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Suspendons la loi de programmation de la recherche : notre société exige beaucoup mieux !

Nous reviendrons prochainement sur le vote du parlement concernant la candidature de M. Coulhon à la présidence du Hcéres : 40 contre, 5 abstentions, 1 blanc et 34 pour. Sans obtenir la moyenne, M. Coulhon a reçu un avis favorable à sa candidature, conformément à l’article 13 de la Constitution. Nous imaginons cependant difficilement qu’il maintienne cette candidature après avoir ajouté la défiance du Parlement à celle de la communauté académique. Nous remercions les parlementaires pour la qualité des débats et pour l’oreille attentive prêtée aux arguments développés dans notre lettre ouverte.

Pour l’heure, l’urgence consiste à informer les parlementaires des données biaisées si ce n’est fallacieuses sur lesquelles repose le projet de loi de programmation de la recherche (LPR). Nous vous invitons à prendre connaissance de deux notes techniques. Dans la première, nous montrons que le budget de la LPR est insincère: il ne prévoit aucun investissement supplémentaire. Ainsi le « plus grand plan de revalorisations et de promotions des carrières scientifiques depuis des décennies » n’est pas financé ou, du moins, ne peut l’être que par des suppressions de postes pérennes. De plus, l’étude d’impact de la LPR n’inclut pas l’effet de la loi sur les retraites, dont l’examen parlementaire a été annoncé pour début 2021. Nous avons représenté les données budgétaires sous la forme de 10 graphiques que nous vous invitons à diffuser partout, y compris par voie d’affiche.

Télécharger la note budgétaire.

La seconde note est géographique et montre que le projet de loi sur la recherche tourne le dos à un demi-siècle d’efforts de décentralisation et de politique d’aménagement du territoire en France, et menace de créer des déserts scientifiques et universitaires.

Télécharger la note sur l’aménagement du territoire.

Sur la base de ces faits objectivables, nous vous invitons à signer cette pétition conçue conjointement avec Facs et labos en lutte, RogueESR, Sauvons l’Université et Université Ouverte. Elle s’adresse au public le plus large; nous vous invitons à la faire signer autour de vous.

La note sur l’aménagement du territoire a donné lieu à une présentation de Claude Grasland sous forme d’un séminaire vidéo :

Dans un second séminaire vidéo, Marion Maisonobe analyse la répartition géographique de la production scientifique, et montre que le l’idée d’une « masse critique » nécessitant une concentration des moyens est un mythe contredit par l’analyse scientifique :

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Suspendons la loi de programmation de la recherche : notre société exige beaucoup mieux !

Sans recherche, notre société n’a pas d’avenir. Non seulement la loi de programmation de la recherche (LPR) en cours d’examen au Parlement repose sur un budget insincère, mais elle accélère la précarisation des jeunes chercheurs et aggrave les inégalités territoriales, au risque de créer des déserts scientifiques. Par cette pétition, nous appelons le Sénat et le Conseil constitutionnel à suspendre le processus législatif jusqu’à la production d’un nouveau texte répondant aux attentes de notre société.

Science, démocratie et société ne peuvent être séparées. Pour débattre de la crise sanitaire ou du réchauffement climatique et parvenir à faire des choix collectifs éclairés et pertinents, pour construire l’avenir, il est indispensable de s’appuyer sur des savoirs solides, garantis par une méthode scientifique éprouvée. Une démocratie a besoin que l’Université et la recherche publiques soient autonomes, ce qui ne peut être garanti que par des financements pérennes, un statut protecteur des scientifiques et un réseau d’établissements équitablement répartis sur l’ensemble du territoire. Le projet de « loi de programmation de la recherche » (LPR) ne répond en rien à cette triple urgence démocratique.

La communauté scientifique alerte depuis longtemps sur la nécessité d’un effort de financement comparable à celui de l’Allemagne, de la Corée ou de la Chine, sur l’urgence d’un programme de recrutement dans tous les corps de métier — Biatss-ITA,[1] universitaires et chercheurs — sur l’impératif de financements récurrents et de garanties des libertés académiques. C’est à quoi devrait s’atteler une loi de programmation « historique » pour la recherche.

Nous présentons, dans les notes en annexe de cette pétition, les conclusions d’un examen chiffré et contradictoire du texte de loi et de son étude d’impact : l’investissement supplémentaire annoncé s’y révèle inexistant. Une fois les prévisions d’inflation et de progression de carrière incluses dans le calcul, les sommes annoncées par la LPR ne représentent aucun investissement supplémentaire, même en admettant que l’Assemblée nationale les valide pendant trois mandatures successives. Les projections démographiques font apparaître une baisse spectaculaire de la dépense moyenne par étudiant à l’université, telle qu’elle ne pourra plus masquer des inégalités territoriales et socio-économiques toujours plus profondes. Enfin, la précarisation statutaire qui caractérise les recrutements prévus par la loi induit un risque élevé de renforcement des inégalités entre femmes et hommes dans le milieu scientifique.

L’analyse révèle en outre des manques criants dans l’étude d’impact transmise aux deux chambres concernant les effets de cette loi sur l’égalité et la cohésion des territoires d’une part, sur le couplage de la LPR à la réforme des retraites d’autre part. Sur ce dernier point, notre analyse permet de penser que les revalorisations salariales et indemnitaires annoncées reposeront en réalité sur la baisse des cotisations patronales payées par l’État pour les salaires des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Il est donc manifeste que le débat sur la LPR a été faussé par la transmission aux parlementaires de données biaisées si ce n’est fallacieuses. Un tel processus législatif augure mal de l’avenir. Avec cette loi, le gouvernement prend le risque que l’État et la société n’aient plus désormais les moyens de s’appuyer sur des jugements scientifiquement fondés pour éclairer les débats qu’ils devront avoir et les choix qu’ils auront à faire. Pour éviter ce qui serait un désastre scientifique et démocratique, nous demandons la suspension du processus législatif de la LPR jusqu’à la publication de chiffres fiables et d’une étude d’impact sérieuse, conformes aux standards de la science comme aux exigences du travail parlementaire.

Cette pétition a été initiée conjointement par Facs et labos en lutte, RogueESR, Sauvons l’Université et Université Ouverte, le 21 octobre 2020. Vous pouvez la signer ici.


[1] Les acronymes BIATSS et ITA désignent respectivement les personnels des filières administratives, techniques, sociales, de santé et des bibliothèques; et les ingénieurs, techniciens et personnels administratifs.