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« On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat. »

Albert Camus, L’État de siège (1948)

Candidatures à la présidence du CNRS

La présidence du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) est à pourvoir pour le 25 janvier prochain. Nous y avons vu une occasion d’ouvrir enfin le débat public autour de la politique de recherche qui a manqué lors de la phase préparatoire de la Loi de Programmation de la Recherche (LPR), dont les universitaires et les chercheurs actifs ont été exclus. Nous avons saisi cette opportunité de nous réapproprier nos métiers et nos institutions en appelant à des candidatures issues de la communauté scientifique

Notre appel a été entendu et Olivier Coutard, président de la Conférence des présidents de sections du Comité national du CNRS a déposé sa candidature. Nous conseillons vivement la lecture de sa déclaration d’intention.

Sur un tout autre plan, Camille Noûs, dont vous trouverez le CV ici, à également déposé sa candidature, qui a dûment été réceptionnée :

Nous remercions chaleureusement celles et ceux qui ont déposé leur contribution à une candidature collective, ce qui a donné lieu à un compte rendu dans le journal Le Monde, à l’occasion du 10ème anniversaire de sa rubrique Sciences.

Ces candidatures, bel et bien recevables, sont précieuses pour l’étape qui vient : exiger qu’un débat public ait lieu et qu’une procédure de désignation par les pairs soit mise en place. 

Nous proposons dès à présent aux candidats non-déclarés à ce jour, ainsi évidemment qu’à Olivier Coutard et à Antoine Petit, d’organiser une présentation contradictoire de leurs conceptions de l’organisation de la recherche, en public, avec retransmission en direct. Par ailleurs, nous demandons qu’un vote consultatif de la communauté académique ait lieu, comme on le fait pour les directions de laboratoires. Rappelons que le président de la société Max-Planck, principal organisme de recherche allemand, est directement élu par l’instance permanente représentative de la communauté.

Texte programmatique RogueESR dans la revue Mouvements

La revue Mouvements vient de publier un numéro sur les politiques éducatives. Dans ce cadre, elle a proposé à RogueESR de se plier à l’exercice d’un texte programmatique pour l’Université. Vous trouverez ce texte ici.

Association ou fonds de dotation pour la liberté académique

Il ne se passe pas une semaine sans que la liberté académique soit mise en cause. Un jour, c’est le président de la CPU qui entend liquider la liberté pédagogique : « cette idée de l’université où l’on enseigne ce que les enseignants ont décidé d’enseigner car c’est leur petit jardin secret, et qu’on décrète ce que doit être la formation, est révolue. » Un autre, une journée d’étude sur un accident industriel est annulée par un président d’université trois jours avant sa tenue. Un autre jour encore, c’est le déontologue du CNRS qui ignore le fondement de la liberté académique, pourtant constitutionnalisé, et entend la soumettre au bon vouloir de la bureaucratie du supérieur : comment déformer ce principe au point de laisser entendre qu’un universitaire ou un chercheur soit « soumis à une obligation de réserve qui a pour objet de l’inciter à observer une retenue dans l’expression de ses opinions, notamment politiques, sous peine de s’exposer à une sanction disciplinaire » ; comment sommes-nous passés de l’autonomie fondatrice de la science, de la libre critique de l’institution et de la nécessité d’une définition collective, par les pairs, de ses normes et de ses procédures, à l’idée de « parler de son administration dans des formes manifestant d’éventuels désaccords avec pondération » ? Dans la même veine, le directeur d’un établissement de recherche a inauguré un colloque sur la liberté académique en laissant entendre qu’il fallait la subordonner à la logique de marque : exiger des universitaires et des chercheurs une loyauté vis-à-vis de leur établissement, donc de sa bureaucratie. Le lendemain, une collègue historienne intervenant dans le même colloque se fait injurier sur Twitter par une députée européenne de la majorité, pour le contenu de son intervention qu’elle n’a pas pu entendre. Depuis des mois, les menées néo-maccarthystes se multiplient ainsi que les procès baillon qui  judiciarisent les débats scientifiques à des fins d’intimidation.

Nous pensons urgent, avant qu’il soit trop tard, de défendre la liberté académique et la liberté d’expression de manière générale, et de nous protéger collectivement contre ces attaques qui se multiplient. Deux modalités sont envisageables. Un fonds de dotation pour la liberté académique aurait l’intérêt de conduire à une réduction d’impôt des deux tiers des dons mais nécessite 15 000 € de don initial. Il s’agit d’un outil de mécénat qui permet de soutenir des projets d’intérêt général. C’est un organisme à but non lucratif, géré à titre bénévole, qui permet d’apporter des aides directes aux personnes et aux associations, sous la forme d’aide juridique, de bourses, de prix, et de subventions. Une faiblesse : ce sont les établissements qui sont supposés fournir une aide juridique aux universitaires et aux chercheurs dans le cadre de la protection fonctionnelle et il convient de ne pas abandonner ce terrain trop vite. L’autre possibilité est une association pour la liberté académique, qui a l’inconvénient symétrique de ne pas permettre aisément d’atteindre l’autonomie financière permettant d’apporter une aide concrète en cas de dérive politique.

Merci de nous indiquer dans ce questionnaire votre intérêt pour ces initiatives.

Comment ( 1 )

  1. Odile Camus
    L'auto-censure a déjà commencé. Et la libre circulation des discours de haine - qui, quant à eux, sont dotés de "force sociale" - prépare la légitimation des censures à venir. Je ne pense pas que la liberté académique sera attaquée frontalement ; mais toutes les conditions me semblent réunies pour qu'elle s'auto-détruise. Alors oui, prenons les devants.