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Des Keybabs aux Cinque Stelle

les journées

     les journées distillent

⊗ le venin

     du renoncement

Jacques Roubaud, poète et mathématicien français, est décédé le 5 décembre 2024.

Projet de répartition des key-leurres, en dehors de toute instance collégiale. Document du 19 novembre 2024. Les noms des laboratoires ont été floutés par nos soins. Seuls 6% des directrices et directeurs de laboratoire soutiennent les « key-labs » (Source ADL).

C’est parce que les solstices se voudraient des temps suspendus qu’ils constituent des « fenêtres de tir » privilégiées pour les attaques de la bureaucratie contre l’Université et la recherche. L’attrition budgétaire programmée par la LPR, à laquelle nous avons consacré tant de billets, est désormais une évidence commune — au point que les managers de la démolition, bureaucrates de l’Udice, de France Universités ou des organismes nationaux de recherche (ONR) ont le culot de se camper en résistants. Mais l’accélération du programme de destruction de l’Université et de la recherche scientifique ne se donne encore à voir et à entendre que dans des petits cénacles. Redisons-le : l’achèvement du programme cohérent de bureaucratisation, de paupérisation et de dépossession initié il y a 20 ans s’attaque simultanément aux étudiants, aux ONR et aux universitaires. Cette semaine, M. Antoine Petit, président du CNRS, et Mme Sylvie Retailleau, ancienne ministre, ont explicitement articulé les trois derniers volets de ce programme :

Diapositive proposée par l’Hcéres en appui à nos enseignements — à moins qu’il ne s’agisse d’un apport. La bureaucratie managériale et le souverain grotesque (Trump, Milei…) sont deux formes duales de la terreur ubuesque, du pipikisme que Philip Roth définit comme cette « force anti-tragique qui transforme tout en farce, banalise et superficialise tout ». Pétition pour la suppression du Hcéres.

Lors de la convention des directrices et directeurs des unités, le jeudi 12 décembre, M. Petit a annoncé que 75% des unités de recherche seraient sacrifiées pour que 25% d’entre elles, appelées tantôt « keylabs », tantôt « cinq étoiles », retrouvent les moyens qu’elles avaient il y a quelques années — et en particulier leurs personnels de soutien à la recherche, ingénieurs, techniciens et administratifs (ITA). Le label ouvrant droit au soutien du CNRS, transformé en agence de moyens, sera attribué pour cinq ans — d’où l’enjeu du Hcéres : « Bien entendu, il n’est pas question que ces key labs forment un club fermé. » M. Petit a tenu à justifier le démantèlement : « Le CNRS a longtemps fait de l’aménagement du territoire, à la demande des communautés scientifiques et des universités et écoles, […] le CNRS a ainsi dilué son action et réduit sa plus-value. » M. Petit a détaillé les deux missions du CNRS devenu agence de moyens : « La première mission est d’animer et de coordonner les activités nationales de recherche dans plusieurs domaines scientifiques. Cela passe notamment par les infrastructures de recherche, les réseaux et groupements de recherche, les plates-formes scientifiques. […] La seconde grande mission du CNRS est d’opérer les unités de recherche. » Dans l’esprit de la bureaucratie, la recherche elle-même ne fait donc déjà plus partie des missions des organismes nationaux de recherche (ONR).

« La bêtise aime à gouverner. Lui arracher ses chances. Nous débuterons en ouvrant le feu sur ces villages du bon sens. »

René Char

Autre lieu. Même discours. Devant un parterre où aucun universitaire, aucun chercheur actif n’avait été convié, Mme Retailleau complétait la vision de M. Petit, au cours d’une séance d’auto-congratulation et d’appels du pied pour retrouver « son » ministère. Elle a souligné l’importance de l’impulsion donnée pendant son mandat à la transformation des ONR en agences de programmes « légitimées par des signatures interministérielles et par les acteurs [la bureaucratie, NDLR] eux-mêmes. […] Nous devons travailler en équipe de France. Les choses ont été posées. Si les acteurs [la bureaucratie, NDLR] veulent se prendre en main, ils ont ce qu’il faut, sauf contre-ordre d’un futur ministre. »

Mme Retailleau a par ailleurs synthétisé la manière dont, à bas bruit, la bureaucratie à été dotée des moyens d’absorber les personnels des organismes nationaux de recherche et de mettre fin aux statuts nationaux des enseignants-chercheurs et chercheurs : « Les acteurs [la bureaucratie, NDLR] ont ce qu’il faut. Commençons par confier, j’y étais prête, on l’avait discuté, les carrières et les postes au niveau de chaque opérateur. Les statuts des personnels chercheurs et enseignant-chercheurs doivent être discutés des deux côtés. Il faut absolument continuer la mise en œuvre de la LPR, […] qui doit être négociée en tenant compte de l’évolution des acteurs. Tout est posé, allez-y. […] Aujourd’hui, je crois que nous sommes à peu près le seul pays au monde à fonctionner avec les 192 heures devant les étudiants. » Mme Retailleau a appelé à supprimer les différences statutaires entre personnels des universités et des ONR au profit d’« un statut modulé. Ce processus est compliqué et il ne s’agit pas de le formaliser dans un tableau Excel ou des règles fixes. »

M. Germinet, directeur du pôle connaissance au Secrétariat général à l’investissement (SGPI), a cru bon d’ajouter, en écho : « Nous [la bureaucratie, NDLR] n’avons pas la main sur les carrières de tous les personnels, même si nous les payons. Cela reste un frein. Les chaires de professeur junior ont permis quelques avancées, mais cela reste limité. Tant que nous [la bureaucratie, NDLR] n’avons pas la main sur les ressources humaines et les carrières, nous restons bloqués. »

M. Rapp, président du jury Idex, lui aussi convié, a été plus direct encore : « en matière RH, les Idex et I-site pourraient être des premiers de cordée : sur l’évaluation régulière des E-C, la modification des cahiers des charges, pour tester l’abandon des 192 h. »

La bouillie provocatrice des lettres ouvertes du « Groupe Javier Milei » semble frappée d’obsolescence. Désormais, le discours de la bureaucratie constitue lui-même sa propre parodie. Missak et Mélinée Manouchian furent panthéonisés en pleine loi immigration ; dès lors, panthéoniser Marc Bloch pour le démantèlement de l’Université et de la recherche scientifique est pleinement cohérent.

 
La Venus de Milei — Interview de M. Philippe Aghion au Figaro : « Politiquement, je suis assez éloigné de Javier Milei, et j’ai beaucoup de désaccords avec lui. Mais il faut reconnaître qu’il a des résultats économiques et sociaux, et cela donne envie de s’intéresser à ce qu’il a fait. » Pauvreté endémique, effondrement de la production industrielle et naufrage scientifique. Obtenir en un an ce que les réformes théorisées par M. Aghion en 2004 ont produit en 20 ans en France est de nature à susciter l’admiration. Pétition : Investir dans la recherche et l’Université.
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Tirer le frein d’urgence

Ce billet se compose de trois parties. Dans la première, nous analysons les ballons d’essai sur l’enseignement supérieur et la recherche qui ont éclos ces dernières semaines dans la presse. Dans la deuxième, nous montrons que le curieux mouvement initié par les présidents d’université après la bataille ne fait que préparer les esprits à la réforme ultime : la dérégulation des frais d’inscription. Dans la troisième, nous rappelons l’invraisemblable gabegie d’argent public de la formation en alternance, argent qui fait défaut à l’Université.

« Comme ceux qui avoient part aux affaires n’avoient point de vertu, que leur ambition étoit irritée par le succès de celui qui avoit le plus osé, que l’esprit d’une faction n’étoit réprimé que par l’esprit d’une autre ; le gouvernement changeoit sans cesse ; le peuple étonné cherchoit la démocratie, & ne la trouvoit nulle part. »

Montesquieu, De l’esprit des lois.

Il devient urgent de poser les fondements d’un nouveau système d’Université et de recherche, reprenant l’idéal Humboldtien pour l’adapter aux crises que nos sociétés ont à juguler. Nous appelons la communauté académique à s’auto-saisir de l’organisation d’assises du supérieur et de la recherche, dès ce printemps. Nous vous invitons une nouvelle fois à signer la tribune-pétition demandant des moyens pour l’Université et la recherche en réformant CIR et formation en alternance,

https://rogueesr.fr/investir-recherche-universite/

et celle demandant la suppression du Hcérès,

https://rogueesr.fr/supprimons-le-hceres/

« Ce “quelque chose” qui est intervenu il y a une dizaine d’années, nous l’appellerons donc la “disparition des lucioles”. »

Pier Paolo Pasolini

Ballons d’essai

Le programme de transformation de l’Université et du système de recherche conçu il y a vingt ans, et baptisé « autonomie » par une antiphrase caractéristique du néo-management, se décline en quatre volets. L’autonomie administrative dote les universités d’un cadre juridique et d’un conseil d’administration inspirés des firmes de droit privé. L’autonomie de gestion des personnels place les universitaires sous la tutelle de la bureaucratie universitaire et remplace le statut national de fonctionnaires par des contrats locaux de droit privés. L’autonomie pédagogique soumet l’enseignement à la mise concurrence croisée des étudiants (principe de sélection) et des formations (marché éducatif). L’autonomie financière, enfin, substitue le financement privé des études (crédit étudiant ou financement par les familles) au financement par l’impôt. Après vingt ans de grignotage ininterrompu, il ne reste plus que trois mesures à mettre en œuvre pour boucler ce programme de bureaucratisation, de paupérisation et de dépossession destiné à promouvoir un secteur privé. Chacune a fait l’objet de ballons d’essais ces dernières semaines. 

(i) La dérégulation des statuts, la fin du statut de fonctionnaire et le recours systématique à la contractualisation. Le « volet RH » de la loi de programmation de la recherche (LPR) n’a fait qu’amorcer cette dérégulation. La fascination du camp présidentiel et en particulier de M. Kasbarian pour Elon Musk a relancé les attaques dans la presse contre le statut de fonctionnaire.

(ii) La suppression des organismes de recherche de sorte à placer leurs personnels sous la tutelle des universités. La volonté de transformer les organismes en « agences de moyens », grossièrement maquillées en « agences de programmes », ou la tribune récente appelant de facto à démanteler le CNRS, constituent de nouvelles tentatives de mener à bien cette mesure.

(iii) La dérégulation des frais d’inscription, réforme ultime, a fait l’objet d’un ballon d’essai du ministre, M. Hetzel, dans Les Échos. Elle constitue une réforme délicate de nature à enflammer la jeunesse étudiante, mais aussi à provoquer les effets délétères que l’on constate, par exemple, en Angleterre. Du point de vue des réformateurs, l’idéal serait que la communauté académique se mobilise pour demander elle-même cette mesure. Cela suppose tout d’abord de baisser abruptement les budgets en donnant l’illusion qu’il n’y a aucun autre moyen de financer la charge de service public universitaire. C’est très exactement le scénario auquel nous assistons depuis quelques jours.

« Avant que l’étincelle n’arrive à la dynamite, il faut couper la mèche qui brûle. »

Walter Benjamin, Avertisseur d’incendie, 1928.

La 25ème heure

Ce mardi, la communauté universitaire a été invitée à écouter retentir les alarmes incendie, pénétrée par le sentiment d’un authentique moment de vraie gravité et émue par la véritable mobilisation des présidents d’université. Le moment choisi par les associations de défense de la bureaucratie universitaire, France Universités et UDICE, est un symbole éloquent de leur résistance : à la 37ème minute de la 25ème heure précédant le test mensuel de ladite alarme. À onze heure et trente sept minutes pétantes.

De prime abord, la révolution des détecteurs de fumée n’a pas grand chose à envier aux applaudissements vespéraux dont les bourreaux de l’hôpital public gratifiaient les personnels de santé en mars et avril 2020. Mais si le lobby des bureaucrates tente d’enrôler les universitaires après la bataille, c’est que ces Lazare Carnot de l’alarme incendie ont un plan, que nous nous permettons de reproduire in extenso tant il force l’admiration :

« Si l’État refuse de prendre en compte ces revendications, les présidentes et présidents d’université n’auront d’autres choix que de :

  • baisser les capacités d’accueil sur Parcoursup et donc le nombre de places pour les futurs bacheliers,
  • fermer certains sites universitaires délocalisés,
  • réduire l’offre de formation,
  • revoir à la baisse, voire stopper la rénovation de son patrimoine immobilier,
  • diminuer le niveau de service, par exemple en réduisant le nombre de bibliothèques universitaires. »

La grève du zèle en somme, consistant à prendre en charge avec contrition la destruction de l’Université par attrition budgétaire programmée depuis 20 ans. Pourquoi ne pas avoir spécifiquement ciblé les disciplines de SHS honnies par l’Alt-Right pour affiner cette proposition de baisse des capacités d’accueil ? Pourquoi ne pas avoir pensé à offrir pour un euro symbolique les « sites universitaires délocalisés » à des officines privées de formation supérieure ? Pourquoi avoir omis de promettre de piétiner les franchises universitaires ?

Dans une tribune publiée fin octobre, en contre-feu de celle issue de la communauté académique, nos pompiers incendiaires menaçaient déjà « de supprimer de nombreux postes d’enseignants-chercheurs » et avaient dénoncé la « mise en cause des opportunités offertes aux universités pour obtenir de nouvelles ressources » comme les « contrats en apprentissage ». Une tribune au stade du Hetzel, en somme. Pour être juste, cette tribune contient bien d’autres choses plaisantes comme cette promesse de découvrir « de nouveaux dispositifs en cybersécurité et cyberdéfense », faite dans le temps même où l’université Paris-Saclay peinait à se relever de la cyberattaque perpétrée par un groupe de ransomware.

À quoi rime ce mouvement des résistants de la 25ème heure, lancé après l’examen par le parlement du projet de loi de finance ? Il frappe par sa cécité — volontaire ou non — devant les causes de la paupérisation délibérée de l’Université. Ainsi, la bureaucratie semble découvrir que les « Responsabilités et Compétences Élargies » n’avaient d’autre objet que de permettre à l’État de ne plus couvrir les dépenses par les subventions pour charge de service public. Elle découvre que la LPR est fondée sur un jeu de bonneteau avec les pensions de retraite, que nous avons analysé longuement alors que la bureaucratie universitaire s’esbaudissait devant cette paupérisation annoncée. Elle se refuse à dénoncer le pillage d’argent public par le Crédit d’Impôt Recherche et le financement public de l’alternance et de l’apprentissage — allant même jusqu’à en soutenir la reconduction.

Les managers d’établissements reçus en délégation au ministère n’ont pas compris ce que voulait leur faire entendre M. Hetzel lorsqu’il a eu la franchise de leur dire que pour Bercy, ils étaient « des punks à chien » (sic). Ainsi, l’un d’eux joue aux étonnés dans les colonnes du Monde: « Que met précisément le ministre derrière cette idée de revoir le modèle d’allocation des moyens ? ». Qu’il s’agisse de duplicité ou d’aveuglement, leur mouvement — dépourvu de toute analyse sur les 20 ans de réformes qui ont conduit au désastre actuel comme sur les moyens de reconstruire le système d’Université et de recherche — se résume à entraîner les universitaires à co-produire la réforme ultime : l’augmentation des frais d’inscription, qui sera présentée comme la solution à une crise que les bureaucraties persistent à vouloir réduire au budget. Avec cette augmentation des frais d’inscription, il ne s’agit pourtant pas d’un pis-aller, ni même d’une conséquence de ces réformes : elle en est l’aboutissement voulu et patiemment construit avec la complicité active de ceux qui aujourd’hui crient au loup.

« La liberté devient chétive et dérisoire, elle se réduit à la possibilité de préserver sa propre existence. L’humanité en est arrivée de nos jours au point où même les plus hauts postes de décision ne donnent plus de véritable joie à ceux qui les occupent parce que ceux-ci sont devenus en eux-mêmes les fonctions de leur propre fonction. »

Adorno, Leçons sur l’histoire et sur la liberté (1964-1965).

La gabegie de l’alternance

La politique de soutien à l’alternance a été initiée par M. Macron en 2017-2018, malgré l’opposition de Bercy. Elle a conduit à une augmentation du nombre d’apprentis de trois-cent-mille à un million en six ans au prix de prélèvements abyssaux dans les finances publiques et d’abus non régulés. La réforme de l’alternance a profité aux entreprises, qui trouvent dans les apprentis une main-d’œuvre bon marché: « ce contrat reste celui actuellement disponible sur le marché du travail dont le coût du travail est le plus faible » d’après l’OFCE. En particulier, la réforme permet aux entreprises, même florissantes, de s’offrir des diplômés à bas prix. Ainsi, 61,6% des entrées en apprentissage concernent désormais des étudiants préparant un diplôme d’études supérieures, alors qu’ils étaient minoritaires avant 2020. Les jeunes ni en emploi ni en formation (Neet) n’ont pas bénéficié de cette dynamique.

La dérégulation de l’alternance, auparavant gérée par les régions, a surtout profité aux centres de formation privés. Les fonds d’investissement ont tiré profit de cette situation, en se dotant d’organismes de formation permettant des taux de profit record, du fait de la générosité des subventions publiques. Ainsi, chez Galileo Global Education, l’employeur de Mme Pénicaud, ministre du travail au moment où fut votée la réforme de l’alternance (Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, LCAP 2018), un cadre rapporte que 20% seulement du financement d’une formation par le contribuable vont à l’enseignement. Un apprenti coûte environ 26 000 euros à l’État, soit deux fois plus que ce qui est consacré à chaque étudiant du supérieur, auquel il faut ajouter les subventions différées de la protection sociale. Les escroqueries sont légions : centres de formation virtuels, écoles pratiquant le surbooking, etc. Les garde-fous mis en place, comme la certification Qualiopi, sont insuffisants et facilement contournés. Les inspecteurs du travail, comme partout, sont en sous-effectifs.

France compétences (sic), l’organisme public gérant le budget de l’apprentissage, a vu son déficit se creuser, atteignant 5,9 milliards d’euros en 2022. L’État a dû renflouer les caisses à plusieurs reprises pour éviter la cessation de paiement. Les rapports de l’Inspection Générale des Finances et de la Cour des Comptes montrent que l’alternance a surtout permis d’arroser les entreprises d’argent public sans contrepartie, avec un effet limité sur l’accès à l’emploi. En somme l’alternance est l’homologue pour l’enseignement universitaire de ce qu’est le Crédit d’Impôt Recherche (7 milliards d’euros) pour la recherche scientifique. Le coût de l’aide aux entreprises embauchant des apprentis a été multiplié par 3,5 entre 2018 et 2024, atteignant environ 25 milliards d’euros par an. Ce calcul n’inclut pas certaines dépenses comme les cotisations de retraite, évaluées à 12 milliards d’euros par an.

Cette débauche d’argent public explique le succès du dispositif, avec 850 000 nouveaux contrats signés en 2023. Cependant, une grande partie de ces emplois sont attribuables à un effet de substitution, où des emplois classiques sont transformés en contrats d’apprentissage en raison de leur coût moindre pour l’employeur. Il faut également noter que l’apprentissage est pointé par plusieurs rapports comme principale source de la baisse de la productivité nationale. 

En plus du Crédit d’Impôt Recherche, il faut d’urgence réformer le financement public de l’alternance (20,4 milliards d’euros auxquels il faut ajouter 7,2 milliards d’euros d’apprentissage) et le réallouer au service public. Les économies budgétaires réalisables sur les aides directes aux actionnaires sont considérables : les CFA en société commerciales redistribuent 32,5% des excédents sous la forme de dividendes.

Elles permettraient facilement de sanctuariser le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont la baisse programmée est de 1,3 milliards d’euros, une fois prise en compte l’inflation autour de 2,1%. La subvention pour charge de service public baisse de 430 millions d’euros alors qu’il manquait déjà 1 milliard d’euros de SCSP pour couvrir la masse salariale de l’ESR.

L’Université est sur la paille, c’est un fait. Nous n’en sortirons qu’en construisant un modèle alternatif à celui qui a conduit à 20 ans de décrochage scientifique, de précarisation, de paupérisation et d’insignifiance bureaucratique. Et non pas en cherchant refuge dans les feintes alertes ou la cécité volontaire.

https://rogueesr.fr/investir-recherche-universite/