaitable et urgent = 2 points
  • Souhaitable = 1 point
  • Pas souhaitable = -1 point
  • Pas de réponse (NR) = 0 point

À partir de ce barème nous avons obtenu le classement ci dessous.

RangRéformeScore
1Augmenter significativement le budget des laboratoires2238
2Réformer la façon de réformer.2090
3Imposer la transparence dans les procédures de recrutement.2058
4 Sortir de politiques uniquement orientées par les classements internationaux et notamment le classement de Shangaï. 2004
5Lancer une politique ambitieuse de recrutement d'enseignants-chercheurs (MCF) et chercheurs 1917
6Revaloriser l'ensemble des salaires dans l'ESR.1911
7Encourager le retour à des éditeurs libres1806
8Encourager l'Open Access pour tous, chercheurs ou citoyens. 1729
9Mieux prendre en compte les tâches administratives dans les services des enseignants-chercheurs 1631
10Aligner la dépense par étudiant dans les universités sur celle des classes préparatoires et des écoles dites grandes.1617
11Supprimer la sélection à l'entrée en licence par tirage au sort.1607
12Conditionner l'octroi du Crédit Impot Recherche à l'embauche de docteurs.1589
13Mieux contrôler les formations privées.1586
14Recruter des personnels administratifs pour améliorer le fonctionnement des universités et des laboratoires.1477
15Mettre un frein aux processus de fusions1425
16Limiter à 4 le nombre de doctorant-e-s par directeur/directrice de thèse1396
17Imposer que le ou la ministre de l'ESR, et les président-e-s d'EPST soient titulaires d'un doctorat. Pour les président-e-s d'EPST, justifier d'une carrière académique.1352
18Supprimer l'ANR.1300
19Augmenter significativement les possibilités de CRCT/délégations dans les grands organismes de recherche1275
20Mieux prendre en compte les activités de médiation scientifique et de valorisation de la recherche dans la carrière des chercheurs et enseignants-chercheurs.1195
21S'assurer qu'il existe dans chaque EPST un service dédié à l'égalité H/F , pour les personnels et les étudiants. 1169
22Doter les universités de plus de moyens humains pour mieux suivre les devenirs de leurs ancien-ne-s étudiant-e-s et informer les jeunes.1133
23Intégrer les grandes écoles publiques au système universitaire.989
24Intégrer les classes préparatoires (CPGE) au système universitaire.957
25Réserver un quota de places pour les docteur-e-s dans les grands corps de l'Etat.948
26Transformer en PR ème classe les postes de MC-HC qualifiés aux fonctions de PR depuis au moins 8 ans. 755
27Supprimer la Prime Encadrement Doctoral et de Recherche677
28Supprimer la loi Sauvadet / Le Pors597
29Supprimer l'agrégation externe502
30Créer des Instituts d'enseignement supérieurs dédiés à la licence, regroupant dans des établissements toutes les formations post-bac actuelle.-15

Les données brutes des 1 446 répondants sont disponibles ici. La décomposition par réponse pour chacune des 30 propositions est donnée ci dessous. L’ordre correspond à celui du classement défini ci-dessus.

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Remarques

  • La proposition la mieux classée est « augmenter significativement le budget des laboratoires ». Ce résultat illustre les difficultés qu’ont les personnels à effectuer leur travail quotidien.  De nombreux témoignages vont dans ce sens, il est aujourd’hui devenu impossible de travailler correctement et dans la durée sans faire appel à des financements sur projet. Si ce mode de financement peut constituer une option, un coup d’accélérateur dans certains cas, il ne devrait pas être la règle. Par ailleurs, il faut rappeler que le travail de recherche scientifique s’organise naturellement en projets, locaux, nationaux, ou internationaux, et que le financement sur projet n’a, de ce point de vue, rien inventé. Il est à noter que cette proposition faisait déjà partie des revendications de l’association Sciences en Marche et de nombreux syndicats.
  • Parmi les 10 propositions les plus urgentes, un nombre important concerne le fonctionnement de l’ESR. Il est particulièrement remarquable que la proposition « réformer la façon de reformer » arrive en deuxième position. Nous avons construit cette proposition à partir de deux contributions au forum « Moi ministre de l’ESR ». La première insistait sur la nécessité de faire « un bilan des sept-cent mille réformes plus ou moins démagogiques des dix dernières années », et de prendre le temps de réfléchir, et se se concerter avant d’agir. La seconde dénonçait l’absence de réflexion en amont de la plupart des réformes concernant l’ESR, ainsi que leurs successions sans jamais leur laisser le temps d’aboutir. « On est dans un système de révolution perpétuelle et non de réforme raisonnée. Les personnels passent un temps considérable à gérer la mise en place douloureuse de réformes qui n’aboutiront jamais complètement et dont l’efficacité ne sera jamais évaluée: en résulte une perte d’énergie considérable et l’usure des personnels désabusés. Marre des ministres qui ont leur “vision” et l’imposent ! ».  Il serait donc particulièrement souhaitable que le ministère organise un état des lieux, en faisant intervenir l’ensemble des acteurs du terrain afin d’identifier les bénéfices ou les dégâts des réformes structurelles antérieures.
  • Dans un registre similaire, il ressort clairement des réponses que les politiques de fusion d’universités dont le but est essentiellement de figurer en meilleure place dans les classements internationaux sont perçues comme néfastes ou ineptes. Il est apparemment plus que nécessaire que les gouvernements se soucient des missions et des besoins de l’ESR, plutôt que d’inventer des objectifs a priori non pertinents et dont le bénéfice réel n’est a posteriori jamais démontré.
  • Une volonté nette de rendre les travaux des chercheurs et universitaires accessibles au plus grand nombre ressort de la consultation. Il faut pousser plus loin la loi sur une république numérique en autorisant les auteurs à rendre leurs travaux (financés par l’argent publique) accessible immédiatement après leur publication, mais également réfléchir à la mise en place d’un système de soutien aux publications contrôlées par les sociétés savantes, à but non lucratif, à l’opposé du système actuellement dominant où les acteurs de la recherche accomplissent tout le travail de création, d’évaluation, et même de mise en page, et doivent en plus payer indirectement pour avoir accès aux publications.
  • La revalorisation des salaires est également demandée. En effet le maigre effort concédé par le gouvernement précédent est loin de compenser la perte de pouvoir d’achat subie par les personnels depuis les années 80. En effet, en un peu plus de 30 ans, le salaire des chargés de recherche et maîtres de conférence au 1er échelon est passé de plus de 2 fois le SMIC a moins de 1.5. Pour des titulaires du plus haut diplôme universitaire, travaillant dans un domaine dit « sanctuarisé ».
  • La création d’instituts d’enseignement supérieur est la seule proposition jugée non-souhaitable. C’est aussi celle qui a le plus important taux de non-réponse. Il est possible qu’une partie importante des répondants ait jugé cette réforme dangereuse, dans le sens où elle pourrait entraîner la création d’une nouvelle sur-couche administrative (de type COMUE), dont les personnels sont lassés. Pierre Dubois, à l’origine de cette proposition, donne quelques éléments de réflexion supplémentaires sur son blog, notamment pour distinguer clairement les IES des superstructures telles les COMUEs.