Posted on

Manifestation (!) / Analyse / Lettre aux Députés

Action

Nous appelons les franciliens à la manifestation du mardi 17 novembre à 15h, place de la Sorbonne pour obtenir la suspension de la loi de programmation de la recherche. Vous trouverez ici l’attestation à produire pour vous rendre à cette manifestation, dont nos collègues juristes garantissent le caractère légal et autorisé.

Plus de 28 000 signatures pour obtenir la suspension de la loi de programmation de la recherche ; mobilisons-nous pour dépasser les 30 000 au moment du vote par l’Assemblée mardi.

Écrans Noirs : Grève des cours en ligne et information des étudiants, jusqu’à mardi au moins.

Soutenir la CP-CNU dans son appel à la démission de Mme Vidal.

Pour empêcher les recrutements d’être placés sous le contrôle des présidences.

Référencer les tribunes et motions sur le site de la CPESR.

Analyse

Le Sénat avait apporté un unique progrès au projet de loi : un accroissement du budget de la recherche, quand le texte de loi initial prévoyait au mieux la stagnation, et plus probablement, sa décroissance, du fait de la loi de réforme des retraites.

Pourquoi les sénateurs du groupe Les Républicains, et en particulier Mme Laure Darcos, ont-ils abandonné en Commission Mixte Paritaire leur seul apport positif au texte de loi, contre l’avis des deux députés du même parti ? Pourquoi se sont-ils ralliés à un budget dont ils ont eux-mêmes longuement montré qu’il était insincère ? Le Verbatim, qu’il est important de lire, nous l’apprend, par la bouche de M. Rapin.

Bercy a promis 100 millions supplémentaires à l’ANR en 2021 pour financer des chercheurs R&D du privé qui seraient accueillis dans les laboratoires publics, ajoutant à ses missions la fonction d’agence d’intérim. Ce type d’accueil n’a à ce jour aucune existence réelle et il est douteux, pendant la crise sanitaire, qu’il se mette en place en 2021. Ces crédits ne seront donc vraisemblablement pas utilisés : non seulement ils seront repris en fin d’année budgétaire, mais Bercy exigera des réformes structurelles de l’ANR pour permettre une meilleure utilisation des fonds de recherche publics détournés vers le privé. On ne peut que constater à nouveau que la recherche scientifique et l’Université n’intéressent pas l’écrasante majorité des parlementaires. L’accroissement du budget de la recherche aurait enfin pu conduire à une création de postes statutaires. La Commission Mixte Paritaire, par 10 voix contre 4, a décidé d’accélérer le décrochage scientifique français, et de poursuivre le sacrifice d’une génération de jeunes chercheurs.

Lettre de RogueESR aux Députés

Paris, le 15 novembre 2020

Mesdames et Messieurs les Députés,

Ce mardi, vous allez avoir la responsabilité, en pleine crise sanitaire, de ratifier ou non une loi dont les conséquences seront dramatiques pour l’avenir de l’Université et de la recherche en France. Cette loi délétère est dotée d’un budget insignifiant et insincère. Non seulement elle va conduire les universités à l’asphyxie, mais elle va gravement amplifier le décrochage de la recherche scientifique française. Notre société a besoin d’une recherche intègre, autonome et donc bien financée pour affronter les crises auxquelles elle doit faire face. C’est de son avenir que vous allez décider.

28 000 signataires, principalement universitaires et chercheurs, vous demandent instamment de suspendre le projet de loi de programmation de la recherche pour concevoir, en concertation avec les universitaires et les chercheurs actifs, une loi à la hauteur des enjeux. Nous vous invitons à prendre connaissance du texte de la pétition ici.

La communauté scientifique alerte depuis longtemps sur la nécessité d’un effort de financement comparable à celui de l’Allemagne, de la Corée ou de la Chine, sur l’urgence d’un programme de recrutement dans tous les corps de métier — Biatss-ITA, universitaires et chercheurs — sur l’impératif de financements récurrents et de garanties des libertés académiques. En l’état, la loi de programmation de la recherche ne répond en rien à cet impératif.

  • La LPR n’apporte de rupture de financement ni pour la recherche, ni pour l’Université. Voir cette note analytique accompagnant la pétition.
  • Les crédits de paiement de la mission Enseignement Supérieur et Recherche du Projet de Loi de Finance 2021 décroissent de 28 664 milliards € à 28 488 milliards €, soit une baisse de 176 millions €.
  • Le plan de « revalorisation » des carrières n’est pas financé, et produira mécaniquement des gels de postes et un surcroît de précarité.
  • Les projets ANR s’étalant sur plusieurs années, avec un décalage de 10 mois entre le dépôt de dossier et la possibilité effective de dépenser le budget, les augmentations du budget de l’ANR en 2021 sont insincères puisque mécaniquement, l’argent ne pourra pas être dépensé, sauf à le reverser aux universités et aux organismes.
  • L’étude d’impact ne permet pas de déterminer les évolutions budgétaires puisque que le programme 150 n’est pas décrit dans son ensemble et que l’effet d’une loi de réformes des retraites n’est pas envisagée. La prendre en compte montre que les budgets de recherche seront financés par prélèvement sur les cotisations sociales des universitaires et des chercheurs.
  • Aucun plan pluriannuel de recrutement statutaire n’est programmé.
  • Aucune évaluation des différentes expérimentations de « chaires junior » n’a été menée. Elle aurait montré une moindre attractivité par rapport aux postes statutaires dans les organismes comme à l’Université.
  • Le Crédit d’Impôt Recherche, niche fiscale inefficace et dispendieuse dont France Stratégie a montré qu’elle avait un effet de levier négatif, a été ignoré dans le projet de loi.
  • La LPR confie aux présidences d’Université le recrutement des contractuels et des professeurs, ainsi que l’attribution des primes, en violation des principes d’évaluation par les pairs. Cela renforcera localisme, clientélisme et médiocrité.
  • La LPR amplifie la bureaucratie par le renforcement des appels à projets, sans le plus petit effort budgétaire pour des crédits récurrents — l’effet du préciput sur les projets n’a pas été étudié dans l’étude d’impact.
  • La LPR dérégule les statuts, accentue la contractualisation et la précarisation plutôt que de renforcer les emplois pérennes.
  • L’effet de la loi sur l’aménagement du territoire est absent de l’étude d’impact. Pourtant, elle favorise la concentration des universités sur quelques pôles géographiques. Cette concentration, comme l’a montré la note de la communauté des géographes, outre la production de déserts scientifiques, participe à la diminution de la productivité scientifique nationale.
  • La LPR s’est faite sans concertation avec les universitaires et chercheurs actifs — mais avec, et au profit de la technostructure du supérieur — en allant jusqu’à faire passer la réforme structurelle la plus importante par un amendement sénatorial au milieu de la nuit.

Pour toutes ces raisons, la Ministre, Mme Vidal, a réussi cet exploit qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait atteint : fédérer contre son projet de loi l’immense majorité des universitaires et des chercheurs actifs, toutes disciplines confondues, toutes sensibilités politiques confondues. Pour restaurer le dialogue avec la communauté de la recherche et de l’Université, vous devez suspendre la loi de programmation de la recherche.

Avec nos respectueux hommages, nous vous prions d’agréer, Mesdames et Messieurs les Députés, l’expression de nos considérations distinguées.

Le collectif RogueESR