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Comment réformer le système de recrutement des universitaires

« L’école, dans un pays démocratique, c’est d’elle que tout vient et c’est à elle que tout revient. »

Jean Zay, ministre de l’éducation nationale du Front populaire, assassiné par la Milice française le 20 juin 1944.

La phase électorale se referme. Nous avons choisi d’enjamber les spasmes de la campagne et ne regrettons pas ce choix. La crise politique que notre pays doit affronter s’est creusée. L’extrême droite sort renforcée de ces élections, après des années de normalisation institutionnelle et de banalisation de ses idées — la séquence maccarthyste orchestrée par M. Blanquer, M. Macron et Mme Vidal contre la liberté académique est exemplaire à cet égard. La tripartition de l’espace politique entre mouvement émancipateur social-écologiste, droite managériale et conservatrice et bloc d’extrême-droite national identitaire s’installe dans la durée, même s’il est frappant de voir qu’aucun de ces blocs politiques ne peut compter fermement sur l’adhésion de plus de 12 % de l’électorat.

Comme universitaires attachés à la liberté et à la rationalité, notre responsabilité propre est de dépasser la sidération et de poursuivre un travail de création politique sur l’Université et les institutions de recherche scientifique, contribuant à juguler les crises sanitaire, socio-économique, environnementale et démocratique.

Nous poursuivons donc cette tâche programmatique en revenant en détail sur un sujet déjà évoqué dans plusieurs billets : l’esquisse d’un système de recrutement des enseignants-chercheurs conforme à nos exigences pour une refondation de l’Université. La demande d’ouverture de poste pour M. Blanquer à l’université Paris-Panthéon-Assas après intervention au sommet de l’État, en dehors des dispositions prévues pour la réintégration dans son corps d’origine, illustre l’urgence d’une réforme en profondeur du mode de recrutement, de mutation et d’affectation des universitaires.

Recrutement des enseignants-chercheurs : articuler autonomie et système national d’Université et de recherche

L’annonce du démantèlement du CNRS par son président, ou du moins sa transformation en « agence de programmes » au service des établissements universitaires, traduit une volonté d’abandonner l’organisation nationale de la recherche et de l’Université au profit d’une logique de « marque ». Nous prenons ici le contrepied de cette idée : et si les recrutements pour l’Université se faisaient selon un principe reprenant ce qui fonctionne bien dans ceux du CNRS ou de l’INRAE ? Pour tenter de poser sereinement le débat, nous mettons à la discussion une organisation possible d’articulation entre le principe d’autonomie des universitaires auquel nous sommes attachés et l’idée d’une unité du système à l’échelle territoriale. Puis nous proposerons une étude d’impact de cette nouvelle organisation. Ce billet long complète nos analyses sur les moyens alloués à l’Université et à la recherche, et sur les conséquences de la précarisation et de la paupérisation du système.

Revenir aux fondements de l’Université

Pour redéfinir les procédures des recrutements universitaires, nous entendons partir de deux constats simples :

  1. La mission pédagogique de l’Université est de former la jeunesse du pays à l’argumentation rationnelle et critique dans l’ensemble des champs de la connaissance, afin de concourir à son émancipation. Parmi les moyens requis figure un maillage territorial étroit, incluant des établissements expérimentaux à taille humaine, accompagné de la construction de résidences universitaires et d’une allocation d’autonomie permettant aux étudiantes et aux étudiants de se consacrer entièrement à leurs cursus.
  2. La mission d’enseignement est liée à une activité de production et de critique des connaissances, à savoir la recherche scientifique, laquelle requiert l’indépendance statutaire et la possibilité de libres coopérations en réseaux. Cela passe par une réforme du financement de la recherche avec l’introduction d’une dotation pérenne par tête et d’une banque nationale de moyens. En outre, nous disposons des outils numériques permettant de fédérer les scientifiques au-delà d’un seul site, levant ainsi une des contraintes pesant sur tout projet de fonctionnement réticulaire.

La conséquence est double :

  1. Le recrutement dans les corps d’universitaires obéit à des nécessités pédagogiques et scientifiques irréductibles aux enjeux locaux de court terme. Il est absurde de recruter des universitaires fonctionnaires en partant des besoins pédagogiques (le « profil enseignement ») d’une seule offre quinquennale dans un seul établissement. L’exigence nécessaire au respect des besoins scientifiques nationaux ne peut être garantie que par des commissions très majoritairement — voire intégralement — composées de membres du domaine concerné, complétées par des représentants de domaines attenants.
  2. A contrario, l’affectation des universitaires sur un site donné dépend d’une politique collective des équipes pédagogiques, et dans certaines disciplines, des équipes scientifiques, qui ne sont pas forcément les mêmes.

Il y a là un double impératif à partir duquel il est possible de construire un nouveau système de recrutement et d’affectation répondant aux besoins de la société qui légitiment l’existence de l’Université. Les lignes qui suivent présentent une première proposition de système, destinée à produire un débat critique et des propositions alternatives. Ce dispositif a été pensé sans présupposer la rétrocession de la masse salariale des établissements au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais cette mesure serait bien évidemment dans le droit fil des aménagements que nous proposons. De même, si en théorie ce système est aveugle au nombre total de postes mis au recrutement, une augmentation massive de ceux-ci est nécessaire pour redonner à l’Université les moyens d’assurer ses missions.

Principes

Commençons par identifier les principes auxquels la solution technique doit obéir :

  • garantir le statut national des universitaires et mettre en œuvre des garanties des libertés académiques pour les personnels recrutés ;
  • mettre les recrutements à l’abri du clientélisme local ;
  • permettre les mutations et les rapprochements de conjoints ;
  • éviter ou diminuer la chronophagie des procédures de recrutement ;
  • garantir que les postes soient pourvus à la rentrée suivant la demande d’ouverture de la part de l’établissement ;
  • accroître la diversité des thèmes de recherche à l’échelle nationale et garantir la pérennité des disciplines et thématiques minoritaires ;
  • respecter un équilibre entre les intérêts d’ensemble de la communauté des enseignants-chercheurs et ceux des établissements ;
  • amortir les dérives propres à la mise en compétition des établissements.

Proposition de fonctionnement

Au vu de ces contraintes, on peut établir la procédure suivante pour un recrutement au 1er septembre, selon un calendrier synchronisé.

Composition et contour des commissions nationales

Pour des raisons à la fois logistiques et scientifiques, le périmètre des commissions nationales désignées par les pairs doit être aussi large que possible et aussi restreint que nécessaire pour garantir la possibilité d’auditions nationales. Le découpage des champs de compétence scientifique des commissions n’aura pas à correspondre au périmètre des actuelles sections du CoNRS ou du CNU. Si ces commissions ont vocation à être majoritairement élues, on peut envisager, pour une fraction de leurs membres, de recourir soit au tirage au sort, soit à la cooptation de collègues exerçant hors de France par les élus. Chaque commission nationale sera chargée, en dialogue avec sa communauté, de définir trois ou quatre spécialités découpant intelligemment le domaine, révisables en fonction des évolutions de ce dernier. Ces spécialités serviront de profil de recherche des postes ouverts.

Exemple

La section 28 (physique de la matière condensée) pourrait être constituée de trois spécialités (physique du solide, matière molle et biophysique) suffisantes pour couvrir le domaine.

Calendrier du processus

  1. Avant le 15/6 de l’année précédente : dépôt des demandes de mutation constituant la liste (B) du processus d’affectation.
  2. Du 15/6 au 15/7 de l’année précédente : demandes d’ouverture de poste.
  3. Du 1/9 au 15/10 de l’année précédente : examen des postes ouverts par les commissions nationales composées de pairs, qui formulent des demandes complémentaires dans les disciplines rares.
  4. Du 20/12 au 15/3 : les candidats déposent leurs dossiers au niveau national, sont auditionnés par les commissions nationales, et sont recrutés sur un poste encore indéterminé (A), mis sur liste complémentaire (C), ou non retenus.
  5. Du 15/1 au 25/3 : les candidats des listes (A), (B) et (C) formulent des vœux hiérarchisés pour leur affectation aux postes ouverts au concours, et à ceux susceptibles d’être libérés par une mutation.
  6. Du 30/3 au 10/5 : les commissions locales établissent un classement unique des candidats des listes (A) (néo-recrutés) et (B) (candidats à la mutation) ayant formulé un vœu pour ce poste. Dans un second temps, elles classent également les candidats de la liste (C) (complémentaire). Pour les postes potentiellement libérés par mutation, le titulaire sortant est systématiquement classé premier sur le poste qu’il souhaite quitter, afin d’éviter qu’il soit sans affectation s’il n’est appelé nulle part ailleurs.
  7. Le 15/5 (le jour J) : affectation pour les candidats des trois listes (A+B+C) sur l’ensemble des postes. Ouverture de la signature des contrats.
  8. Du 15/5 au 15/7 : gestion des changements d’affectations en cas de démissions et bilan de la procédure. Fin de la signature des contrats au 15/7.

Première phase, 15 juin – 15 octobre de l’année précédente : définition des besoins.

15 juin – 15 juillet de l’année précédente : demandes d’ouvertures de postes.

À l’intérieur des établissements, la procédure se fonde sur un principe de subsidiarité descendante, en passant par les laboratoires et les conseils des UFR ou facultés. Les composantes établissent une liste de besoins, en spécifiant les conséquences de l’obtention ou non du poste pour l’offre de formation et la recherche. La demande prend en considération les bilans sociaux des composantes et les taux de couverture dans les formations. Tout support libéré par un départ est déclaré disponible.

Le conseil académique de l’établissement étudie les demandes et les ordonne. Le conseil d’administration transmet une demande de subvention pour charge de service public au ministère, fondée sur les besoins et les conséquences des choix. Le ministère décide de la subvention pour charge de service public. Sur cette base, les établissements transmettent au ministère une liste comportant un nombre de postes à ouvrir égal au nombre de supports disponibles.

Par ailleurs, les candidates et les candidats à la mutation se déclarent avant le 15 juin au service du personnel de leur établissement. L’ensemble des personnes à affecter comprend donc les candidats recrutés et les universitaires demandant une mutation. Les affectations se font indifféremment sur les postes fraîchement ouverts et sur les postes libérés par les universitaires demandant une mutation. La procédure d’affectation est décrite ci-dessous.

Exemple

L’Université expérimentale de Prades fait remonter au ministère la liste suivante :

  1. Poste PR en Droit public (section 02) spécialité : droit constitutionnel
  2. Poste MCF en Informatique (section 27) spécialité : robotique/vision/langage naturel
  3. Poste MCF en Science politique (section 04) spécialité : théorie politique
  4. Poste MCF en Langue et littérature françaises (section 09) spécialité : littérature du XIXème
  5. Poste PR en Physique des Hautes énergies (section 29) spécialité : astro-particules
  6. Poste MCF en Mathématiques (section 25) spécialité : algèbre

Ainsi que les demandes de mutation de :

  • Jean C. MCF en Sociolinguistique (section 07) spécialité : dialectologie romane
  • Mme Elisabeth B. MCF en Sciences de gestion (section 06) spécialité : gestion de l’entreprise

1er septembre – 15 octobre de l’année précédente : définition des postes à pourvoir pour chaque commission nationale compétente.

Les commissions de recrutement nationales compétentes examinent les demandes de poste de leur périmètre et les demandes de mutations. Elles formulent au ministère des propositions de postes à ouvrir dans certaines disciplines rares (les disciplines-orchidées) à l’échelle nationale.

Le ministère, en liaison avec les présidents de commissions, arbitre les demandes après les avoir proposées aux établissements concernés. Les supports des postes ouverts sur des critères nationaux sont récupérés à l’échelle nationale lors des dialogues de gestion avec les établissements. Autour de 5 % des postes sont ainsi utilisés pour effectuer la politique scientifique nationale. La liste définitive des postes proposés au recrutement est publiée le 15 octobre.

Exemple

La commission de Mathématiques s’alarme de la disparition de la logique à l’échelle nationale et demande l’ouverture d’un poste MCF, en attirant l’attention du Ministère sur l’existence de laboratoires adaptés à leur accueil dans quelques établissements : université expérimentale de Prades, université de Montargis et université de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Deuxième phase, du 20 décembre au 15 mars : travaux des commissions nationales.

Les candidats aux postes ouverts déposent un dossier dématérialisé, selon le format demandé par la commission nationale à laquelle ils candidatent. Leur dossier peut inclure des propositions de projets susceptibles d’être menés à bien dans un ou plusieurs laboratoires précis, notamment les laboratoires de rattachement présomptif des postes déclarés à pourvoir depuis le 15 octobre (phase 1), sans que cela soit une obligation. Les commissions travaillent sur les dossiers de candidatures jusqu’à début février, pour une admissibilité proclamée autour du 5 février. Les auditions pourraient alors s’étaler sur deux à trois semaines, du 20 février au 15 mars, pour une publication des résultats le 20 mars.

La synchronisation stricte du calendrier permet d’envisager la banalisation de l’ensemble des enseignements dans toute l’Université sur la période concernée, afin que les personnes concernées par les auditions puissent se libérer de leurs obligations professionnelles. Les universitaires ne participant pas aux auditions pourront consacrer ce temps à d’autres travaux collectifs. De façon générale, la refonte des recrutements sur une base nationale va logiquement de pair avec une resynchronisation générale des calendriers universitaires, aux antipodes du chaos actuel, qui est préjudiciable aux coopérations et à la planification.

Les modalités de l’audition sont laissées à l’appréciation des communautés de pairs, et sont donc variables d’une commission nationale à l’autre.

Les auditions sont publiques. Elles se déroulent dans des locaux universitaires libérés par la banalisation des enseignements. Leur programme est consultable, et les doctorants et post-docs sont systématiquement invités à y assister pour leur formation professionnelle. En particulier, le programme des auditions de chaque commission nationale est transmis aux laboratoires et aux conseils d’UFR ou facultés concernés par les postes. De cette façon, des représentants de la commission locale d’affectation peuvent se joindre à l’auditoire, mais sans participer aux échanges ; comme des rapporteurs, ils pourront éclairer la commission locale d’affectation sur l’adéquation entre les candidatures retenues et les besoins locaux.

Les candidats retenus en liste principale non ordonnée (A) sont assurés d’avoir un poste. Cette liste principale s’accompagne d’une liste complémentaire non ordonnée de candidats (C), de même taille ou légèrement supérieure. Aucune de ces listes ne comporte de classement. La liste (B) des universitaires demandant leur mutation est ajoutée à la liste (A) pour constituer la liste (A+B).

Exemple

La section 06 (Sciences de gestion) a trois postes frais de MCF en Gestion de l’entreprise (Universités de Nice, Romorantin et Guéméné) et une demande de mutation (Université de Prades). Il y a donc quatre postes à attribuer dans cette spécialité.

Liste (A+B) :

Trois candidats sont retenus en liste principale (liste A) :

  • Mme Frédérique V.
  • M. Gabriel A.
  • Mme Sylvie R.

Candidate à la mutation (liste B) :

  • Mme Élisabeth B.

Trois candidats sont retenus en liste complémentaire (liste C) :

  • Mme Geneviève F.
  • M. Jean‑Michel B.
  • M. Bruno L.

Les autres candidats sont éliminés :

  • M. Damien A.
  • Mme Amélie M.

La commission procède à une restitution auprès de sa communauté de pairs en expliquant les qualités des recrutés, les raisonnements tenus et l’éventuelle gestion des conflits d’intérêts. Cette restitution permet non seulement d’établir un contre-pouvoir des pairs, mais aussi d’informer les laboratoires et les UFR sur les qualités des candidats retenus. Suite à cette restitution, si plus du tiers des inscrits relevant du champ d’exercice de la commission nationale expriment leur défiance par voie électronique, une nouvelle commission est désignée pour l’année suivante. Ce vote de défiance ne porte pas sur les listes de candidats (A) et (C), qui sont intangibles.

Troisième phase, 15 janvier – 15 mai : phase d’affectation par les commissions locales.

15 janvier – 25 mars : ouverture d’un portail de saisie des vœux recensant tous les postes à pourvoir au 1er septembre dans chaque établissement.

Les candidats sur liste principale (A) et sur liste complémentaire (C), ainsi que les universitaires demandant une mutation (B) formulent des vœux hiérarchisés d’affectation sur les postes à pourvoir. La liste (P) de ces postes inclut les postes fraîchement ouverts ainsi que les postes déjà pourvus mais qui seront possiblement (mais pas forcément) libérés par les candidats à la mutation. Les primo-entrants peuvent saisir leurs vœux avant de connaître l’avis de la commission nationale statuant sur leur candidature : ces vœux ne seront pris en compte qu’en cas de sélection lors de la phase de recrutement. La liste de vœux ordonnés d’un candidat peut ne pas comporter tous les postes ouverts (P). En cas de candidature dans deux spécialités ou plus, une seule liste de vœux est élaborée, pouvant comporter l’ensemble des postes de ces spécialités ou moins.

Exemple

Vœux de Mme Frédérique V.

  1. Nice 

Vœux de Mme Elisabeth B.

  1. Nice
  2. Romorantin
  3. Prades

Vœux de M. Gabriel A.

  1. Guéméné
  2. Romorantin
  3. Prades
  4. Nice

Vœux de Mme Sylvie R.

  1. Nice
  2. Guéméné
  3. Romorantin
  4. Prades

Vœux de Mme Geneviève F. (première en liste complémentaire B)

  1. Nice
  2. Guéméné
  3. Prades
  4. Romorantin

Vœux de M. Jean‑Michel B.

  1. Prades
  2. Guéméné

Vœux de M. Bruno L.

  1. Prades
  2. Guéméné

30 mars – 15 mai : travaux des commissions locales d’affectation et saisie des classements locaux.

La composition des commissions locales d’affectation est confiée au conseil de composante. Elle doit garantir une représentation de la composante où le poste est affecté, aussi bien en recherche qu’en enseignement. Ainsi, si un laboratoire de rattachement est pressenti, celui-ci est également représenté dans la commission locale d’affectation. Durant cette phase, la communication entre les candidats et les commissions locales est possible et encouragée. Les commissions locales peuvent demander un projet d’intégration pour évaluer l’adéquation des candidats avec les besoins locaux. En revanche, elles ne doivent pas chercher à évaluer les qualités académiques générales de ces candidats, cela ayant été fait au niveau national.

Chaque commission locale d’affectation classe les candidats des listes (A+B+C), la liste (C) étant impérativement classée après la liste (A+B). Les candidats à la mutation (liste B) sont systématiquement classés en premier sur le poste qu’ils sont susceptibles de quitter. Dans la plupart des cas, le dialogue entre commissions locales d’affectation et candidats à l’affectation conduira à un accord préalable se matérialisant par des premiers choix en correspondance.

L’algorithme de Gale-Shapley (détaillé en annexe, ci-dessous) est utilisé pour construire une affectation stable et optimale pour les candidats, sur la base des vœux des candidats et des classements des commissions locales. Par une configuration de l’algorithme, les candidats de la liste (B) (mutation) ont la garantie, au pire, de conserver leur affectation actuelle. Les candidats de la liste (A) ont la garantie d’être affectés à la condition d’avoir ordonné tous les postes disponibles (P). Ainsi, un candidat de la liste (A) ne peut rester sans affectation que s’il a souhaité refuser certains postes. Il n’est alors pas recruté, et un candidat de la liste (C) est affecté, si c’est possible. Il est impossible pour une commission locale de recruter un candidat de la liste (C) nationale, sur des critères locaux, s’il existe un candidat des listes (A) ou (B) au niveau national et qui souhaite prendre le poste.

15 mai : parution des premiers résultats d’affectation par croisement des vœux hiérarchisés des candidats et des classements des commissions locales.

Exemple

Les voeux des candidats sont les suivants :

Voeux Frédérique V.
(A)
Gabriel A.
(A)
Sylvie R.
(A)
Elisabeth B.
(B)
Geneviève F.
(C)
Jean‑Michel B.
(C)
Bruno L.
(C)
1 Nice Guéméné Nice Nice Nice Prades Prades
2   Romorantin Guéméné Romorantin Guéméné Guéméné Guéméné
3   Prades Romorantin Prades Prades    
4   Nice Prades   Romorantin    

Les commissions locales définissent les classements suivants :

Classement Nice Romorantin Prades Guéméné
1 (A+B) Elisabeth B. Frédérique V. Frédérique V. Sylvie R.
2 (A+B) Sylvie R. Sylvie R. Elisabeth B. Gabriel A.
3 (A+B) Gabriel A. Elisabeth B. Sylvie R. Elisabeth B.
4 (A+B) Frédérique V. Gabriel A. Gabriel A.  
5 (C) Jean‑Michel B. Bruno L. Bruno L. Geneviève F.
6 (C) Bruno L. Geneviève F. Geneviève F. Jean‑Michel B.
7 (C) Geneviève F. Jean‑Michel B. Jean‑Michel B. Bruno L.

Elisabeth B. est affectée à Nice parce que c’est son premier vœu et qu’elle y est classée première. Frédérique V., n’ayant pas eu Nice et n’ayant pas formulé d’autre vœu, n’est pas recrutée. Sylvie R. est affectée à Guéméné, son deuxième vœu après Nice. Gabriel A. est affecté à Romorantin, son deuxième vœu après Guéméné. Bruno L. est affecté à Prades parce que c’est son premier vœu et qu’il est classé devant les autres candidats en liste (C).

Quatrième phase, 15 mai – 15 juillet : phase manuelle et bilan.

À l’issue de l’affectation, deux situations peuvent contraindre à organiser une phase manuelle d’affectation. Si un candidat affecté sur un poste démissionne, par exemple en faveur d’un poste à l’étranger, le poste est proposé au candidat suivant dans la liste ordonnée de la commission locale. S’il préfère conserver le poste où il a été affecté, le poste est proposé au suivant sur la liste et ainsi de suite. S’il accepte le poste, il y est affecté. S’il libère ainsi un autre poste, on réitère le processus sur celui-ci.

Si un poste n’est pas pourvu, la commission nationale examine la possibilité d’étendre le bassin de recrutement l’année suivante, en faisant la publicité du poste ou en établissant une liste complémentaire (C) plus large.

Enfin, la commission nationale peut formuler des propositions de réorganisation inter-établissements. Ces propositions sont soumises à l’assentiment des collègues susceptibles d’être mutés par cette voie spécifique.

Exemple

La commission de langues et littératures anciennes propose la mutation du dernier PR de grec de l’université de Vire pour grossir les rangs de l’université de Guéméné, où se trouvent deux MCF en latin et en archéologie.

Analyse critique et alternatives

La procédure d’affectation ci-dessus se base sur un équilibre entre qualité intrinsèque des candidatures, évaluées au national, et adéquation du profil avec l’implantation évaluée en local, tout en simplifiant la phase d’affectation. Cet équilibre permet d’améliorer la confiance dans le concours. En revanche, il n’existe pas de garde-fou absolu contre tout féodalisme local.

D’autres procédures sont imaginables, qui mettent plus le poids sur la qualité intrinsèque, jugée au niveau national. Par exemple, on peut imaginer que les candidats recrutés en liste (A) choisissent leur affectation, par ordre de mérite. Mais le risque est de créer des déséquilibres au niveau local. Si l’on souhaitait maintenir davantage de localisme, au contraire, la commission nationale pourrait établir une liste des habilités (A+B+C) plus large que ce qui est proposé ici. Les commissions locales piocheraient dans cette liste pour leur recrutement. Mais dans ce cas, on perdrait les gains de temps. Enfin, pour donner plus de poids aux besoins locaux sans compromettre l’équilibre du dispositif, on peut également inverser la priorité de Gale-Shapley, en donnant plus d’importance aux classements des commissions locales et moins aux vœux des candidats.

Améliorations escomptées

  • garantir le statut national des universitaires et renforcer les libertés académiques des personnels recrutés : le statut national est garanti par un système unifié à l’échelle territoriale, mais il préserve aussi le principe de l’autonomie des universitaires par l’absence de pilotage ministériel. Il constitue une garantie de liberté académique et un garde-fou partiel contre les dérives du localisme.
  • mettre les recrutements à l’abri du clientélisme local : (1) il est impossible pour une commission locale de recruter un candidat local qui aura été éliminé au niveau national ; (2) il est impossible pour une commission locale de recruter un candidat local qui était en liste (C) au niveau national, s’il existe un candidat en liste (A) ou (B) qui veut le poste ; (3) noyauter le niveau national ne permet plus de préparer efficacement la nomination d’un candidat précis sur un poste local.
  • permettre les mutations et les rapprochements de conjoints: les mutations sont incorporées tout du long pour permettre, par exemple, les mutations croisées. Les candidats à la mutation, en liste (B), sont en compétition avec les candidats en liste (A) au niveau national mais ont priorité sur tous les autres.
  • éviter la chronophagie des recrutements: la claire séparation entre évaluation des qualités intrinsèques et évaluation de l’adéquation aux besoins locaux permet de diminuer drastiquement le nombre de dossiers, tant pour les évaluateurs que pour les candidats, tout en simplifiant leur évaluation. Concrètement, en 2020, on comptait 8 508 candidats pour 1 155 postes. Notre proposition aurait donc permis de diviser par 4 la charge des candidats et jurys d’un millier de commissions locales, soit des centaines de milliers d’heures de travail économisées.
  • garantir que les postes soient pourvus à la rentrée suivant la demande d’ouverture de la part de l’établissement : en 2020, 4,4 % des postes MCF n’ont pas été pourvus. En déplaçant la gestion de l’adéquation candidatures/postes au niveau national, et en obligeant les commissions locales à classer tous les admis, le problème des postes non pourvus est géré du mieux possible.
  • accroître la diversité des thèmes de recherche à l’échelle nationale et garantir la pérennité des disciplines et thématiques minoritaires : la concertation nationale sur l’ouverture des postes et le contingent national de postes permettent d’assurer que l’équilibre disciplinaire correspond aux besoins de la société, et ne néglige aucune discipline rare. Cette strate centrale est à la bonne position pour développer une stratégie scientifique nationale concertée.
  • respecter un équilibre de négociation entre la communauté des enseignants-chercheurs et les établissements : tout le processus est en réalité une négociation décentralisée entre les communautés disciplinaires et les établissements, chacun agissant à son juste niveau : entrée dans la profession pour les uns, adéquation aux besoins locaux pour les autres.
  • amortir les dérives propres à la mise en compétition des établissements : la compétition académique entre candidats est concentrée au niveau national, qui a des moyens de l’amortir. Les équipes scientifiques et pédagogiques n’ont plus à chercher le ou la « meilleure » dans l’absolu, juste la personne qui, dans un pool de candidats déjà recrutés, correspond le plus à ses besoins.
  • permettre aux candidats au primo-recrutement de s’informer en toute transparence : la publicité des auditions nationales et du rapport final offre la possibilité de se préparer en s’appuyant sur l’expérience des années précédentes ; les « profils » souvent cryptiques des fiches de poste actuelles sont remplacés par un cahier des charges national connu de tous, et la communication entre les candidats et les commissions locales et expressément encouragée lors de la phase d’affectation.

Annexe : algorithme d’affectation

La procédure d’affectation utilise deux fois l’algorithme de Gale-Shapley. La description de l’algorithme ci-dessous est virtuelle puisqu’il ne suppose l’intervention, ni des candidats, ni des commissions locales. Il se déroule automatiquement. De fait, les classements, qui sont les seules informations nécessaires à l’affectation, sont connus avant cette procédure. Lors de l’initialisation, chaque candidat reçoit l’affectation vide. En particulier, on considère que les candidats à la mutation ne sont pas initialement affectés au poste qu’ils sont susceptibles de quitter. Rappelons cependant que tout candidat à la mutation est classé premier sur le poste dont il est titulaire.

Dans un premier temps, seule la liste (A+B) des personnes à qui un poste est assuré, s’ils le souhaitent, est considérée. À chaque étape de l’algorithme, les candidats non encore affectés et qui n’ont pas épuisé leur liste de vœux se proposent (automatiquement) sur le poste qu’ils préfèrent parmi ceux auxquels ils ne se sont pas encore proposés ; chaque commission locale d’affectation, parmi les propositions qui lui sont faites (y compris celle qu’elle a peut-être temporairement acceptée précédemment), répond (virtuellement) « peut-être » au candidat qu’elle préfère et « non » à tous les autres. Après une étape sans proposition, l’algorithme se termine et les affectations temporaires deviennent définitives. Un candidat de la liste (A+B) non affecté, du fait qu’il a été refusé dans tous les établissements qu’il demandait, mais a refusé l’affectation dans certains établissements par une liste de vœux incomplète, n’est pas recruté.

Si les postes n’ont pas tous été affectés, on réitère l’algorithme sur la liste complémentaire (C) et l’ensemble des postes non encore affectés.