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Un frémissement

« Comment serait-il possible […] d’empêcher la bureaucratie de devenir toute-puissante et présomptueuse ? Comment pourrait-on protéger les droits de l’individu et assurer un contrepoids démocratique au pouvoir de la bureaucratie ? »

Albert Einstein

Un frémissement

Chacun a gardé en mémoire l’élan puissant qui s’est fait jour au sein de la société, à l’amorce de l’été, pour refuser l’accession au pouvoir de l’extrême-droite et s’opposer à la poursuite d’une politique de prédation du bien commun par des intérêts privés. C’est sur cette impulsion qu’il nous faut construire pour imaginer des horizons florissants malgré le retour de bâton engendré par l’alliance entre droites et extrême-droite. On ne saurait parler encore de mouvement tant la situation provoque l’accablement, mais de frémissement, de frisson, de tremblement. 3500 signataires pour un texte d’une grande modération est loin d’être suffisant pour peser dans un débat public étouffé par les névroses identitaires et la haine de l’altérité. La question de l’avenir de notre société demeure devant nous.

https://rogueesr.fr/investir-recherche-universite/

Mais la revue Science s’en fait l’écho, le Times Higher Education rend compte du décrochage français, le président de l’Académie des Sciences, Alain Fischer, prend la parole, des lauréates et des lauréats de l’Institut Universitaire de France font entendre leur rejet de vingt ans de paupérisation et de reprise en main de l’Université. On peut prendre connaissance de leurs déclarations ici :
https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/201024/l-institut-universitaire-de-france-dit-son-opposition-au-ministre-patrick-hetzel

Frémissement, donc, quand la société étouffe des bruits de bottes et du silence des charentaises.

Nous relayons ci-dessous deux nouvelles initiatives en ce sens.

Sauvons les Beaux-Arts

Nombre d’établissements universitaires et hospitaliers ont connu ces fusions et ces restructurations managériales délétères, qui produisent partout bureaucratisation, perte de sens et dévitalisation. C’est aujourd’hui au tour des Beaux-Arts de connaître un projet de démantèlement, contre la volonté de sa communauté et de sa direction. Il s’inscrit dans une politique de normalisation et de diminution de l’enseignement artistique qui touche toutes les écoles d’art en France. Artistes, étudiants, enseignants se mobilisent sous forme d’une pétition ouverte à toutes les signatures :

https://rogueesr.fr/beauxarts/

Association Acadamia pour la transparence des contrats qui lient les établissements du supérieur aux intérêts privés

Les contrats de mécénat qui lient établissement d’enseignement supérieur et entreprises comportent souvent des clauses de non-dénigrement, ou la possibilité pour les grands groupes d’influer sur le choix des maquettes d’enseignements, des conférences et des thèses. Cette violation du principe d’autonomie de l’Université met notre système de formation et de recherche à la merci des marchands de doute, des désinformateurs et des « réinformateurs ». Une association de jeunes ingénieurs s’est constituée pour exiger la transparence des contrats qui lient les établissements du supérieur aux intérêts privés :

https://asso-acadamia.fr/campagne-mecenat/

Le journal Libération s’est fait l’écho de quelques-uns de ces contrats :

https://www.liberation.fr/societe/education/total-loreal-quand-des-multinationales-dictent-leur-loi-a-lenseignement-superieur-20241015_2Z7DMDKAY5ABNMZACYYHF6O62U/

Association pour la liberté académique (rappel)

L’association Alia compte déjà un nombre d’adhérentes et d’adhérents qui témoigne de l’importance prise par la liberté académique. Pour adhérer:

https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-liberte-academique/adhesions/adhesion-a-l-association-pour-la-liberte-academique-alia

Elle vous invite à apporter votre signature en soutien à l’adoption d’une charte pour la liberté académique dans le plus grand nombre d’établissements de recherche et d’enseignement supérieur :

https://liberte-academique.fr/soutenir-la-charte-pour-la-preservation-et-la-promotion-de-la-liberte-academique/

« Il n’y a que mon semblable, la compagne ou le compagnon, qui puisse m’éveiller de ma torpeur, déclencher la poésie, me lancer contre les limites du vieux désert afin que j’en triomphe. Aucun autre. Ni cieux, ni terre privilégiée, ni choses dont on tressaille. »

René Char, La bibliothèque est en feu

Analyse du projet de loi de finance 2025

Comme chaque année, nous avons analysé l’évolution des budgets de la recherche et de l’Université à partir des documents budgétaires, résumée par le graphique suivant :

Budget total de l’Université et de la recherche (programmes 150, 172 et 193) décomposé en trois parties : la charge de service public pour l’Université, la charge de service public pour la recherche et la part de budget transférée au privé ou à des institutions publiques. (A) Représentation sans compensation de l’inflation. (B) Représentation en euros de 2024, avec compensation de l’inflation (INSEE). (C) Budget de l’Université (programme 150) rapporté au nombre d’étudiants à l’Université, avec compensation de l’inflation (projections de la Banque de France).

En résumé : Depuis l’adoption de la loi de programmation de la recherche, les budgets pour l’Université et pour la recherche publique chutent rapidement, du fait de l’inflation. Cela se traduit par une poursuite de la baisse du budget par étudiant entamée depuis 15 ans. Le projet annuel de performances accélère son ambition de déclin rapide de la production scientifique française. La cible de production scientifique était de 1,3% de la production mondiale en 2023, de 1,2% en 2024. Elle est désormais de 0,9%. La cible de production scientifique était de 6,6% de la production européenne en 2023, de 6,2% en 2024. Elle est désormais de 5,2%. L’indicateur comparant la production scientifique française à celle de l’Allemagne et du Royaume-Uni a été supprimé. La haute fonction publique est donc consciente de ce que les réformes structurelles menées conduisent à un décrochage scientifique beaucoup plus rapide que la simple baisse des budgets — l’utilisation d’indicateurs quantitatifs ineptes n’enlève rien à ce constat.