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KeyLabs – 1,2 Mrd € = KoLaps : manifestation lundi

Ce billet se compose de quatre brèves : un appel au rassemblement devant le siège du CNRS ce lundi, à 12h30 ; un point d’information sur l’ampleur des coupes budgétaires votées au Sénat ; la nécessité d’une Assemblée Instituante de l’Université et de la Recherche ; le filtrage de nos newsletters.

« Quand le soleil décline à l’horizon, le moindre caillou fait une grande ombre et se croit quelque chose. »

Victor Hugo

Rassemblement au siège du CNRS

Le projet de KeyLabs de la bureaucratie du CNRS suscite à juste raison le rejet de l’ensemble de la communauté académique. La motion de défiance initiée par un collectif de chercheuses et chercheurs du CNRS a déjà rassemblé 7 500 signataires :

https://framaforms.org/motion-de-defiance-pdg-cnrs-1736518552

Certaines unités de recherche n’en prennent connaissance que maintenant : continuons à la promouvoir.

Cette réforme articule les quatre points centraux qui travaillent l’Université et la recherche scientifique :

  • la LRU 2.0, baptisée par antiphrase « seconde phase de l’autonomie », qui comprend la fin du régime de fonctionnaires, la dérégulation des statuts et le passage des chercheurs comme des enseignant-chercheurs sous la tutelle de la bureaucratie universitaire ;
  • les coupes budgétaires, prévues depuis la Loi de Programmation de la Recherche, et aujourd’hui devenues l’évidence commune,  et la précarisation croissante du supérieur ;
  • la concentration des moyens et la différenciation des établissements, des laboratoires et des statuts, mises en évidence par le projet de KeyLabs ;
  • la bureaucratie, de plus en plus autoritaire et les atteintes aux libertés académiques.

Le collectif RogueESR appelle, aux côtés de l’intersyndicale, au rassemblement du lundi 27 janvier à 12h30 devant le siège du CNRS, 3 rue Michel-Ange, Paris 16ème, Métro Michel-Ange – Auteuil, à l’occasion du Conseil Scientifique.

Ce rassemblement sera l’occasion de nous retrouver, et de signifier publiquement la nécessité de tourner la page des 20 ans de réformes qui ont produit, par la bureaucratisation, la précarisation et la paupérisation, le décrochage scientifique et technique du pays. Nous pensons important d’offrir un débouché à la mobilisation naissante, au-delà des KeyLabs, dont la liste est supposée être rendue publique le 15 mars : rouvrir l’avenir en travaillant à un programme de réinstitution à 20 ans du système d’Université et de recherche. Enfin, ce rassemblement sera l’occasion de témoigner de notre attachement au rationalisme, aux sciences et aux disciplines du sens, dans un temps où une barbarie techniquement équipée prend le pouvoir aux États-Unis.

Concernant le rassemblement, nous suggérons de prendre instruments de musique et casseroles. Nous proposons de participer à une scène photogénique où 25% d’entre nous aurons revêtus des vêtements symboliques de l’Université et de la recherche, et 75% des ponchos en haillons et des blouses en sac poubelle — ce qui suppose optimalement une concertation par quadruplet auparavant. Nous avons reçu plusieurs affiches par courrier électronique, qui seront ajoutées au précédent billet :

https://rogueesr.fr/comprendre-la-reforme-des-keylabs/

« L’ignorance et la bêtise sont des facteurs considérables de l’histoire. »

Raymond Aron

Coupes budgétaires

Le 20 janvier 2025, le Sénat a adopté un amendement du gouvernement, déposé la veille au soir, amputant les crédits de la mission « recherche et enseignement supérieur » de 630,1 M€. Le 16 janvier 2025, les sénateurs avaient voté l’annulation de 535 M€ de crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », ventilés en -415,9 M€ de « Financement des investissements stratégiques » et -46,1 M€ de « Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche ». Ces coupes concernent particulièrement les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR), les programmes prioritaires de recherche, les équipements structurants de recherche. Le vernis mis devant la paupérisation de l’ESR craque de toutes parts, révélant au passage ce qu’il en est des “agences de programmation”, entre enfumage et lyssenkisme.

« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. »

René Char

Pourquoi une Assemblée Instituante de l’Université et de la Recherche ?

Le processus de désagrégation qui va s’accélérant semble conduire le gros de la communauté académique à comprendre qu’il ne se passera rien tant qu’elle ne se mettra pas en mouvement pour rouvrir l’horizon. De fait, plus personne, pas même la Cour des comptes, ne feint encore de croire aux politiques publiques menées depuis deux décennies. 

Dès lors, le travail à accomplir s’inscrit dans une dynamique instituante, dans un moment de création politique radicale qui remet en cause la clôture de l’imaginaire qui s’est imposé à nous depuis 20 ans. Il ne s’agit plus de produire une énième critique des dernières félonies de la bureaucratie, mais au contraire de cesser

« Cesser » pour ouvrir l’horizon politique de la science : ce geste ne vient pas de nulle part. En effet, l’histoire de l’Université et de la recherche scientifique est, depuis la cessatio fondatrice de 1229, travaillée par la tension qui existe entre le monde savant et le pouvoir. Les phases d’autonomisation et de liberté sont celles où l’imaginaire social valorise le savoir. Cela a été le cas lors des deux phases de démocratisation de l’Université, dans les années 1960, dans un contexte de concurrence scientifique et technique entre les USA et l’URSS, puis entre la loi Savary de 1984 et le tournant du siècle. Au contraire, les phases de reprise en main politique et de sclérose se caractérisent par un désintérêt pour le savoir, en particulier lorsque les conditions économiques conduisent à une surqualification de la main d’œuvre salariée. C’est le cas depuis 20 ans, les réformes de bureaucratisation, de paupérisation et de précarisation, baptisées par antiphrase « autonomie » et « excellence », ayant conduit au décrochage scientifique et technique du pays. Lorsqu’on décrit aujourd’hui l’Université réelle des années 2000 à de jeunes chercheuses et chercheurs, elle leur apparaît comme une douce utopie.

Mais aujourd’hui, « cesser », c’est aussi cesser de penser les problèmes de l’Université et de la Recherche de manière séparée de la pratique de l’enseignement et de la recherche, et segmentée par telle ou telle réforme. Nous avons besoin d’une vision renouvelée, pour un programme de transformation à 20 ans, conforme aux besoins de la société. L’un de nos prochains billets sera consacré aux modalités d’une Assemblée Instituante de l’Université et de la Recherche. Nous faisons ici appel à toutes les bonnes volontés pour collecter les idées d’organisation.

« Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! (Ose penser) Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières. »

Emmanuel Kant

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Comment ( 1 )

  1. Wazner
    Quand j'écris que le niveau en maths des jeunes français est catastrophique et préoccupant on me dit que c'est une opinion de droite et que le vrai problème c'est la maîtrise du français, et pourtant ...... les éditions Larousse viennent d'éditer pour Noël un cahier qui présente des problèmes d'arithmétique et de logique donnés au certificat d'étude de 1870 (qui sanctionnait les étude d'école primaire). Ces problèmes je les ai testé sur mon fils de quatrième bien noté en maths : le résultat est sans appel pour la plupart il ne sait pas les faire et de toute façon ils ne sont pas au programme!