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Libérez Sylvie !

Le groupe Javier Milei nous a transmis une émouvante pétition appelant à la libération de la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Sylvie Retailleau.

Depuis le 19 décembre, un forcené retient la ministre rue Descartes, l’empêchant de démissionner réellement pour marquer son véritable refus de l’inscription de la préférence nationale dans le droit français. Le groupe de travail à l’origine du projet, authentiquement soucieux de garantir l’excellence de cette soumission, en a confié la rédaction à une intelligence artificielle vraiment innovante, pour ne pas dire un authentique talent : ChatGPT. Notre ami le dessinateur Jaxier Force a offert un portrait bouleversant de notre camarade Sylvie en soutien à l’appel à sa libération. Merci à lui. Merci à vous.

https://www.change.org/p/appel-à-la-libération-de-la-ministre-de-l-enseignement-supérieur-et-de-la-recherche

Pour nous rappeler Sylvie, en attendant qu’elle soit en mesure de nous en livrer un remake conforme à la doctrine de préférence nationale, cette véritable vidéo :

Nous vous souhaitons de joyeuses fêtes solsticiales.

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Loi immigration : la chute dans le vide

« La haine ne saurait constituer un programme. »
Frantz Fanon

Mardi 19 décembre, sous l’égide de Mme la Première Ministre Elisabeth Borne et de M. Eric Ciotti, une coalition allant du MoDem au Rassemblement national a adopté un projet de loi inscrivant dans le droit français la discrimination des non-ressortissants pour l’accès aux prestations sociales — en d’autres termes, la mesure que MM. Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret popularisèrent dans les années 1980 sous le nom de « préférence nationale. » Mme Marine Le Pen n’a pas manqué de se féliciter de cette onction gouvernementale à une revendication historique de son parti.

En nombre de voix, le soutien du Rassemblement national a joué un rôle décisif dans l’adoption du texte.[1] Alors que la réforme des retraites avait marqué de fait l’entrée des mal-nommés Républicains dans la majorité gouvernementale sous la forme d’un soutien sans participation, la loi immigration acte aujourd’hui la formation d’une coalition liberticide et xénophobe intégrant des forces politiques exclues des majorités gouvernementales depuis 1945. 

D’aucuns feindront de se rassurer en espérant un deus ex machina sur le tapis vert, du fait du caractère « manifestement inconstitutionnel » de la loi, pour reprendre les termes mêmes du ministre de l’Intérieur, lui-même ancien contributeur à la presse de L’Action Française, fanfaronnant mardi 19 décembre à la tribune du Sénat. Effectivement, le texte adopté piétine la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et le Préambule de la Constitution de 1946. Mais même si le Conseil constitutionnel censurait la loi, le fait que ces textes aient été sciemment bafoués suffirait amplement à justifier notre alarme. En outre, la désinvolture avec laquelle ce jugement au doigt mouillé a été prononcé devant le Sénat en dit beaucoup sur le peu de cas que le gouvernement fait des fondements d’une démocratie parlementaire. Mais il est vrai qu’hier fut aussi le jour du déclenchement du vingt-troisième article 49.3 en 18 mois : désormais l’Assemblée nationale ne semble donc autorisée à voter la loi que lorsque les vues du gouvernement sont au diapason des votes du Rassemblement national. Autant dire que Mme Le Pen est à la fois leader de l’opposition parlementaire et co-rédactrice de l’agenda législatif du gouvernement Borne-Macron.

Une fois passée la comédie des déclarations de principe, une bonne partie des démissions tant annoncées se font encore attendre, y compris à cette heure celle de Mme Retailleau. Si leur dimension symbolique serait appréciable, ces démissions resteraient anecdotiques sur le plan politique tant il est illusoire d’imaginer qu’elles pourraient limiter à elles seules la radicalisation du gouvernement. Au moins sauveraient-elles l’honneur des démissionnaires. 

Quelques présidences d’universités ont marqué une opposition à la loi dans un communiqué conjoint. On peut douter de sa portée effective si l’on observe la part importante des signataires ayant participé à la mise en place du dispositif cyniquement appelé « Bienvenue en France », dont les événements du 19 décembre confirment qu’il s’agissait d’une répétition générale de l’inscription de la « préférence nationale » dans la loi.

Or, les conséquences de la loi Immigration adoptée hier sont proprement calamiteuses pour l’Enseignement supérieur et la recherche. Elles seront majeures pour les échanges internationaux et les partenariats avec de très nombreux pays, pour les chercheurs étrangers, et pour tous les étudiants extracommunautaires. Le versement obligatoire d’une caution, l’application impérative à toutes les universités de frais d’inscription astronomiques de 2 770 € en licence et 3 770 € en master ainsi que la suppression des APL conduiront des dizaines de milliers d’étudiantes et d’étudiants à se détourner des universités françaises, de notre pays et de notre culture, désormais perçus comme une terre d’exclusion et non plus d’accueil.

Nous appelons les conseils des laboratoires, UFR et universités à interpeller nominativement les présidences d’universités et d’organismes sur le virage liberticide en cours, dont nul ne peut douter qu’il conduira tôt ou tard une nouvelle vague d’attaques contre la liberté académique. 

En particulier, devant le désastre tant de fois prédit, une clarification politique serait la bienvenue de la part des nombreux « acteurs de l’ESR » ayant promu ès-qualités la candidature de M. Macron dès le premier tour de la présidentielle de 2017,[2] a fortiori quand ils ont appuyé son programme depuis lors, en se prévalant du supposé clivage irréductible entre Mme Le Pen et lui.[3] Les auteurs de ces prises de position publiques invoquaient alors leur « liberté d’expression » pour soutenir le gouvernement.[4] Useront-ils aujourd’hui de cette même liberté pour dénoncer la mise en œuvre d’un programme contraire aux principes fondamentaux de l’Université ?

Nous reviendrons vers vous début 2024 avec des propositions concrètes d’organisation pour la défense de la liberté académique et du principe d’universalité de la production, de la critique et de la transmission des connaissances.

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Monsieur le président de la République, libérez les véritables énergies !

Exceptionnellement, nous publions une lettre ouverte à l’adresse du président de la République qui nous est parvenue, écrite par un groupe d’acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche en rupture consommée avec l’Udice — l’association de défense des intérêts de la bureaucratie universitaire. Tout porte à croire que cet « appel des 51 » fera date.

Monsieur le Président, libérez les véritables énergies !

Monsieur le Président, ce jeudi 7 décembre, vous avez présenté aux acteurs de la recherche et de l’innovation un véritable manifeste pour le courage et la lucidité politique. Quand tant d’esprits chagrins vous recommandaient de différer les véritables réformes nécessaires à notre système d’enseignement supérieur et de recherche, et de ne pas brusquer les conservatismes du monde académique, vous avez chevauché le tigre pour prendre véritablement le taureau par les cornes. En quelques minutes de grâce, vous avez dessiné les contours d’une authentique révolution copernicienne : le dépassement de cette institution poussiéreuse frappée d’obsolescence, le CNRS, que vous souhaitez fort justement remplacer par « de vraies agences de financement qui arrêtent de gérer directement les personnels ». Une politique scientifique réellement ambitieuse requiert en effet que les financements, les recrutements et les carrières soient intégralement pilotés localement, par des exécutifs agiles et proactifs capables de mettre en œuvre les programmes de recherche puissamment pensés par le chef de l’État. La véritable autonomie, c’est le contrôle ! Cette vérité vraie, vous l’avez résumée d’une formule qui restera : « la liberté académique pour les meilleurs. » Enfin ! Combien d’universitaires et chercheurs de l’ex-CNRS sont-ils véritablement excellents et productifs ? 10% en étant généreux. De l’air !

Votre discours fait naître l’espoir que la Start Up Nation renoue avec le souffle initial de Nicolas Sarkozy et Didier Raoult quand ils portaient les IHU sur les fonts baptismaux, contre l’administration de l’Inserm, prisonnière du conservatisme gaullo-soviétique qui gangrène encore la science française. Demain, avec vous, ce sont des dizaines de dignes héritiers des IHU qui fleuriront sur les cendres du mammouth. Ensemble, nous rallumerons les lumières du projet Manhattan.

Les réactions paniquées de la ministre Retailleau, du président Deneken ou du PDG Petit doivent vous ouvrir les yeux : les mêmes forces du déni qui ont entravé le programme charismatique et revigorant de Frédérique Vidal sont à l’œuvre aujourd’hui. Les ennemis de la révolution scientifique se liguent déjà pour ensabler votre tronçonneuse dans les eaux du marasme. Le spectre de l’immobilisme avance à grand pas, et nous devons l’arrêter. Pour cela, l’ambition progressiste impose de sauter par-dessus l’ombre du doute et de démettre le lobby conservateur qu’est devenu l’Udice. Les 18 mois envisagés pour opérer cette véritable révolution nationale sont trop longs et augurent d’un sabotage. Il est temps de remplacer les présidences d’universités timorées par des task forces compétentes et disruptives, capables de hacker de véritables solutions en 4 mois : le 1er avril 2024 sera l’an I de la nouvelle science nationale. Les nouveaux statuts des innovation centers remplaçant les universités d’excellence et des agences de programme devront entrer en vigueur pour le 14 juillet 2024, date qui verra briller une nouvelle génération de président-managers d’universités, plus jeunes et plus ambitieux, recrutés avec l’appui des cabinets de conseil les plus au fait des bonnes pratiques scientifiques mondiales.

Sans doute, toutes les universités ne seront pas capables de sauter ce pas, mais ce n’est pas ce qu’on leur demande : le bon sens n’est pas chose si partagée, et l’amour de la liberté impose de reconnaître les vertus de l’inégalité. Si l’université de Strasbourg n’a pas l’audace de passer le Rubicon, gageons que Paris-Saclay saura montrer l’exemple une fois de plus. Une différenciation statutaire véritable est la mère de toutes les réformes. La science véritablement libérée mangera du mammouth, mais uniquement à la carte : nous laisserons le menu aux gagne(s)-Petit.

Ne laissons pas les doomers mettre un frein à l’avenir ! Monsieur le Président, distribuez–nous les armes pour la chasse au mammouth. Nous sommes prêts. Taïaut, avec ou sans Retailleau ! Viva la libertad, CARAJO.

Le groupe Javier Milei réunit 59 présidents d’université, directeurs d’établissement d’enseignement supérieur et de recherche et hauts fonctionnaires progressistes, proches de l’aile gauche de la majorité présidentielle.

Viva la libertad CARAJO

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Il faut imaginer Cassandre joyeuse

« Le pouvoir exige des corps tristes. Le pouvoir a besoin de tristesse parce qu’il peut la dominer. La joie, par conséquent, est résistance, parce qu’elle n’abandonne pas. La joie en tant que puissance de vie, nous emmène dans des endroits où la tristesse ne nous mènerait jamais. »

Gilles Deleuze

« Si le Trésor a de l’importance, alors la vie humaine n’en a pas. Cela est clair. Tous ceux qui pensent comme toi doivent admettre ce raisonnement et compter leur vie pour rien puisqu’ils tiennent l’argent pour tout. Au demeurant, moi, j’ai décidé d’être logique et puisque j’ai le pouvoir, vous allez voir ce que la logique va vous coûter. »

Albert Camus, Caligula, Acte I, scène 8

Selon le mythe, Cassandre reçoit d’un Apollon séducteur le don de dire le vrai sur le monde, avec lucidité. Elle se refuse à ce dieu censément préposé aux arts, à la lumière et à la santé. Furieux, le dieu lui crache violemment à la bouche, la frappant d’impuissance à convaincre quiconque par ses prophéties et à changer ainsi le cours de choses. Le mythe de Cassandre fonctionne comme métaphore de la tension qui existe entre le monde savant et le pouvoir politique depuis la grève (cessatio) fondatrice de l’Université (1229-1231) et la bulle pontificale de Grégoire IX qui y met fin : Parens scientiarum, l’université mère des sciences. Lorsque la société s’est affranchie de l’hétéronomie religieuse et de ses normes, le monde scientifique est devenu une nouvelle instance supplétive de légitimation du pouvoir. Faute d’un nouveau contrat avec la société, nous demeurons aujourd’hui dans le compromis des philosophes des Lumières : soumis financièrement au pouvoir, mais disposant d’une niche au sein de laquelle satisfaire le besoin de production, de transmission, de critique et de conservation des savoirs. La liberté académique n’est rien d’autre que ce combat permanent à mener contre les pouvoirs religieux, économiques et politiques en faveur d’une autonomie du monde savant qui, pour n’être pas une réalité, constitue un idéal régulateur fragile à reconquérir sans cesse.

La malédiction de Cassandre — l’impuissance structurelle à transformer politiquement le monde, en échange d’un espace d’élaboration d’un « dire vrai » sur celui-là — ne frappe que celles et ceux qui n’ont pas conscience du compromis passé depuis plusieurs siècles. Nombre de collègues ont semblé ainsi se déciller dans la foulée de Jean Jouzel, qui après des décennies d’imploration des décideurs à juguler le réchauffement climatique, a pris conscience que ces demandes relevaient d’une illusion, s’exclamant dans une interview au journal Les Échos: « À la fin, j’en ai marre ! ». Pourtant, Cassandre ne cesse de voir ses prédictions réalisées. Sur les causes des guerres, sur les facteurs qui accélèrent les bascules vers les régimes illibéraux, autoritaires, d’extrême-droite, sur les crises couplées qui frappent nos sociétés et dont profite le petit nombre, sur l’extension du règne de l’insignifiance qui profite aux hétéronomies religieuses et aux idéologies totalitaires, le monde savant — Cassandre — ne cesse d’avertir.

Pourtant, même si le mythe n’était peut-être là que pour illustrer le caractère tragique de l’obstination d’un pouvoir obscurantiste, il nous faut imaginer Cassandre joyeuse, tenant fermement son ambition collective de véridiction, et s’activant, les yeux rivés sur l’horizon, loin des compromissions, des luttes d’influence et de la veulerie courtisane.

Le pouvoir politique, du reste, n’a que mépris pour celles et ceux qui produisent des connaissances et du sens. Il ne s’adresse pas à Cassandre, mais aux « acteurs de l’ESR »  — c’est-à-dire à sa bureaucratie la plus improductive. Il faut entendre ce mot « acteur » pour ce qu’il dit : le pouvoir s’adresse à celles et ceux qui « jouent le jeu ». Mais il ne suffit pas de monter sur scène pour revendiquer avec succès la dignité tragique de l’histoire : ces « acteurs de l’ESR », si sérieux dans leurs costumes uniformément gris, ne sont pas l’Université : ils ne sont que les tristes gérontes d’une comédie dont ils n’écrivent pas le texte.

C’est en ayant à l’esprit cette pantomime grotesque qu’il convient de lire le budget pour l’année à venir. Il y a quelques décennies encore, analyser le projet de loi de finances (PLF) était un exercice rébarbatif mais riche d’enseignement : on y trouvait la traduction budgétaire d’orientations politiques, explicites ou masquées. « Les chiffres ne mentent pas » disait-on alors, pour signifier que l’analyse quantitative des budgets était propre à dissiper le brouillard cotonneux de la communication politique, révélant des choix, des arbitrages, bref une politique. Des choix conservateurs, sociaux, progressistes, libéraux, qu’importe, mais des choix, guidés par une vision politique des transformations à impulser à la société. En ce temps-là, la représentation nationale votait le budget, qui valait engagement de l’État.

La parole publique s’est démonétisée au gré des formules creuses, des idées préfabriquées, puis par le recours au clash et au dog whistling. L’absence d’intégrité des managers qui ont remplacé les cadres gouvernants se nourrit de ce vide de façon structurelle et tout se passe comme si la rationalité comptable d’un budget de l’État avait fini par s’y faire aspirer. Le budget 2024 sera insincère. À l’occasion d’un fait divers, d’une fulgurance matinale d’un président omniscient ou d’un rapport de quelque think-tank « brisant un tabou », les budgets, devenus volatils, seront réaffectés au financement public de l’apprentissage voire à l’achat d’armement — l’important n’est-il pas d’accroître sans limite les aides directes aux entreprises ? La coûteuse réforme de l’enseignement secondaire professionnel annoncée le 5 décembre n’est même pas programmée dans la loi de finances 2024, déjà caduque avant même le solstice d’hiver 2023.

Pour l’Université et la recherche, les gels de crédit printaniers succéderont aux ponctions automnales sur les fonds de roulement et aux remboursements hivernaux, conformément à une litanie qui dure depuis trois quinquennats. Ainsi, l’exercice budgétaire 2024 se fera sur le fil, avec quelques semaines de trésorerie et une visibilité à deux mois, régulièrement mise à mal par des annonces improvisées et des décisions arbitraires semi-habiles. Le « temps long de la recherche » est devenu un mantra creux, et l’idée selon laquelle la formation des jeunes adultes est nécessaire à donner un avenir à notre société a tout simplement disparu du répertoire politique. 

Les hauts fonctionnaires du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche s’alarment de l’élaboration en cours d’une loi sur le premier cycle universitaire négociée directement entre Bercy et le ministère du Travail, sans que la DGESIP soit associée de près ou de loin aux discussions. Que le projet aille ou non à son terme, l’alerte en dit long sur ce que vaut la parole des tutelles en matière de pilotage politique.

L’ordinaire des ministres de second rang, du reste, est l’isolement. La plupart d’entre eux ne choisissent même pas leur directeur de cabinet, nommé par l’Élysée pour servir de sas étanche avec le monde extérieur. Mme Vidal n’a ainsi remporté qu’un seul arbitrage pendant son très long mandat : l’autorisation d’étouffer les fraudes scientifiques commises au sein de la techno-bureaucratie de la recherche. À chaque changement de gouvernement, les appels à garantir pour la recherche et l’Université un « ministère de plein exercice » et les satisfecits lorsque « quelqu’un du sérail » — c’est à dire un « acteur » issu de la bureaucratie managériale — est nommé ministre suscitent le rire énorme de Cassandre.

À chaque projet de loi, à chaque vague de paupérisation, de bureaucratisation, de précarisation, de délitement, la même scène se reproduit : les « acteurs » applaudissent à tout crin, produisent force tribunes, force communiqués ; et les voix du Chœur de s’élever, portant aux nues le jeu de dupes qu’il s’agit de jouer.

Bachelierus.

Clysterium donare,
Postea seignare,
Ensuita purgare.
Reseignare, repurgare, et reclysterizare.

Chorus.

Bene, bene, bene, bene respondere.
Dignus, dignus est intrare
In nostro docto corpore.

Il est pourtant peu probable qu’un seul « acteur » ait pris au sérieux la promesse faite par la loi Vidal d’« un effort sans précédent » pour l’Université et la recherche, qu’un seul ait sincèrement cru que les « chaires de professeur junior » dérégulant les statuts des universitaires — et les privant de la liberté académique — puisse être une « opportunité ». Vaste simulacre autophage que ce « jeu » auquel il faudrait jouer. Nouveauté de l’année : les « acteurs » de France Universités (ex-CPU), l’association de défense des intérêts de la bureaucratie universitaire contre ceux de l’Université, protestent de l’état des finances universitaires et menacent de supprimer 1 500 postes de maîtres de conférences.

Peut-être Cassandre devrait-elle malgré tout exiger de chaque « acteur » des excuses publiques auprès des jeunes chercheurs et de toute la société, pour le mal qui est fait, par cécité volontaire, à chaque veulerie, à chaque renoncement, à chaque trahison de l’engagement collectif à dire le vrai sur le monde.

« On devrait là faire un hackathon comme on dit maintenant, et se dire autour de la table, avec l’intelligence artificielle et beaucoup de choses, on devrait pouvoir cracker ce truc. C’est fou ! »

Emmanuel Macron, 7 décembre 2023

Budget total de l’Université et de la recherche (programmes 150, 172 et 193) décomposé en trois parties : la charge de service public pour l’Université, la charge de service public pour la recherche et la part de budget transférée au privé ou à des institutions publiques. (A) Représentation sans compensation de l’inflation. (B) Représentation en euros de 2024, avec compensation de l’inflation (INSEE). (C) Budget de l’Université (programme 150) rapporté au nombre d’étudiants à l’Université, avec compensation de l’inflation (projections de la Banque de France).

En résumé : Depuis l’adoption de la loi de programmation de la recherche, les budgets pour l’Université et pour la recherche publique chutent rapidement. La dotation à l’Université publique connaîtra un record de baisse en 2024 : -3,3% du fait de l’inflation à 5%. Décourager la poursuite d’études supérieures conduit mécaniquement à une moindre baisse du budget par étudiant. Le projet annuel de performances propose une ambition de déclin rapide de la production scientifique française. La cible de production scientifique est en baisse entre 2023 et 2024, entre -5% pour la part de la production dans l’espace France-Allemagne-Royaume Uni et -7% pour la part de la production mondiale. La haute fonction publique est donc consciente de ce que les réformes structurelles menées conduisent à un décrochage scientifique beaucoup plus rapide que la simple baisse des budgets — l’utilisation d’un indicateur quantitatif inepte n’enlève rien à ce constat.

« Agence de programmes veut aussi dire capacité à oser davantage et à laisser toute la liberté académique aux meilleurs… »

Emmanuel Macron, 7 décembre 2023