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Assises de la hausse des frais d’inscription


« Quand on mettra les COMP sur orbite, t’as pas fini de tourner. »

Presque Michel Audiard

Opération « Mort aux COMP »

Il y a six ans, nous mettions un petit grain de sable dans les rouages de la machine bureaucratique de contrôle: le Hcéres. Une simple candidature collective à sa direction a suffi à le faire dérailler. Il est maintenant pratiquement mort ; seuls quelques bureaucrates le pleureront. Il nous faut recommencer pour les contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) et, pour se donner du courage, nous compter et nous tenir prêts pour une action joyeuse en tout début d’année 2026 — disons, si nous sommes plus de mille. Merci de signifier ici que vous souhaitez être d’un petit geste de résistance :

 

« Les succès de la recherche française sont liés aux réformes structurelles des dernières années. (…) Ne sacrifions pas les vingt prochaines années. »

Lettre ouverte du Groupe Javier Milei
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/projet-de-loi-de-finances-ne-sacrifions-pas-la-recherche-et-lavenir-de-la-france-2203687

« Ne sacrifions pas les vingt prochaines années »

Tous les rapports sur les politiques publiques le reconnaissent désormais : les réformes  de l’Université et de la recherche menées pendant vingt ans, mélange de paupérisation, de précarisation, de bureaucratisation managériale, d’anomie et de médiocrité, ont provoqué un décrochage scientifique, économique et technique. Ainsi, le récent rapport sénatorial sur les « relations stratégiques entre l’État et les universités » a cherché à comprendre le « décalage observé » entre la parole gouvernementale et la réalité.

https://www.senat.fr/rap/r25-058/r25-058.html

Il conclut à une « absence de boussole », à un « pilotage erratique », à des « carences » béantes dont les gouvernements successifs portent l’entière responsabilité : l’Etat a failli dans la totalité des domaines d’intervention de l’enseignement supérieur et de la recherche. De fait, les « outils de pilotage » surpuissants dont il s’est doté ont été mis au service de l’insignifiance managériale la plus désolante et du culte de l’austérité. Le rapport du Sénat étrille les contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) par anticipation, qui ne peuvent compenser ni l’absence de vision, ni l’absence de moyens, ni la démultiplication des missions sans priorisation. In fine, si la « défiance » s’est durablement installée, c’est qu’il n’y eût jamais l’once d’un « Etat stratège », mais une croyance dogmatique dans le caractère miraculeux de la mise en concurrence des structures et des personnes, dans la concentration des moyens, dans un Etat au service et sous le contrôle du secteur privé. La Bêtise à front de taureau du fondamentalisme de marché.

 

« Premier principe — Ce n’est qu’en essayant continuellement qu’on finit par réussir, ou, en d’autres termes, plus ça rate, plus on a de chance que ça marche.
Second principe — Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »

Postulats de la logique Shadock

La tribune des huit ministres parue dans les échos a le mérite involontaire de certifier l’existence d’un unique programme de réforme par delà les alternances : celui théorisé par M. Philippe Aghion en 2004 et mis en œuvre selon sa stratégie de « réforme incrémentale ». En dehors de provoquer une franche hilarité, la tribune se résume à ceci : il n’y a pas de problème engendré par le néolibéralisme dont il ne prétende être la solution. La tribune ne geint de l’absence de moyens dont ses signataires sont responsables que pour préparer la hausse des frais d’inscription et, au delà, la mise en œuvre de la fin du plan de destruction de l’Université et de la recherche, au cours d’une phase d’accélération qui profite d’un moment de sidération et de division.

Il ne nous faut perdre des yeux aucune des mâchoires du piège : les attaques maccarthystes contre la liberté académique destinées à faire diversion et à terroriser (« flood the zone ») ; la déstabilisation des pratiques, y compris par une énième « simplification » du Hcéres qui ne s’appuie sur aucun texte et ne génère que de l’incertitude ; et bien sûr la phase de privatisation et de mise en laisse (COMP 100%, Loi Baptiste, liquidation du statut de fonctionnaire et hausse des frais d’inscription). Il ne nous reste plus qu’un an pour renouveler intégralement la vision de l’Université et la recherche, devant l’échec magistral des politiques menées ces deux dernières décennies.

« Maintenant, l’école ne tient plus ses promesses républicaines ; donc une réforme de l’éducation est absolument indispensable. »

Philippe Aghion, théoricien des réformes de l’Université de 2004 à 2025

Assises de la hausse des frais d’inscription : quand on mettra les COMP sur orbite…

Mercredi 10 décembre, le ministre Philippe Baptiste a promis au Sénat d’organiser début 2026 des « Assises du financement de l’université ». Pour les plus anciens, le goût amer laissé par les « Assises de l’ESR » de Mme Fioraso en 2013 évitera de se bercer d’illusions : à travers la fiction d’une « co-construction » avec les inévitables « acteurs de l’ESR », ces assises ne seront qu’un dispositif de « conduite du changement ». En l’occurrence, le changement, c’est l’augmentation des frais d’inscription et l’abandon pur et simple de la notion de subvention pour charge de service public et son remplacement par un COMP édicté par le rectorat dans le cadre de ses nouvelles prérogatives.

Les gesticulations de la présidente du Hcéres pour tenter de faire croire que son commissariat a encore un poids politique n’abusent plus grand monde : l’époque où l’on tenait les établissements universitaires par des notes-couperets est terminée. Le Hcéres est mort — il est le seul à ne pas encore le savoir. Les super-recteurs, ces « préfets des professeurs » sous la houlette du ministère, sont chargés d’imposer la bascule au nouveau modèle de financement avant la présidentielle de 2027 :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000053011617

Pour ce faire, le ministre dispose d’un bâton : la menace de « désocler la SCSP », c’est-à-dire de verser une somme ouvertement inférieure aux besoins ; mais il a aussi une carotte : la promesse de remettre à plat un modèle d’allocation des moyens hérité d’un âge révolu et qui perpétue des inégalités injustifiables entre les établissements. La dénonciation purement réactive de ces inégalités de dotation n’est pas une solution. Le rapport du Sénat a su l’utiliser pour préconiser la mesure dont on sait depuis vingt ans qu’elle constitue le point de fuite de l’agenda réformateur : la dérégulation totale des frais d’inscription à l’Université, prélude à la privatisation de ses secteurs rentables. 

Dès maintenant, il apparaît que 2026 sera l’année de la mise en faillite de nombreux établissements universitaires, comme l’illustre le déficit abyssal et inédit voté le 10 décembre à Lille. Cette faillite est provoquée essentiellement par des mesures indemnitaires et sociales non compensées, doublées d’un resserrement des critères de contrôle budgétaire par l’État, pourtant premier responsable de la crise : cet effet ciseaux est la preuve la plus évidente d’un choix délibéré de la faillite. Dans cette situation, la litanie des pyromanes qui se sont succédé au ministère depuis 20 ans perd sa force comique : signe des temps, le mensonge et les faux-semblants ont été érigés en normes politiques. Il ne s’agit que de soutenir l’augmentation drastique des frais d’inscription, la fin du statut de fonctionnaire, la transformation des organismes nationaux en agences de programme et la privatisation — le dernier volet du programme concocté par M. Aghion en 2004 et affiné par le rapport Gilet.

Contre cet horizon de faillite et de sacrifice, nous souhaitons que 2026 soit une année de résistance et de reconstruction. L’Université a vécu : il nous appartient maintenant de la réinstituer.