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Fin du Mois, début du « nous »

L’opération Alex a été infléchie pour prendre en compte une question récurrente : quel est le sens de ce nom fictif ajouté à un auteur, une autrice, ou une liste d’auteurs, et ne relève-t-il pas d’une falsification — d’un déficit d’éthique ? Par ailleurs, le choix du prénom ayant fait l’objet d’un grand nombre de courriels — si choisir le prénom d’un enfant provoque des tensions dans un couple, on imagine la difficulté pour plusieurs milliers de personnes — nous avons ouvert le choix à l’ensemble des propositions reçues, que nous soumettons à l’appréciation de tous pour une adoption sous quatre jours.

La nouvelle proposition se fonde sur l’idée selon laquelle Alex (gardons temporairement ce prénom) représente la communauté académique. Alex est une personnalité morale qui vaut pour l’ensemble des savants s’inscrivant dans le « nous » scientifique au sein duquel s’élaborent les normes probatoires et les formes de la disputatio. Alex s’apparente à un consortium scientifique, comme cela se pratique, par exemple, en physique des particules. À quel titre la signature d’Alex, valant pour la communauté savante, serait-elle alors ajoutée aux auteurs proprement dits ? Alex serait d’abord la reconnaissance de la dimension collective de la recherche, comme production irréductible aux fragmentations disciplinaires. Alex serait l’affirmation d’un monde savant animé par son mouvement propre de questionnement endogène, qui crée le savoir comme un commun de la connaissance qu’aucun intérêt particulier ou privé ne peut s’approprier. Alex serait porteur de la revendication d’une recherche, désintéressée, de vérités irréductibles à toute dimension utilitaire. Alex procéderait d’une garantie d’éthique intellectuelle fondée sur l’exigence et la qualité scientifique, accordée par les pairs.

Dans notre prochain courrier, nous proposerons un document détaillant le sens d’Alex et sa légitimité de signataire, nécessaire pour convaincre nos co-auteurs du bien-fondé de l’opération. Dans cette première phase, le degré d’éthique des articles labellisés ne sera fondé que sur l’engagement de ses co-auteurs. Par la suite, une fois l’opération Alex révélée par une tribune internationale, nous pourrons, discipline par discipline, convenir d’une manière de faire reconnaître Alex comme garantie d’intégrité et d’exigence. Si nous parvenons à infléchir le système de publications scientifiques dans un sens conforme aux fondements du travail savant, Alex pourrait devenir une signature accordant du crédit, et recherchée à ce titre par les éditeurs.

Cette élaboration sur le rôle essentiel de la communauté scientifique dans toute publication, ne doit pas masquer le caractère joyeux de la promotion de cette figure allégorique au rang de scientifique le plus productif de la planète et, rapidement, le plus cité.