Posted on

Pyrocratie

Le mardi 7 mars a été la plus grosse journée de manifestation sociale depuis des décennies voire de l’histoire de France. Cette contre-réforme injuste, mal préparée par des cabinets de consultance, et accompagnée d’une étude d’impact au plus loin de l’exigence scientifique est rejetée par plus de neuf actifs sur dix et par les trois quarts des citoyennes et des citoyens. Il y a quelques décennies encore, le pouvoir aurait pris le temps de poser les enjeux et les options possibles, et, surtout, se serait ménagé des portes de sorties. Aujourd’hui, le président de la République, avec l’adhésion de 20% du corps électoral, a commis une faute politique majeure en accordant tant de poids à une loi sans urgence ni nécessité : car de fait, les caisses de retraites sont à l’équilibre pour des décennies. Pire, tous les observateurs voient dans l’entêtement solitaire du chef de l’État un cadeau offert à l’extrême-droite de Mme Le Pen. Le mépris des corps intermédiaires et les coups de force contre le parlement constituent des signes graves d’un délitement illibéral de nos institutions démocratiques.

Nous appelons avec détermination à la participation à la grève reconductible et aux manifestations organisées à l’appel des syndicats samedi 11 mars et mercredi 15 mars. Nous n’avons plus d’échappatoire.

Le déni français du covid long

En France, la gestion de la pandémie de Covid-19 a été en décalage avec les résultats scientifiques. Le déni du Covid long, nom donné par les patients à un ensemble de symptômes persistants, peut avoir des conséquences invalidantes à long terme sur la santé et l’économie. Cette anomalie pourrait être expliquée par un blocage spécifiquement français vis-à-vis des maladies chroniques.

Depuis trois ans, la France a nié la transmission du SARS-CoV-2 par voie d’aérosol, a utilisé le fantasme de l’immunité de groupe pour justifier une politique de laisser-faire, a promis la fin de la pandémie depuis le printemps dernier et a ignoré le Covid long. Cette stratégie est basée sur le primat de l’économie sur la santé, ce qui a conduit à passer sous silence les décès accumulés au fil des vagues. Pourtant, des dizaines de millions de personnes en Europe et aux États-Unis souffrent de conséquences invalidantes d’une infection par le virus SARS-CoV-2 qui perdurent longtemps après la fin de l’infection virale des voies respiratoires.

En Allemagne, le Covid long a été qualifié de « cas de force majeure scientifique » et des crédits de recherche ont été débloqués. En Suisse, la presse s’est alarmée de la fraction des personnes contaminées qui conservent des symptômes sur le long terme. En Israël, la presse s’est inquiétée des séquelles sur les enfants. En France, la presse et les dirigeants ont ignoré le Covid long. Le COVARS, instance qui remplace le conseil scientifique, a même décrit le Covid long comme un « trouble neurologique fonctionnel » et a mis en doute le lien avec l’infection par SARS-CoV-2.

Il est donc nécessaire de sortir de cette exception française en mettant en place une prévention efficace, en ouvrant des cellules médicales dédiées à ces maladies chroniques et en reconnaissant ces affections comme des maladies professionnelles. Il est également important de mettre en place de nouvelles normes de qualité de l’air et de ventilation des lieux recevant du public pour socialiser la réponse aux épidémies sans se défausser sur les responsabilités individuelles. Enfin, la prise en charge des patients atteints du Covid long doit être renforcée et la recherche doit être accélérée pour proposer des traitements personnalisés adaptés à chaque patient. Il y a urgence à agir pour prévenir ces conséquences invalidantes à long terme, néfastes pour la santé publique mais aussi pour…l’économie.[1]


[1] Il est significatif qu’au contraire de la presse généraliste, la presse financière a fait un travail d’information remarquable sur le Covid long, du Financial Times à Fortune en Bloomberg. Parmi les rares articles informés en français, citons : Trois ans du Covid-19 : la difficile réintégration des salariés touchés par le Covid long, et Séquelles : les mauvaises surprises à long terme du Sars-Cov-2.

Pour en savoir plus

Un séminaire de la chaîne Politique des sciences :

H.E. Davis, L. McCorkell, J.M. Vogel & E.J. Topol. Long COVID: major findings, mechanisms and recommendations. Nat Rev Microbiol. 2023 21(3):133-146. doi:10.1038/s41579-022-00846-2.

M. Monje & A. Iwasaki. The neurobiology of long COVID. Neuron. 2022 110(21):3484-3496. doi:10.1016/j.neuron.2022.10.006.

V. Venkataramani & M.D. Winkler. Cognitive Deficits in Long Covid-19. N Engl J Med. 2022 387(19):1813-1815. doi:10.1056/NEJMcibr2210069.

Y. Xie , E. Xu, B. Bowe & Z. Al-Aly. Long-term cardiovascular outcomes of COVID-19. Nat Med. 2022 28(3):583-590. doi:10.1038/s41591-022-01689-3.

E. Xu, Y. Xie & Z. Al-Aly. Long-term neurologic outcomes of COVID-19. Nat Med. 2022 28(11):2406-2415. doi:10.1038/s41591-022-02001-z.