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Barnum post-démocratique

C’est un événement suffisamment rare pour être salué : une nouvelle association nationale a vu le jour pour défendre la liberté académique et travailler à une vision renouvelée de l’Université et de la recherche, ALIA, l’Association pour la LIberté académique. Vous pouvez y adhérer ici. Nous lui souhaitons de beaux succès.

« Le racisme est la pire plaie de l’humanité. Il triomphe quand on laisse le fascisme prendre le pouvoir. »

Lucie Aubrac

Nous reviendrons dans de prochains billets sur les questions propres à l’Université et la recherche, et en particulier sur les conséquences de l’austérité budgétaire qui s’aggrave. Nous consacrons ce billet à deux questions dont on verra qu’elles éclairent aussi la nature de la nouvelle bureaucratie du supérieur. Pourquoi l’alliance entre la minorité présidentielle et l’extrême-droite était-elle si évidente que nous l’avions anticipée dans chacun de nos billets récents ? En quoi la bascule dans la post-démocratie est-elle directement liée à la situation économique ?

« En France, au scrutin des élections, il se forme des produits politico-chimiques où les lois des affinités sont renversées. »

Honoré de Balzac

Les élections législatives ont montré le très fort rejet de la politique économique et sociale menée par la droite managériale et le rejet tout aussi fort de l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite national-identitaire. Pourtant, après d’autres pays européens, c’est au tour de la France de voir une coalition entre les néolibéraux et l’extrême-droite, par l’entremise des néoconservateurs, arriver au pouvoir — s’en emparer, plutôt. Ce n’est pas une surprise ; avant les élections, nous avions analysé les logiques de situation qui poussaient à une alliance de gouvernement entre l’extrême-droite et la minorité présidentielle :

Étonner la catastrophe

Il n’y a pas un mot à changer. La presse internationale a unanimement souligné la gravité de l’effondrement moral et démocratique qui a eu lieu pendant l’été : l’illibéralisme de M. Macron a parachevé la bascule vers la post-démocratie. On qualifie de post-démocratique un régime qui obéit aux caractéristiques suivantes : (i) la subsistance d’élections qui se traduisent institutionnellement par des politiques contraires à la volonté majoritairement exprimée ; (ii) des violations répétées de l’État de droit et de la séparation des pouvoirs, et un piétinement des libertés publiques ; (iii) l’effondrement de tout espace public de délibération et de pensée au profit d’un brouillard de confusion et de désillusion généré par manipulation médiatique directe et par diffusion des sottises incohérentes produites en retour.

« La France est un pays qui adore changer de gouvernement à condition que ce soit toujours le même. »

Honoré de Balzac

Si M. Macron a refoulé le vote antifasciste de son électorat, c’est avant tout en raison de la situation macro-économique. L’Express rapporte ainsi ses propos : « Si je la nomme, elle ou un représentant du NFP, ils abrogeront la réforme des retraites, ils augmenteront le Smic à 1 600 €, les marchés financiers paniqueront et la France plongera. […] Une crise à la Liz Truss. » Cette phrase formule clairement la thèse selon laquelle les marchés financiers dicteraient les résultats admissibles des élections. Si le président de la République se soumet à l’emprise de l’extrême-droite, c’est, explique-t-il, parce qu’il n’est qu’exécutant (subordinate) d’une politique économique décidée par « les marchés financiers » qui deviennent, comme la religion autrefois, les instances de légitimation d’un pouvoir technocratique. C’est donc une forme de suffrage censitaire qui fait son retour, conférant à la période un parfum de Directoire que renforcent l’autoritarisme et l’usage d’un discours fondé sur la modération et sur le brouillage des repères politiques. Le président de la République se mettant en scène comme DRH de la nation auditionnant des candidats à Matignon, avant de prendre sa décision — à l’exact opposé du vote populaire — en offre une illustration saisissante. S’il contrevient aux mœurs, procédures et usages des démocraties libérales, c’est paradoxalement, nous dit-il, parce qu’il est frappé d’impuissance. Dès lors que l’État est placé au service et sous le contrôle du marché, le président de la République ne gouverne pas : il fait l’acteur. Soulignons que Mme Truss a été portée au pouvoir par une alliance entre libertariens, néoconservateurs et néofascistes, et en a été chassée par « les marchés financiers » après qu’elle a annoncé la suppression sans compensation de l’impôt sur la fortune, le creusement de la dette en conséquence et des coupes drastiques dans le budget de la sécurité sociale. Toute ressemblance…

« La démocratie, c’est beaucoup plus que la pratique des élections et le gouvernement de la majorité : c’est un type de mœurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l’adversaire, c’est un code moral. »

Pierre Mendès France

Le curieux alignement des sociétés occidentales qui voient arriver au pouvoir, les unes après les autres, des alliances entre néolibéraux et extrême-droite, est donc le fruit de la situation macro-économique. Le rapport Draghi sur la compétitivité européenne, fraîchement paru, analyse précisément les tendances lourdes du capitalisme contemporain : ralentissement des taux de croissance et affaissement des gains de productivité. Si cette longue dépression se fait sentir aux États-Unis et en Chine, c’est en Europe et en particulier en France que la situation se dégrade dangereusement. Dans un « jeu » à somme nulle, ou presque, la distribution des dividendes mondiaux a atteint un nouveau record, en hausse de 8% en un an — 6% en compensant les effets de change. Le taux de rendement des capitaux est largement supérieur au maigre taux de croissance de la production de richesses, ce qui induit une politique d’appauvrissement des salariés et de démolition des programmes sociaux. Les « marchés financiers » exigent des managers d’État qu’ils mènent des politiques de dérisquage de l’investissement : les États, mis en concurrence, se doivent de garantir le taux de rendement du capital par des aides directes aux entreprises (entre 160 et 200 milliards d’euros selon les critères retenus) et des mesures de défiscalisation des hauts revenus. Les réformes structurelles qu’ont exigé ces mêmes « marchés financiers » depuis des décennies n’ont pas produit la croissance promise par le dogme économique qui les a justifiées : la fiction obscurantiste du « ruissellement ». Nos sociétés sont entrées dans un infernal cercle d’autophagie : plus la polycrise démocratique, climatique, sociale et économique s’amplifie, plus le système qui la provoque s’en nourrit. Aussi les batailles à venir visent-elles à préserver le bien commun de l’emprise du marché : impôt sur la fortune, suppression des niches fiscales et des aides directes de l’État à l’actionnariat d’entreprise et défense d’un système de retraite public. Comment ne pas voir, en effet, dans la retraite par capitalisation, le symbole d’une société autophage, les salariés participant au travers des fonds de pension à la dévoration de leurs propres existences ?

« Si l’homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d’être regardé. »

René Char

Nul doute que l’année d’instabilité institutionnelle et d’austérité qui s’annonce sera ponctuée de surprises artificielles, de trahisons, de rumeurs et de mises en scènes distillées en feuilleton par le Barnum médiatique. Il est plus que jamais nécessaire de nous soustraire à ce spectacle hypnotique et déplorable pour contrecarrer l’effondrement moral de la société et ouvrir un avenir qui ne soit pas désespérant pour les jeunes générations. L’Université a un rôle primordial à jouer pour réinstituer un espace public de pensée, de confrontation et de critique réciproque. Les campus doivent devenir des lieux ouverts, polycentriques, opérant en réseau, où s’élaborent les moyens de juguler la polycrise et où se réinvente une démocratie débarrassée des oripeaux monarchiques.

« Tout est fini. Ce pays n’existe plus… Et, enfin, comme il faut bien faire quelque chose, même quand il n’y a plus rien à faire, je suis des vôtres. »

Pierre Brossolette

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En attendant Gogo

« Vladimir (triomphant) — C’est Godot ! Enfin !
(Il embrasse Estragon avec effusion.)

Gogo ! C’est Godot ! Nous sommes sauvés ! »

« Vladimir.— Ceci devient vraiment insignifiant.
Estragon.— Pas encore assez.
»

Samuel Beckett, En attendant Godot

Jamais le sens de notre métier n’a été aussi évident, dans ce flottement généralisé. Nous vous souhaitons une bonne rentrée et vous invitons à participer au baromètre de l’ESR 2024. Il concerne tous les personnels de l’ESR, tous statuts, secteurs, disciplines, et métiers confondus et nécessite moins de 10 minutes.

Face au désarroi qui gagne une partie des authentiques progressistes, le Groupe Javier Milei a décidé de se reformer pour reprendre la plume dans la plaie et porter un message fort, empli d’optimisme et de détermination, aux antipodes du défaitisme ambiant.

N’ayons pas peur des mots : les élections législatives du mois de juillet ont été la fastueuse cérémonie d’ouverture d’une olympiade politique telle que la France n’en a plus connu depuis les Bonaparte. Après une course indécise, M. Emmanuel Macron a glorieusement remporté la médaille d’or de l’épreuve de saut d’obstacle disruptif, battant par son implacable « Finishing Lean To Win » son seul concurrent digne, l’ami et compañero Javier Milei. Quel sportsmanship, quelle élégance dans leur virile accolade à la veille de la compétition ! Voilà la concurrence telle que nous la voulons : sauvage avec les agneaux, mais reconnaissant les mérites des autres grands fauves. En queue de groupe, M. Donald Trump est passé totalement à côté de son rendez-vous, après avoir empilé les contre-performances depuis sa tentative de record du monde du Capitole. M. Emmanuel Macron, lui, a électrisé les foules, mis le feu disruptif au Stade Suprême en balançant sa grenade dégoupillée dans les jambes.

Les universitaires auront sans mal reconnu la clé du succès de ces législatives : tant il est vrai que l’Université fut un laboratoire de cet ordre nouveau où les élections produisent des instances collégiales fragmentées et ingouvernables autrement que par un rassemblement d’intérêts bien compris, loin des vaines illusions programmatiques et des promesses électorales d’un autre temps. Après le Hcéres, la DGRI et la DGESIP, dont la pratique dérégulée d’une gouvernance intérimaire permanente fait florès, voici maintenant que c’est l’Assemblée Nationale qui se met à l’école de Paris-Saclay, ce vaisseau amiral de l’excellence managériale : la démocratie disruptée accouche du règne sans partage du Cercle de la Raison. La haute administration peut enfin renoncer aux fausses pudeurs des chambres d’enregistrement. L’authentique démocratie parvient à l’excellence politique sur le marché des idées, non par de stériles engagements publics, mais par un libre jeu des intérêts qui transcende toute éthique individuelle ; la vraie politique, c’est la conduite scientifique de l’émergence d’un ordre spontané qui sublime la perfection; le seul programme possible, c’est l’optimum du marché. On comprend dès lors que la question de la coalition se règle d’elle-même, et que les esprits ne soient plus occupés que par cette seule question: Qui ? Quel manager vertueux ? Quel maquignon pour Matignon ? C’est ici, hélas, que des idées fausses, la confusion, la peur de la nouveauté peut-être, engendrent des erreurs de jugement et plongent le pays dans le désarroi.

Il ne s’agit aucunement pour le Souverain, de consentir à une cohabitation — tout au plus à une sous-location. D’aucuns semblent vouloir se laisser tenter par un Moscovici, un Migaud, un Beaudet, un Cazeneuve — il est vrai que, malgré ses convictions menchéviques, M. Cazeneuve n’a pas démérité pour se faire accepter des gens raisonnables comme M. Ciotti, notamment par le doigté dont il a su faire preuve dans l’affaire de Sivens. Name dropping sans substance: ces nominés exhalent un tel parfum de vieux monde ! Il faut donc voir ailleurs. Mme Valérie Pécresse est régulièrement citée, elle aussi, dans ce feuilleton qui nous tient en haleine. Nous gardons au cœur la mémoire de ce que nous lui devons. Les preuves d’amour dont elle nous a gratifiés ne seront jamais oubliées. Mais le feu sacré de la réforme a depuis longtemps quitté cette conservatrice chiraco-versaillaise, qui ne fut révolutionnaire que sous l’impulsion de la commission Attali-Macron. Alors qui ? Qui ?

Nous le savons: nombre de nos amis souhaitent ardemment la nomination de M. Martin Hirsch à la tête d’un gouvernement technique. Par son action sans concession comme bed manager in chief des Hôpitaux de Paris, l’ancien sous-ministre de Nicolas Sarkozy a en effet montré toutes ses capacités de leadership humain : nous y voyons, comme beaucoup, la marque de son long engagement dans le premier cercle dirigeant d’Emmaüs. Ne mérite-t-il pas lui aussi un droit au logement ? Mais M. Hirsch est aujourd’hui accaparé par sa tâche d’expansion de l’enseignement supérieur privé lucratif, une œuvre indispensable pour sauver les prochaines générations de l’emprise du marxisme culturel transcosmopolite et de la science sans conscience.

Victime de l’injuste intervention de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, Mme Frédérique Vidal, flamboyante pionnière de la modernité disruptive, a été empêchée de suivre la même voie. A toute chose, malheur est bon : la pasionaria des instances paralysées, ange noir du management injustement déchue, est la candidate idéale pour Matignon. La première, elle sut concevoir que la première richesse de la formation, ce sont les frais d’inscription. La première, elle sut affirmer que la démocratisation, c’est la sélection, que le véritable internationalisme passe par la discrimination, qu’une bonne programmation pluriannuelle de la recherche se doit de n’être ni pluriannuelle, ni programmatique, mais d’opérer d’une main qui ne tremble jamais les coupes indispensables dans les budgets des temples de l’islamo-gauchisme et de l’anti-France. La première, elle sut dire que la solidarité, c’est la prédation, que la liberté académique, c’est le juste contrôle des pensées déviantes. Cette prophétesse de la symbiose bolsonaro-progressiste incarne depuis 2017 la vérité politique de notre camp, telle qu’elle trouve enfin à s’exprimer. Madame Vidal, pour vous, il n’y aura ni liste d’attente ni procédure complémentaire : c’est dès aujourd’hui que nous nous rallions à votre panache rutilant pour conduire la nation vers un avenir authentiquement darwinien.

Comme le déclarait ce grand apôtre de la liberté, Augusto Pinochet, « La démocratie porte en elle le germe de sa propre destruction. Un proverbe dit que « la démocratie doit de temps en temps se baigner dans le sang pour pouvoir continuer à être une démocratie ». Heureusement, ce n’est pas notre cas. Il n’y a eu que quelques gouttes. »

VIVA LA LIBERTAD, CARAJO.

Groupe Javier Milei