Répondre à l’effondrement des preuves par une salve d’avenir
« À chaque effondrement des preuves, le poète répond par une salve d’avenir. »
René Char
Dans la tempête démocratique, socio-économique, sanitaire et climatique que la planète traverse, tempête accentuée par l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, il est de notre responsabilité de travailler, en plus de nos recherches et de nos enseignements, à sortir notre société de l’ornière. Nous avons peu de temps. Interpellés dans de nombreux courriers sur notre absence d’engagement partisan au cours des campagnes électorales, nous voulons clarifier ceci : nous ne nous connaissons aucun ennemi parmi celles et ceux qui défendent les libertés publiques et plus généralement le legs du libéralisme politique. A contrario, nous sommes très inquiets de la banalisation de l’extrême-droite et faisons nôtre ce principe minimal d’asepsie politique : « on ne discute pas recettes de cuisine avec des anthropophages » (Jean-Pierre Vernant).
Pour l’heure, nous vous souhaitons un été plein de joie, entre repos et production savante.
Mme Vidal, ancienne ministre de l’enseignement supérieur, envisageait de devenir salariée de la Skema business school — l’une de ces écoles de commerce qui fleurissent sur la paupérisation de l’Université publique pour proposer des formations indigentes à prix d’or. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a rendu un avis défavorable, mais non public, à ce recrutement de Mme Vidal par le secteur privé dont elle a servi loyalement les intérêts.
Certifications en langues — Le 3 avril 2020, en plein confinement, Mme Vidal faisait paraître un arrêté et un décret rendant obligatoire de passer une certification externe en langue anglaise pour se voir reconnaître les diplômes universitaires de premier cycle. Cette décision, préparée depuis plusieurs mois sur injonction directe du Premier ministre, a défrayé la chronique pour de nombreuses raisons : la restriction du choix des langues vivantes à l’anglais, l’obligation de passer une certification mais pas de l’obtenir, le recours obligatoire au secteur privé, le coût de cette certification, la tentative d’appel d’offre national en faveur d’un prestataire inconnu adepte de l’optimisation fiscale, mais aussi et peut-être surtout le conditionnement inédit de la remise d’un grade académique à la passation d’une épreuve explicitement soustraite à la juridiction de l’Université. Suite à un recours collectif déposé par plusieurs associations professionnelles et sociétés savantes, le Conseil d’État a procédé à l’annulation de l’essentiel des textes d’avril 2020, en s’appuyant sur le principe de collation des grades par l’Université seule.
Au-delà des félicitations aux associations ayant déposé le recours, il convient de saluer cette décision de principe et de reconnaître sa valeur historique pour la différence de la liberté pédagogique en tant que liberté professionnelle collective : le Conseil d’État, par cette décision, réaffirme avec force que les jurys composés des équipes pédagogiques sont seuls souverains pour remettre les diplômes dans le respect des règles décidées collégialement par les instances académiques.
Covid et investissement dans la qualité de l’air — Cela fait désormais deux ans que la transmission aéroportée de SARS-CoV-2 fait consensus scientifiquement. Depuis la « dernière vague » annoncée le 1er janvier par M. Véran (Omicron BA.1), la vague épidémique du variant BA.2 a causé entre 8 000 et 9 000 morts, dans l’indifférence. Deux nouveaux variants (BA.4 et BA.5, ce dernier étant plus transmissible) sont en train de provoquer une septième vague épidémique que la vie en extérieur pendant l’été aura du mal à atténuer avant la reprise automnale. Les faits, irréfutables, donnent raison aux analyses scientifiques que nous avons portées : nous avons besoin d’un arsenal sanitaire large et en particulier d’un investissement dans la qualité de l’air intérieur. Du fait du déni de la transmission aéroportée par le cabinet ministériel, notre pays est l’un des pays riches où l’on a le moins investi dans la réduction du risque de transmission. Les travaux d’installation de purificateur d’air et de système d’aération efficace prennent du temps et l’été doit être mis à profit pour qu’après deux ans d’inaction, l’Université puisse faire sa rentrée dans de bonnes conditions.
Évolution comparée du point d’indice des fonctionnaires, de l’indice des prix à la consommation et des loyers.
La communauté scientifique ne connaît pas de frontières : soutien aux universitaires persécutés.
En une période où la liberté académique et les droits fondamentaux n’ont jamais été autant bafoués, il est essentiel de rappeler notre soutien à toutes les chercheuses et tous les chercheurs qui subissent des restrictions à leurs libertés, sont contraints à l’exil ou qui sont emprisonnés par des régimes autoritaires.
Nous pensons en particulier à notre collègue anthropologue Fariba Adelkhah, prisonnière scientifique depuis plus de trois ans à Evin en Iran, où elle purge une peine de 5 ans de prison, infligée sans procès et sur la base d’accusations invraisemblables.
Nous pensons aussi à la sociologue Pinar Selek persécutée depuis 24 ans par le pouvoir turc et contrainte à l’exil dans notre pays. Pinar Selek a été à nouveau condamnée ce 21 juin à la prison à perpétuité par la Cour suprême de Turquie alors que les faits dont on l’accuse sont une pure invention et qu’elle a été acquittée à quatre reprises. Le harcèlement judiciaire dont elle fait l’objet trouve son origine dans ses travaux de recherche sur les kurdes et dans son engagement pour la défense des droits humains en Turquie. Il est possible de soutenir les démarches juridiques que notre collègue va engager.
Nous pensons à tous les universitaires, étudiantes et étudiants d’Ukraine qui sont contraints à l’exil ou qui subissent la guerre dans leur pays. Nous réaffirmons aussi notre solidarité avec les chercheuses et chercheurs russes qui ont le courage de s’opposer à la guerre et en subissent les conséquences au plan de leur liberté individuelle et scientifique.
Nous appelons chaque membre de la communauté scientifique à agir chaque fois qu’il nous est possible de le faire, en apportant aide et soutien aux collègues et étudiants internationaux, en particulier en facilitant leur accueil dans nos établissements. Le savoir est universel : la communauté scientifique ne connaît pas de frontières.
Un texte de Philippe Cinquin sur le manque de déontologie dans les instances de nos institutions.
Un article signé par Camille Noûs et trois autres co-autrices reçoit le 1er prix biennal de la revue Food and History (Revue de l’Institut Européen d’Histoire de l’Alimentation) pour une publication parue en 2021.
Cette distinction est l’occasion de rappeler l’engagement collectif de Camille Noûs en faveur d’une éthique de recherche. En associant sa signature à leur production scientifique, des centaines de chercheuses et de chercheurs entendent témoigner de la dimension collective de la recherche et démentir les mythes individualistes entretenus par la bureaucratie évaluatrice et par l’oligopole de l’édition scientifique. Nous vous invitons à poursuivre le mouvement selon vos possibilités. Cette signature symbolique est complémentaire des initiatives heureuses visant à confier le processus d’approbation et de publication des communications scientifiques à la seule communauté de recherche, garante d’une évaluation indépendante, rigoureuse et éthique.
Les 27, 28 et 29 août, des journées d’été des savoirs engagés et reliés à l’École normale supérieure de Lyon pour travailler sur les relations entre science et société.
Deux nouvelles parties de l’entretien avec Michèle Leduc et Didier Gourier sur la chaîne Politique des sciences.
Sur l’intégrité scientifique.
Sur l’intérêt de la société à avoir une recherche.