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L’Université, l’expert et la chloroquine

1. Penser la pandémie (partie 4) : L’Université, l’expert et la chloroquine

La quatrième et dernière vidéo co-produite avec le séminaire Politique des sciences sur l’épidémie du coronavirus porte sur les rapports entre la science et l’expertise. Nous examinons, en partant de l’affaire de la chloroquine, comment la pandémie a révélé et amplifié les dysfonctionnements de l’Université et de la recherche.

N’hésitez pas à partager cette vidéo ! Elle comprend cinq sections que l’on peut voir de manière indépendante, et dont vous trouverez les liens en bas de page. Nous vous invitons également à visionner et partager les trois premières parties de cette série Penser la pandémie dans nos précédents billets.

2. Appel à la refondation

Vous observerez que la vidéo se conclut par l’appel à réinstituer collectivement un système d’Université et de recherche conforme aux besoins de notre société et à même  de juguler les trois crises qui nous frappent : une crise démocratique, une crise climatique et environnementale et une crise sociale aggravant les inégalités. Nous sommes 7401 à avoir signé cet appel avant le début de la crise sanitaire qui a mis en lumière l’acuité de ce texte. Vous pouvez le signer ici.

3. Appel à contributions

Cet appel prévoit une première rencontre en septembre, pour laquelle nous lançons un appel à contributions (orale, écrite ou vidéo) que vous trouverez ci-dessous. La rencontre aura lieu à Paris un vendredi-samedi de la seconde moitié de septembre. Nous vous communiquerons la date exacte dès que nous aurons finalisé la réservation d’une salle.

Instituer un autre système d’Université et de recherche : horizon et conditions de possibilité.

Septembre 2020

La dérégulation des normes scientifiques, la suspension graduelle des libertés académiques et des pratiques collégiales et la bureaucratisation des institutions d’Université et de recherche ont été théorisées avant d’être mises en œuvre, notamment dans les rapports Aghion-Cohen de 2004 et Attali-Macron de 2008. Les réformes qui s’en sont ensuivies ont donné lieu à des analyses critiques de bloc et de détail, ainsi qu’à d’importants mouvements de défense de ce qui subsiste de moyens pérennes, de garanties statutaires et de démocratie universitaire. Pourtant, nous manquons encore d’un travail conséquent de création politique sur le système idéal que nous aspirons collectivement à instituer, travail qui porterait à la fois sur la définition de ce système et sur ses conditions de possibilités.

Le point de rupture humain, social et scientifique que nous avons atteint nous oblige aujourd’hui à mener ce travail collectif. À la vision politique cohérente et articulée qui innerve les réformes depuis 15 ans, nous devons opposer notre propre vision de long terme, construite collectivement. Personne n’éprouve de nostalgie pour le mandarinat qui prévalait avant la bureaucratie managériale et qui s’y est fondu sans difficulté. C’est donc vers un nouveau modèle d’enseignement supérieur et de recherche qu’il faut porter nos efforts : il s’agit d’affirmer le pouvoir de transformation de l’utopie concrète que nous associons à l’idée d’Université.

Les précédentes opérations promues par RogueESR visaient à rappeler les principes qui doivent régir ce nouveau modèle : autonomie, collégialité, liberté, exigence, temps long, responsabilité démocratique, sociale et écologique. La rencontre organisée en septembre se propose d’initier le travail de création politique, de manière ouverte, autour de quelques thèmes. Nous attendons vos propositions de contribution sur ces sujets pour le 20 juillet, par mail (contactrogueesr.fr). Nous excluons par avance les discussions sur les réformes en cours, qui s’organisent d’ores et déjà dans d’autres cadres de coordination. Il en va de même pour les approches purement critiques du système actuel. Il s’agit de penser le rôle de l’Université et de la recherche et d’imaginer leur institution dans la société dont nous rêvons.

Normes, finalités et utilité sociale de la recherche et de l’Université
  • À quoi servent l’Université et la recherche ? Doit-on / peut-on penser la fonction  de l’université et de la recherche en termes de valeur sociale, démocratique, écologique ? Comment penser la diversité universitaire ?
  • Savoir, recherche et démocratie : Comment concilier démocratie, responsabilité  et autonomie du monde savant ? Quel droit de regard sur les thèmes de recherche ? Quelles fonctions pour les Humanités et les sciences sociales au sein du système de la recherche ? Quelle place pour la critique et l’auto-institution au sein de l’Université ?
  • Vérité, contradiction, publicité : Quel système de publication et de véridiction scientifique ? Comment promouvoir de nouvelles pratiques qui remplacent l’obsession du quantitatif par l’exigence, l’originalité, l’intégrité, etc. ? Quelle définition de l’auctorialité savante ? Comment dire le vrai aujourd’hui ? Comment éviter à la fois le scientisme et l’imposture, en recréant un espace public de confrontation, de pensée et de critique réciproque ?
Les moyens pour les fins
  • Comment répartir les moyens ? Quelle répartition entre disciplines ? Comment abonder financièrement les domaines où les idées nouvelles arrivent, sans pour autant retomber dans les mécanismes de réputation ? Quelles structures de coordination aux différentes échelles ?
  • Les universitaires que nous voulons (être) : des employés sans employeurs ? (Comment) peut-on dissocier salariat et autorité hiérarchique dans le monde scientifique ? Quels statuts pour garantir l’indépendance, la sécurité matérielle et l’accès au temps long tout en respectant le principe de responsabilité collective des savants ? Quelle division du travail dans l’ESR ?
Former qui, quand, où, pour quoi faire, comment, avec qui ?
  • Quelle vie étudiante ? Quelle indépendance sociale et financière et quel statut pour les étudiants ? Quelle démocratie étudiante ? Quelle citoyenneté à l’intérieur de l’université ?
  • Quelle répartition géographique et quelle variété des établissements ? Comment garantir un accès universel au supérieur sans reproduire la discrimination entre établissements d’excellence et collèges de proximité ?
  • Sciences, techniques, ingénierie : Quelle typologie des formations pour quels enjeux ? Comment sortir de la tripartition cursus courts / Grandes Ecoles / Université ? Quelles ingénieries pour, le cas échéant, réindustrialiser et comment, dans un contexte de réchauffement climatique ?
  • Quel enseignement par la recherche ?  Comment maintenir et transmettre un savoir vivant inscrit dans l’idée d’un progrès de la connaissance, et adossé à la dimension collective de la recherche ? Comment convaincre des étudiants qui ne se destinent pas à la recherche que cette dernière est ce qui fonde le droit à parler des enseignants-chercheurs ?

Nous vous remercions par avance de vos contributions.

Nous reviendrons vers vous prochainement pour analyser les résultats du sondage sur l’Université et la recherche et vous informer des modalités de candidature à la présidence du Hcéres.


La vidéo comprend cinq sections indépendantes :

Section 1 : Refonder l’université

Section 2 : L’affaire de l’hydroxychloroquine

Section 3 : La dérégulation des publications

Section 4 : Le règne de l’expert

Section 5 : Réinstituer l’Université et la recherche

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Hcéres : première victoire et nouvel appel à candidatures

En janvier dernier, nous avons posé nos candidatures à la présidence du Hcéres sur la base d’une profession de foi commune, parue dans Le Monde.

Nous avons rappelé que la science suppose l’autonomie des savants, chercheurs et universitaires, seuls à même de décider collectivement des normes et des procédures d’évaluation des travaux scientifiques et des institutions. Nous anticipions que le ministère rejetterait nos candidatures, sans même les examiner. La stratégie consistait à empêcher, par la dépréciation publique, une procédure opaque, percluse de conflits d’intérêts notoires. Pour ce faire, nous avons collectivement rappelé les normes d’intégrité et d’indépendance qu’exige le principe d’autonomie de la recherche scientifique.

Nous pouvons en apprécier aujourd’hui les effets. Le conseiller ESR du Président de la République, M. Coulhon, qui avait procédé lui-même à l’audition à l’Elysée des autres candidats, n’a pas été nommé. Le ministère s’est vu contraint de saisir son comité de déontologie, lequel n’a pu que constater l’ampleur du problème et demander l’arrêt immédiat de la procédure et le lancement d’un nouvel appel à candidatures. Cette première victoire, pour ténue qu’elle soit, valide la capacité de la communauté académique à reprendre le contrôle de ses propres normes.

Le ministère a annoncé la publication prochaine d’un nouvel appel à candidatures, moins opaque. Il ne s’agit pas de nous en satisfaire, mais de l’utiliser pour tenter à nouveau de faire bouger les lignes : en effet, c’est le concept même de l’évaluation managériale qui s’oppose à l’ambition que nous portons, celle d’une science inscrite dans le temps long et au service de l’intérêt général, avec toutes les garanties matérielles et statutaires que cela implique. Il convient donc de saisir cette nouvelle occasion de reprendre possession de notre métier, et de refaire science collectivement.

Le constat n’a pas changé: le processus de réformes engagé depuis quinze ans, et qui se poursuit avec le projet de LPPR, est un échec y compris à l’aune des critères de ses promoteurs, et à plus forte raison à l’aune des nôtres. Le Hcéres est un levier dont nous souhaitions nous saisir pour porter une plus haute ambition que celle des réformateurs: l’ambition du temps long, de l’autonomie, de la liberté, de l’intégrité et de l’exigence, c’est-à-dire aussi l’ambition de la démocratie savante et de l’intérêt général.

Nous allons devoir répondre au nouvel appel d’offre, en faisant en sorte que nos candidatures ne puissent pas être écartées par la commission sur une base arbitraire. L’objectif restera identique : nous donner les moyens de restituer à l’ensemble du corps savant le contrôle de son activité au travers de normes et de procédures dont il doit lui-même décider.

Dans le même temps, en appui au mouvement de réappropriation ravivé par le retour du projet de LPPR, nous vous enverrons dans les jours à venir un appel à contribution pour les Assises de la refondation qui se tiendront en septembre, suite à l’appel du 20 mars 2020, que vous pouvez encore signer.

Nous avons également souhaité recueillir par sondage votre opinion concernant l’opportunité ou non d’une candidature symbolique de Camille Noûs à la présidence du Hcéres en plus de toutes nos candidatures : cette candidature serait certes instantanément recalée, mais elle poserait à nouveau l’incompatibilité de principe entre une institution bureaucratique comme l’Hcéres et les valeurs cardinales d’une science intègre et autonome.

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Que devient Camille Noûs ?

Cela fait maintenant trois mois que nous vous avons transmis la proposition d’une signature collective appelée à devenir une contribution significative de la communauté de recherche à nos travaux pour en faire une marque d’intégrité scientifique. Vous avez choisi le nom de « Camille Noûs » pour incarner cette initiative, et « Cogitamus » comme nom du laboratoire de rattachement de Camille, unité de recherche à laquelle nous pouvons toutes et tous revendiquer une affiliation secondaire si nous souscrivons aux principes avancés en mars.

« Camille Noûs » du Laboratoire Cogitamus est donc pensé(e) comme un consortium scientifique créé pour affirmer le caractère collaboratif et ouvert de la création et de la diffusion des savoirs, sous le contrôle de la communauté académique.

Il nous semble important de revenir vers vous pour présenter un bilan chiffré, sur la base des données que nous avons pu collecter. Trois mois après son lancement, la signature de Camille Noûs a été jointe à une cinquantaine d’articles, dont dix ont d’ores et déjà été publiés, majoritairement en SHS, mais aussi en sciences naturelles, chez plusieurs éditeurs français et internationaux. Deux appels à communication nous ont été signalés comme étant lancés par Camille Noûs. Simultanément, son nom a aussi été associé à plusieurs textes en défense de l’institution scientifique.

Cette initiative a également donné lieu à des réflexions et discussions autour de la notion d’intégrité scientifique. Vous trouverez ici, au format FAQ, une réponse basée sur les questions et arguments échangés avec plusieurs d’entre vous via l’adresse de contact camille.nouscogitamus.fr.

En outre, nous voudrions vous rappeler deux autres initiatives prises par des membres du collectif RogueESR :

  • la série de vidéos « Penser la pandémie », produites en collaboration avec des membres du séminaire Politique des Sciences de l’EHESS, dont le 3ème épisode est ici :
  • un questionnaire visant à faire un point sur notre état d’esprit face aux enjeux actuels de l’ESR après les épreuves de ces derniers mois.

Enfin, il nous semble important de signaler à celles et ceux d’entre vous qui n’auraient pas reçu cette information que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche entend présenter le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR) aux instances paritaires à partir du 12 juin pour un passage en conseil des ministres le 8 juillet.

Prenez soin de vous et de vos proches.