Quels outils pour une Université et une recherche libres
Une série de brèves dans le billet de cette semaine :
- Lancement d’une association de défense de la liberté académique, adossée à un fonds de dotation : le programme du jeudi 17 mars
- Défendre la liberté académique : soutien aux collègues d’Ukraine, de Russie et de Biélorussie
- ANR : l’absence de sérieux scientifique est-elle la norme ?
- Covid : la vague épidémique prédite à la mi-janvier est là
- Recherche : la France, 3ème dans un classement international
- CNRS : vers une transformation en agence de moyens ?
I. Lancement d’une association de défense de la liberté académique, adossée à un fonds de dotation : le programme du jeudi 17 mars
À l’occasion du lancement d’une association de défense de la liberté dans l’Université et la recherche, adossée à un fonds de dotation, le mini-colloque « Quels outils pour une Université et une recherche libres » débattra des menaces qui pèsent sur notre métier mais aussi des outils à mettre en œuvre pour y faire face. Le lieu a été choisi en lien avec l’incarcération en Iran de notre collègue Fariba Adelkhah depuis le 5 juin 2019.
Jeudi 17 mars, de 13h50 à 19h30
CERI – Salle de conférence – Rdc – 56 rue Jacob, 75006 Paris
Inscription obligatoire ici.
Le mini-colloque sera également retransmise en direct sur la chaîne de Politique des sciences.
La session de 18h à 19h30 sera consacrée aux questions concrètes de création de l’association et du fonds de dotation et constituera la première réunion de toutes les personnes intéressées par le projet.
Programme
13h50 : Accueil des participants.
14h-14h50 : Aux avant-postes du danger.
La session témoignera des dangers qui affectent d’ores et déjà un nombre croissant d’universitaires à l’étranger.
Modératrice : Béatrice Hibou, directrice de recherche au CNRS (Ceri/Sciences Po)
Interventions :
- Alexander Bikbov, chercheur associé au CERCEC (CNRS/EHESS) et au CMH (ENS/CNRS/EHESS)
- Catherine Gousseff, directrice de recherche au CNRS (CERCEC/EHESS)
- Ahmet Insel, directeur éditorial des éditions Iletisim
Pause
15h-17h45 : Menaces, pratiques, ripostes.
Modératrice : Johanna Siméant-Germanos, professeure, ENS Paris
La session se composera de cinq interventions qui répondront chacune pour son compte à une même série de questions. À partir de quels constats, de quelles menaces, de quels espoirs analyser la situation de la liberté académique ? Comment théoriser nos besoins et quels outils mettre en œuvre pour défendre cette liberté.
Interventions :
- Nonna Mayer, directrice de recherche au CNRS (CEE/Sciences Po)
- Olivier Beaud, professeur, Université Panthéon-Assas
- Claude Gautier, professeur, ENS Lyon
- Bruno Andreotti, professeur, Université Paris Cité
- Felix Tréguer, postdoctorant au CERI (Sciences Po/CNRS) et chercheur associé au Centre Internet et Société (CNRS) (sous réserve)
Pause
18h : Fonder une association : quels objectifs, quels statuts, quels garde-fous ?
Modérateur : Bruno Andreotti, professeur, Université Paris Cité
Cette dernière session sera consacrée à débattre des modalités de création d’une association et/ou d’un fonds de dotation. Elle comportera une intervention synthétique sur l’articulation entre liberté académique, éthique et intégrité.
Intervenant :
- Jacques Haiech, professeur, Université de Strasbourg
II. Défendre la liberté académique : soutien aux collègues d’Ukraine, Russie et Biélorussie
De nombreux collègues sont aujourd’hui en danger en Ukraine, mais aussi en Russie pour avoir pris des positions courageuses contre l’invasion militaire russe. Nous devons nous souvenir de l’abandon complet des collègues afghans par l’exécutif il y a quelques mois et nous mobiliser pour l’accueil de ces collègues. Cela suppose de recenser les capacités d’accueil, de financement et d’hébergement, laboratoire par laboratoire, UFR par UFR. Il est déjà évident que le programme PAUSE ne suffira pas. Ce pourrait être un premier travail pris en charge par l’association en cours de création pour défendre la liberté académique, ce qui suppose que nous y soyons nombreuses et nombreux à y travailler de manière effective.
Pour autant, nous ne devons pas exonérer les bureaucraties de leur responsabilité. Nous attirons votre attention vers un double courrier envoyé à la présidence du CNRS et aux présidences d’universités.
III. ANR : l’absence de sérieux scientifique est-elle la norme ?
Comme chaque année, de nombreux collègues découvrent avec stupéfaction la désinvolture avec laquelle la pré-proposition qu’ils ont adressée à l’agence nationale de la recherche (ANR) pour l’appel à projets générique (AAPG) a été traitée par les comités d’évaluation scientifique (CES) en charge de trier les dossiers admis pour un second tour. Projets non lus, non compris, éreintés sur des contresens, dénigrement de personnes, reproches portant sur des améliorations demandées lors d’une demande précédente, mauvaise foi, a priori — quand l’unique reproche adressé à un projet ne contrevient pas purement et simplement au règlement de l’ANR. Les motifs d’incompréhension ne manquent pas, pour les porteurs éliminés — et parfois également pour ceux qui passent.
Dans un contexte de pénurie de moyens, où les subventions d’État ne couvrent plus les besoins de la recherche, et où l’AAPG de l’ANR est devenu — pour beaucoup d’équipes, en particulier en recherche fondamentale — le principal, parfois l’unique guichet de ressources, les conséquences de ces « non » pour l’activité de recherche et la vie des collectifs sont extrêmement lourdes. De tels choix, expédiés en quelques minutes, en dehors de tout fondement scientifique, par la machinerie bureaucratique à laquelle participent, à la chaîne, quelques collègues surmenés, illustrent l’irrationalité de l’institution ANR.
Nous assurons de notre sympathie les collègues qui, comme beaucoup d’entre nous, se sont pris avec violence les quelques mots lapidaires, tenant le plus souvent de l’arbitraire bureaucratique, par lesquels l’ANR annonce l’absence de moyens pour effectuer leurs recherches. Certains d’entre eux trouvent encore le courage d’entreprendre des recours, afin d’interroger l’ANR sur la vacuité du processus qu’elle met en œuvre, l’absence de rationalité de ses décisions. Il serait important de procéder à une collecte des retours de l’ANR, adossés à une argumentation factuelle, afin d’évaluer l’ampleur de l’arbitraire auquel nous sommes confrontés, et les conséquences visibles sur le décrochage scientifique du pays.
IV. Covid : la vague épidémique prédite à la mi-janvier est là
L’analyse du remplacement des variants Omicron BA.1 par BA.2 au Danemark, et celle de l’irruption du variant Alpha un an auparavant, ont permis dès la mi-janvier de prédire la vague de variant BA.2 qui a repris depuis quelques jours. Elle s’accompagne d’une flambée d’hospitalisations dans plusieurs pays étrangers qui témoigne d’une possible érosion de l’immunité, au moins parmi les personnes les plus fragiles.
Alors que l’abandon des masques se généralise, dans un énième déni de la rationalité la plus élémentaire, les mesures de réduction de risque les plus simples (ventilation et masque FFP2) doivent au contraire être mises en œuvre, ce qui n’exonère pas d’investir enfin dans un programme de prévention.
V. Recherche : la France, 3ème dans un classement international
La France se classe juste derrière la Chine et les États-Unis dans un classement international significatif : le nombre de téléchargements sur le site russe Sci-Hub.
Le nombre de téléchargements témoigne de l’emprise des éditeurs privés sur leur clientèle captive, qui se trouve être aussi celle qui produit leur richesse : nous. Si l’on rapporte le nombre de téléchargements sur Sci-Hub au nombre de chercheurs, la France est encore 4ème, derrière la Colombie, les Philippines et la Malaisie, et juste avant l’Indonésie et le Brésil. Il y a 7 fois plus d’articles téléchargés par chercheur en France qu’en Allemagne…
Cet engouement pour Sci-Hub témoigne évidemment du caractère dysfonctionnel des bibliothèques numériques françaises, surtout pour les accès à distance. L’association Couperin en charge de la contractualisation avec les éditeurs, négocie un accès différencié pour les différents établissements et, à l’intérieur de ceux-ci, pour les différentes disciplines. Toute recherche multidisciplinaire se transforme ainsi en cauchemar… sauf à utiliser Sci-Hub.
VI. CNRS : vers une transformation en agence de moyens ?
Lors de son allocution du 13 janvier dernier, M. Macron a fait état de son souhait de transformer les organismes de recherche en « agences de moyens » pour les établissements universitaires. Cette proposition programmatique reprend celle de la Cour des comptes qui, outrepassant ses fonctions, a suggéré dans une note de transférer les chercheurs des organismes aux universités et de fusionner les organismes devenus agences de moyens au sein de l’ANR.