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Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)

Premières analyses du texte

La loi de programmation pluriannuelle de la recherche, essentielle pour notre avenir, a été rédigée dans l’opacité la plus grande, après une phase de consultation étriquée. Le ministère n’a, à ce jour, pas souhaité dévoiler ce projet de loi à la communauté académique. Il s’est contenté d’une communication maladroite destinée à désamorcer le mouvement de réaffirmation de l’autonomie et de la responsabilité du monde savant qui se développe partout, des syndicats aux sociétés savantes, des laboratoires de biologie aux Facultés de droit et de science politique, en passant par toutes les disciplines des sciences humaines et sociales. De toutes parts monte un même appel à la création de postes pérennes, à des crédits récurrents, à une suppression de la bureaucratie et à une réinstitution des libertés académiques.

Nous en appelons au Président de la République pour que cessent cette conduite blessante de la réforme et cette gestion confuse et désordonnée de la rédaction de la loi. L’Université et la recherche méritent respect, éthique intellectuelle, transparence et intégrité, toutes valeurs qui fondent nos traditions académiques et que nous entendons défendre et incarner.

Nous produisons ici une première analyse de cette loi en traitant successivement de sa portée d’ensemble, du financement de la recherche, du statut des universitaires et des chercheurs et enfin de la question de l’évaluation, inséparable de celle des libertés académiques. Notre analyse repose principalement sur deux sources que nous confrontons : la version courte du projet de la loi, datée du 9 janvier 2020, et la communication de la ministre devant les nouveaux directeurs et directrices d’unités, le 4 février dernier. Les propos de Mme Vidal sont en contradiction manifeste avec le texte du projet de loi.

La ministre, pour lever les inquiétudes et apaiser les colères, défend une représentation irénique de la loi, visant à en réduire la portée : « Cette loi n’est pas une loi de programmation thématique ou une loi de structures. C’est une loi de programmation budgétaire. » Dans sa version du 9 janvier, le projet de loi se compose de cinq parties dont seule la première est budgétaire, alors que les quatre suivantes organisent des bouleversements structurels. Alors que la deuxième partie de la loi instaure la dérégulation des statuts des jeunes chercheurs et met à mal l’indépendance de la recherche en permettant de contourner le recrutement par les pairs, la troisième partie conforte l’évaluation punitive et l’injonction aux résultats pour toutes les formes de contractualisation. La quatrième partie comporte des dispositions sur le cumul d’activités visant, comme la loi sur les retraites, à accroître la porosité entre le secteur public et le secteur privé. La cinquième partie contient les autorisations à légiférer par ordonnance sur un ensemble de dérégulations qui vont du transfert au privé de prérogatives de l’enseignement public aux règles de fonctionnement des fondations de coopération scientifique, en passant par les modalités de recrutement des chercheurs et des universitaires. Il est à souligner qu’une version plus longue de la loi, postérieure à la version du 9 janvier, réintègre une partie des ordonnances du Titre V dans le texte de loi lui-même. Quels sont les arbitrages qui ont conduit la ministre à affirmer que la LPPR serait réduite à la seule question budgétaire (Titre I), en l’amputant de ses quatre autres parties, sans en informer ni la communauté universitaire ni les parlementaires ? Est-ce à dire que le reste de la loi fera l’objet de décrets, d’ordonnances, voire de simples dispositions réglementaires ? Le hiatus irresponsable entre la communication ministérielle et le texte du projet de loi peut-il être expliqué par le départ de Mme Vidal du ministère dans les mois qui viennent ?

En l’état, l’article 2 du projet de loi prévoit la programmation budgétaire pour 2021-2027, mais n’engage aucunement l’État au-delà de l’année budgétaire — dans le cas contraire, le Conseil d’État a rappelé que le projet serait inconstitutionnel. Cet article 2 propose de réaffecter une partie des sommes que l’État ne dépensera plus en cotisations pour les retraites en revalorisations indemnitaires — c’est-à-dire en primes plutôt qu’en revalorisation du point d’indice. Le salaire d’entrée d’un universitaire ou d’un chercheur est aujourd’hui, après reconstitution de carrière, de 1,8 SMIC en moyenne. Son salaire socialisé, qui comprend la cotisation de l’Etat pour sa retraite, baissera de 1,2 SMIC en 15 ans, comme prévu par l’article 18 de la loi sur les retraites. La revalorisation du salaire net à 2 SMIC ne restitue qu’une petite partie de cette somme (0,2 SMIC). La raréfaction des postes pérennes et la titularisation décalée de cinq à six ans, induite par les dispositifs de type tenure track, introduisent trouble et confusion dans l’annonce de revalorisation pour les futurs recrutés. Quant au soutien de base des laboratoires qui aurait désormais les faveurs de la ministre (« Nous avons besoin de soutien de base mais aussi de financement sur projet »), il est contredit par la loi : l’article 2 du projet de loi prévoit bien un accroissement des appels à projet, le budget de l’ANR étant augmenté par ponction dans les cotisations de retraites des universitaires et des chercheurs. Or la consultation en amont de la préparation de la loi a fait apparaître que neuf chercheurs et universitaires sur dix sont en faveur d’une augmentation des crédits récurrents et d’une limitation des appels à projet. Dans sa version du 9 janvier, la loi n’en tient nullement compte.

Le statut des personnels des universités et de la recherche est au cœur de la loi. Nous devons accorder la plus grande attention au fait que les Titres II à V traitent tous de cette question. La LPPR vise en priorité une modification profonde des métiers, des missions, des catégories et des statuts des personnels. Le point le plus sensible est dans le Titre V : les modalités de recrutement des enseignants-chercheurs seraient modifiées par ordonnance. Sont en jeu le caractère national des concours, le contournement du CNU et la part des recrutements locaux. Une telle disposition, qui revient à statuer sans aucun débat parlementaire – et plus encore sans aucune consultation des chercheurs et des universitaires eux-mêmes – s’apparenterait à un coup de force revenant sur une tradition de collégialité longue de huit siècles selon laquelle les universitaires sont recrutés par leurs pairs. L’AUREF elle-même (Alliance des universités de recherche et de formation) a cru utile de redire dans son communiqué du 31 janvier dernier « son attachement au statut national de l’enseignant-chercheur et à l’évaluation par les pairs ». Au lieu de garantir et de consolider les statuts et le cadre national des concours de recrutement, qui sont les garants fondamentaux de l’équité, de l’exigence et de la qualité de l’Université et de la recherche, le projet de loi multiplie les nouveaux statuts dérogatoires, au risque d’aggraver la précarité qui mine notre système. Ainsi l’article 4 du projet de loi instaure les chaires de professeur junior (tenure track) d’une durée de cinq ou six ans et introduit par là-même un contournement des recrutements sur des postes statutaires pérennes. L’article 5 révise le cadre juridique du contrat doctoral et l’article 6 prévoit un nouveau mode de recrutement échappant à la collégialité, aux statuts et aux droits associés : le « CDI de mission scientifique ». Par ailleurs, les articles 7 et 11 du projet de loi prévoient la dérégulation du cumul d’activités, permettant l’emploi par le secteur privé de salariés du public, hors de tout contrôle. Dérégulations et contractualisation ne peuvent avoir pour conséquence qu’une précarisation et une dépossession accrues des métiers de l’enseignement et de la recherche. Si l’on en croit la ministre, « la recherche française souffre d’une baisse de l’attractivité de ses carrières », mais la loi qu’elle conçoit ne fera qu’aggraver la situation, en sacrifiant une génération de jeunes chercheurs.

En initiant une candidature collective à la présidence du Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), nous avons ciblé avec justesse l’instance qui jouera un rôle cardinal dans la nouvelle architecture de l’ESR. Plus encore que la seule carrière des universitaires et les modifications statutaires, l’évaluation définira et structurera tout l’enseignement supérieur et la recherche. Toute contractualisation se fera avec une rétroaction de l’évaluation sur les moyens, amplifiant ainsi l’obligation de résultats quantitatifs. Les articles 8 à 10 instaurent un conditionnement fort des moyens alloués aux résultats obtenus : l’évaluation-sanction des laboratoires, des établissements et des formations (Hcéres), comme celle des chercheurs (ANR), deviendra la norme. Selon la ministre, « ce qui fait la spécificité de notre communauté, c’est d’être dans une compétition qui implique un travail d’équipe. C’est ce qu’on appelle “coopétition” — ce mot-valise qui mêle compétition et coopération — traduit bien l’émulation collective qui définit la recherche ». Non. Ce sont la collaboration fertile et la disputatio qui fondent la recherche. La compétition, quel que soit le nom par lequel on la désigne, dénature le travail des universitaires, accroît les inconduites scientifiques et met en difficulté les laboratoires, les composantes et les services. En outre, fondée presque exclusivement sur une pratique exacerbée de l’évaluation quantitative, elle favorise la reproduction, le conformisme, les situations de rente et les pouvoirs installés. La science a pour seule vocation la société qui la sollicite et pour seul objet l’inconnu qui est devant elle. Elle a besoin du temps long. Une loi de programmation qui la soumet à la seule concurrence, aux évaluations-sanctions permanentes et aux impératifs de rentabilité à court terme, la conduit à sa perte.

Dès lors, quel peut être l’avenir d’une telle loi ? A-t-elle même encore un avenir ? La défiance de la haute fonction publique et de la technostructure politique vis-à-vis des universitaires et des chercheurs a gâché l’occasion historique d’écrire enfin une loi de refondation d’une Université et d’une recherche à la hauteur des enjeux démocratique, climatique et égalitaire de notre temps.

Une telle loi impliquerait des mesures énergiques de refinancement, un grand nettoyage de la technostructure administrative accumulée depuis quinze ans et un retour aux sources de l’autonomie du monde savant et des libertés académiques. Ainsi que l’a fort bien dit le président du Sénat, M. Larcher, au sujet de la LPPR : « Il faut d’abord trouver un agenda, un contenu et des moyens, mais peut-être aussi une méthode d’approche. » De tout ceci le ministère s’est bien peu soucié, et c’est la communauté académique qui en paiera  le prix fort.  Nous devons tout recommencer.

Car, parmi les trois scénarios désormais envisageables, aucun n’est satisfaisant. Soit la loi ne comprendra in fine que la partie budgétaire et se concentrera sur la réaffectation d’une partie des cotisations de retraites que l’État ne versera plus. Soit elle sera retirée afin de soustraire un gouvernement très affaibli à une fronde des universitaires et des chercheurs qui, laissant leurs différences partisanes de côté, se montrent aujourd’hui prêts à réaffirmer les fondements de leurs métiers. Soit les réformes structurelles et statutaires passeront par des décrets, par des cavaliers législatifs et par des ordonnances, ou par une combinaison de ces trois voies. Ce serait le pire scénario, car il supprimerait toute occasion d’un débat public et contradictoire sur la politique de la recherche en France.

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La « soumission » de projet : bureaucratie, management et capital humain

À l’occasion de la candidature collective à la présidence de l’Hcéres, nous avons co-organisé avec Politique des sciences deux séminaires exceptionnels. Vous pouvez retrouver la vidéo du premier séminaire, ici :

Séance du 30 janvier 2020 : Que faire ? Analyse, critique, stratégie et tactique.

La captation sera prochainement découpée pour isoler les huit exposés. Vous avez été nombreux à nous demander les transparents de la présentation de F. Métivier, mettant en évidence que la production d’articles scientifiques ne dépend que de l’investissement budgétaire.

Séance du 6 février 2020 : La « soumission » de projet. Bureaucratie, management et capital humain.

Le second séminaire exceptionnel aura lieu à l’EHESS, le 6 février, de 17 à 21h, en salle 13, au 105 bd Raspail, à Paris. Il sera retransmis en direct.

Johan Giry, Défaire ou refaire l’autonomie scientifique ? Retour sur un conflit d’interprétations à propos de la genèse de l’Agence nationale de la recherche.

Béatrice Hibou, Chercher par projet: bureaucratisation néolibérale et liberté académique ?

Michel Feher, Facteur de production, entreprise, portefeuille : les métamorphoses du capital humain.

Johann Chapoutot,« Celui qui attribue un chiffre à des lettres est un con », ou comment le management saisit l’Université.

Interroger les fondements et l’efficace des dispositifs de financement et de recrutement qui affectent la manière de travailler des scientifiques, tel est le propos de la seconde séance de Politique des sciences, en partenariat avec RogueESR. Si les managers de la recherche, et avec eux certains scientifiques, ne semblent plus avoir pour horizon favorable de la recherche que d’augmenter le taux de sélection de l’Agence Nationale de la Recherche (l’ANR), c’est le signe qu’il faut remettre sur le métier ce qui semble aller de soi dans cette manière de concevoir la dite excellence scientifique.

À quel  moment est-il devenu évident que le projet devait être l’élément majeur de l’appréciation de la valeur des scientifiques, et la base légitime du financement de leurs recherches ? Comment peut-on accepter que notre métier soit le seul dans lequel, après de longue études et un processus de sélection étroit, on ne reçoive pas les moyens de l’exercer ?

Pour démêler ce que ces processus doivent aussi bien aux schèmes du New Public Management qu’à des théories qui se sont arrimées à autant de pratiques, on examinera à la fois une agence, l’ANR, des théories, celles du capital humain, des techniques de gestions et de contrôle, le management, et un processus, celui de la bureaucratisation néolibérale, qui tend à coloniser les subjectivités, dans la recherche et en dehors, avec parfois l’enthousiasme gourmand de ceux qui « soumissionnent ».

Pour recevoir les annonces, une fois par mois, du séminaire Politique des sciences, abonnez-vous à sa liste de diffusion.

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Que faire ? Analyse, critique, stratégie et tactique

Vous avez été 5418 à soutenir la candidature collective à la présidence du Hcéres, et près de 1 400 à effectivement envoyer votre dossier.

Il faut désormais faire pression sur le ministère pour obtenir une procédure d’évaluation transparente de ces candidatures, conforme aux exigences portées par le monde savant. Une opération symbolique de jet de rapports d’évaluation de toutes natures est organisée sur l’esplanade Vidal Naquet du campus de Paris Diderot (Paris 13ème), ce jeudi 30 janvier à 14h.

L’évènement sera à populariser par le hashtag: #BalanceTonRapport. Venez nombreux !

Jeudi 30 janvier, de 17 à 21h, en salle Lombard de l’EHESS (96 bd Raspail, à Paris), une séance exceptionnelle du séminaire Politique des Sciences est organisée. Elle sera consacrée à l’analyse stratégique de la situation. Vous trouverez les résumés des exposés ci-dessous.

Comment nous ressaisir collectivement de nos métiers ? Comment engendrer des transformations des institutions de recherche et de formation conformes aux exigences de la pensée scientifique ? Comment mettre fin à une période de reprise en main du monde savant et de précarisation ? Nous avons donc convié plusieurs collectifs et associations (AFS, ASES, Facs et labos en lutte, Groupe Jean-Pierre Vernant, RogueESR, Sauvons l’Université), ainsi que des figures du mouvement syndical, pour mettre en commun analyses, critiques et propositions stratégiques. QSF a décliné notre invitation. Il sera question de rassembler nos connaissances sur le projet de loi programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR), son calendrier et ses modalités d’adoption (cavaliers législatifs, ordonnances, 49.3, loi). Par ailleurs, la question se pose de déployer une réflexion collective qui se saisisse des problèmes réels du système d’enseignement supérieur et de recherche.

Johanna Siméant introduira le principe du séminaire Politique des sciences (PdS) et l’objet de cette séance particulière.

I. Analyses

Une perspective historique sur les problèmes de l’Université et de la recherche.

Bruno Andreotti, Université Paris 7

L’histoire ne fonctionne pas seulement comme un réservoir de possibles ; elle structure le présent et l’avenir. L’histoire sociale, politique et institutionnelle de l’Université permet de mettre à jour quelques problèmes globaux qui se posent à notre époque, ainsi que quelques particularismes du système français. Les institutions d’enseignement et de recherche français sont à bien des égards marquées par le modèle napoléonien, fondé sur le Lycée, sur le concours, sur des écoles professionnelles et sur la concentration parisienne. Pendant le même temps, en Allemagne, s’inventait l’Université moderne, humboldtienne, fondée sur la création, la transmission, la conservation et la critique des savoirs, ainsi que sur l’autonomie du savant vis-à-vis de tous les pouvoirs dont l’exercice  de la science dépend. Jamais, au cours du XXème siècle, le système universitaire n’a pu être réformé pour en finir avec l’archaïsme hérité du XIXème siècle (1793-1896). À partir des évolutions globales pendant les ères fordiste et néolibérale, je ferai l’hypothèse selon laquelle la spécificité du système français tient à l’incapacité de la communauté savante à constituer un « Nous » susceptible d’instituer un système d’Université et de recherche conforme aux aspirations d’autonomie, d’exigence et de liberté qui fondent la démarche scientifique, et répondant en responsabilité aux grandes crises qui frappent la société contemporaine.

Compétition scientifique internationale : on n’a que ce qu’on paye.

François Métivier, Université de Paris

Nous développons un modèle théorique simple, basé sur l’agrégation de fonctions individuelles de production de connaissances. Ce modèle prédit l’existence d’une loi de puissance stable, qui met en relation la part mondiale de la production scientifique d’un pays avec sa part mondiale d’investissement dans la recherche scientifique. Nous testons cette prédiction, en utilisant des données bibliométriques et financières pour les pays de l’OCDE, sur la période 1996-2015. Notre analyse montre que production et citation ne sont, au premier ordre, que le reflet de l’investissement financier qu’un pays consent à sa recherche.

Une perspective philosophique commune entre la LPPR et Parcoursup. 

Annabelle Allouch, pour l’ASES et Cédric Lomba, pour l’AFS

Malgré sa technicité apparente, la nature des mesures préconisées dans les trois rapports préparatoires (fin du CNU, mise en place de la modulation de service sans accord préalable, des tenure tracks, de CDI de projets, etc.) souligne à quel point il ne s’agit pas d’une réforme isolée, propre au fonctionnement de la recherche ou relevant du seul statut des enseignants-chercheurs. Elle s’inscrit au contraire dans la continuité de toutes les lois précédentes (LRU et ORE en tête) qui ont visé depuis maintenant plus de dix ans à réorganiser l’enseignement supérieur et la recherche et à faire, selon les mots d’Antoine Petit, PDG du CNRS, du darwinisme social et de la compétition de tous contre tous, le principe d’organisation majeur de nos professions, mais aussi comme fil conducteur des parcours de nos étudiant.e.s.

Car dans le cas du réagencement des modes de financement de la recherche comme dans la loi ORE, ce sont les inégalités qui sont érigées non pas comme un dysfonctionnement des services publics ouverts à tous et toutes, mais comme un instrument acceptable et revendiqué de régulation de l’enseignement supérieur et de la recherche.

À partir d’éléments empiriques tirés de recherches en cours sur le fonctionnement et les effets de Parcoursup (notamment mises en œuvre par l’Association des Sociologues de l’Enseignement Supérieur (ASES) et présentés lors des Etats Généraux de l’Association Française de Sociologie (AFS) en Août 2019, mais aussi sur les filières dites sélectives dans le supérieur français et à l’étranger (Grande-Bretagne/USA), on souhaiterait remettre en perspective les logiques institutionnelles de la LPPR (et ses conséquences sociales) et leur lien évident avec la loi de 2018 Orientation et Réussite des Étudiants.

Le calendrier de la LPPR.

Elie Haddad, EHESS-CRH

Il s’agira de faire le point sur ce que l’on sait du calendrier de la LPPR et sur les différents acteurs à l’oeuvre dans la préparation de cette réforme, sur leurs positions, tels qu’on peut les déterminer à travers les grandes orientations des rapports préliminaires à la LPPR remis en septembre à la ministre. Cela permettra de décrypter la stratégie de communication gouvernementale et les annonces faites par Frédérique Vidal ces derniers jours.

Échanges : 30 min.
Pause de 10 min.

II. Stratégies

Quelle stratégie et quelle tactique déployer pour éviter de reproduire les défaites passées ?

Pascal Maillard, Université de Strasbourg

Après quelques rappels théoriques sur le couple notionnel stratégie/tactique et le paradigme oppositionnel dans lequel il s’inscrit (théorie/pratique, pensée/action, temporalité longue/courte), je ferai l’hypothèse que les logiques d’échec des mouvements de lutte dans l’ESR reposent principalement sur trois facteurs :

  1. Des tactiques sans stratégie (spontanéisme, mouvementisme…) et des stratégies sans tactique (idéalisme naïf).
  2. Une méconnaissance des stratégies politiques et des tactiques des différents pouvoirs que les acteurs en lutte doivent affronter (présidences, technostructures, instances universitaires, CPU, ministère, médias…).
  3. Une hétérogénéité des acteurs de l’ESR en lutte (sociologie professionnelle), de leurs intérêts, de leurs objectifs  et de leurs modalités d’action.

Une brève analyse des forces et faiblesses du mouvement de 2009 soulignera le double écueil du refus de la radicalité et du syndrome syndical des fins de grève. Enfin quelques observations sur le mouvement en cours dans l’ESR (acteurs, nouveaux outils et nouvelles formes d’actions, diversité des objets de mobilisation, divergence des stratégies et des objectifs) se prolongeront par quelques questions ouvertes :

  1. Comment conduire une  guerre éclair » pour obtenir le retrait de réformes destructrices (mot d’ordre de 2009 : « L’Université s’arrête ») et œuvrer dans la durée à la reconception et à la (re)-construction de l’Université (exemple de L’Université volante) ?
  2. Quelles stratégies et tactiques inventer pour combattre les inerties et les ravages provoqués par les années post-LRU (individualisme, dépolitisation, servitude volontaire, management autoritaire, crise de la pensée critique…) qui ont conduit à ceci que les premiers agents de la destruction de l’ESR ont été certainement les universitaires eux-mêmes ?
  3. Constatant que l’une des spécificités du mouvement naissant est l’écart qu’il y a entre d’un côté « Fac et Labos en luttes », collectif qui fait de la lutte contre la précarité un axe central des combats à mener, et d’autre part l’expression des sociétés savantes, de directeurs de labos et de certaines organisations syndicales qui soutiennent le principe d’une Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche, une question qui se pose est de savoir comment fédérer des acteurs des mobilisations aussi hétérogènes et qui adoptent des formes d’action très différentes.
  4. Ce faisant, l’alternative Coordination nationale des universités / États généraux de l’ESR doit-elle déboucher sur une juxtaposition de ces formes hétérogènes ou bien être dépassée par l’invention d’un nouveau dispositif, à même de rassembler plus largement la communauté d’enseignement et de recherche ?
Le précédent des « États-Généraux » : risques et enjeux.

Jean-Louis Fournel, ENS de Lyon

Les différents moments où furent organisés des « états généraux » ou des « assises » ont en commun plusieurs choses. J’en évoquerai au moins six :

  1. poser le fait que les décisions finales seront fondées sur une consultation, voire sur une mobilisation, de l’ensemble de la communauté universitaire et de recherche, en dépassant le cadre des traditionnelles négociations avec les syndicats comme représentants officiels des collègues et donc en remettant en cause en partie la logique des corps intermédiaires.
  2. partir d’un constat partagé d’une nécessité de changements lourds dans l’ESR et donc d’une forme de crise ou d’insuffisance de l’existant
  3. faire à chaque fois le lien entre trois choses : des réformes d’ordre institutionnel, des revendications concernant le budget et l’emploi scientifique et, à un degré moindre, une réflexion plus large (ou plus vague) sur la place de la science et de la communauté scientifique dans la communauté nationale.
  4. poser comme horizon des décisions réglementaires fortes (en 2004) ou encore le vote d’une nouvelle loi (en prétendant, ou en faisant semblant de vouloir corriger une loi considérée comme dépassée – la loi Faure par exemple ne répondant plus aux logiques de massification de l’ESR – ou comme (tout ou partie) discutable – la loi LRU dont la critique était au coeur de la revendication ou de l’acceptation des assises en 2012 (mais qui est un cas d’école de retournement radical de la perspective de départ, la loi finalement voté ne faisant que renforcer les logiques de la loi précédente et configurant comme nous avons été nombreux et nombreuses à le dire une LRU 2).
  5. s’inscrire soit dans une logique d’alternance politique, supposée ou réelle ce n’est pas mon propos ici, comme en 1981 et 2012 (donc sur une réaction et une prise de position par rapport à la politique des gouvernements précédents), soit sur un mouvement des universitaires (2004 – en l’occurrence l’initiative des DU scientifiques et de l’ultimatum posé en janvier 2004 annonçant les démissions massives à venir faut de décisions sur les budgets, la politique des emplois scientifiques et l’ouverture d’un débat global sur la recherche). On remarquera en passant que si l’autre grand mouvement de l’ESR, celui de 2009, n’a pas donné lieu immédiatement à de telles rencontres (ce n’était pas d’ailleurs pas alors une de nos revendications claires, à tort ou à raison), on peut considérer que, probablement, sans le mouvement de 2009, le lancement des assises de l’ESR en 2012 n’aurait pas été une priorité.
  6. last but not least, laisser au gouvernement le soin de trancher en dernière instance ce qui sera fait et ne sera pas fait (ce qui en soi n’est pas problématique sur le plan institutionnel mais qui pose quand même un double problème d’adéquation des décisions aux préconisations des débats et d’absence de discussion / retour a posteriori du gouvernement auprès de la communauté pour débattre de ce degré d’adéquation).

Cette situation complexe est à l’origine de la plupart des illusions et des manoeuvres associées à ces moments singuliers de mobilisation et d’échanges. Elle explique par exemple et pêle-mêle sans hiérarchisation des questions :

  • une certaine confusion parfois entre positions institutionnelles (internes à l’ESR ou gouvernementales) et positions militantes – la constitution du comité d’initiatives et de propositions en 2004 en étant une illustration.
  • l’absence quasi totale de maîtrise par les mouvements de l’ESR du calendrier et du résultat final
  • la manipulation des revendications et des constats partageables conduisant à légitimer des décisions d’un autre ordre.
  • l’intervention, parallèlement aux travaux des rencontres citées, d’élaborations conçues dans d’autres espaces à savoir les cabinets ministériels (ce qui est attendu et même compréhensible) mais aussi et surtout la CPU qui dans les quinze dernières années a revendiqué, hélas avec succès, un statut différent, ce qui l’a conduit à inspirer et à co-porter les différentes réformes et a conduit la plupart des présidents à se présenter toujours moins comme des élus et donc des représentants d’une communauté universitaire et toujours plus comme des rouages d’un système de direction de l’ESR (ce que dans notre jargon nous nommons « managérial »).
  • le détournement de certaines propositions pour justifier des réformes systémiques dont les effets à long terme sont lourds pour l’ESR ; dans cette affaire, les deux exemples bien connus sont ceux de la création en 2006 des agences nationales dont la place et le rôle ne cessent de croître dans l’ESR (ce dont les textes préparatoires à la LPPR se font largement l’écho) : en effet, l’utilisation du discours sur l’intérêt d’une évaluation régulière de la recherche a étayé la création de l’AERES en 2006 et celui sur la nécessité d’une souplesse plus grande des financements pour la recherche a été utilisée pour la création de l’ANR, et donc pour légitimer le déséquilibre croissant entre crédits récurrents et crédits dépendant d’appels à projets ; mais on ne doit pas oublier l’acceptation voire la préconisation des pôles de recherche qui va déboucher sur les PRES, antichambre des COMUE et des fusions et de la logique des « masses critiques » et des classements internationaux. Ces détournements peuvent aussi prendre la forme d’une modification cosmétique et purement nominale pour faire semblant d’écouter les revendications les plus fortes (on pourrait citer le passage de l’AERES ou HCERES après les assises de 2012).
Une candidature collective à la présidence de l’HCERES, pour rompre la clôture du sens.

Laurence Giavarini, Université de Dijon

Par son ampleur (5418 participants dont 1 370 candidatures effectives) et son écho, la candidature collective à la présidence du HCERES a donné une visibilité et un sens remarquable à ce qui pouvait passer d’abord pour une « grosse blague » : réaffirmer les valeurs fondatrices du monde savant pour recréer un « Nous » et retourner humoristiquement ses propres armes contre la bureaucratie. Il s’agira d’expliciter la visée stratégique de cette action, en pointant les surprises et les bénéfices inattendus ou inespérés.

Comment poursuivre ce travail transpartisan de création et d’auto-institution d’un système d’enseignement et de recherche conforme non seulement aux aspirations de ceux qui exercent les métiers d’universitaires, de chercheurs comme des personnels techniques (Biatss, ITA, etc) mais capable de (re)politiser la profession et d’inventer les normes d’une recherche capable de répondre aux défis du présent et de l’avenir.

La coordination des 1 et 2 février.

Gilles Martinet, Mina Kleiche et Hugo Harari-Kermadec

Il s’agira de relater les expériences de Facs et labos en lutte, puis d’expliquer le principe et la visée stratégique de la Coordination Nationale qui se tiendra à la bourse du travail de Saint-Denis, les 1 et 2 février.

Échanges centrés sur les perspectives : 60 min.

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Prenons part à une présidence collective et collégiale du Hcéres

Au vu des menaces nouvelles qui pèsent sur le monde académique, nous avons pris la décision de réactiver RogueESR.

Le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR), en cours d’élaboration, devrait être rendu public à la mi-février, pour une adoption avant l’été, possiblement par cavaliers législatifs. Les rapports préliminaires[1] et les prises de positions[2] publiques confirment qu’il s’agira d’une loi qualifiée par le président du CNRS d’« inégalitaire » et de « darwinienne », mettant en œuvre une dérégulation des statuts des universitaires et des chercheurs.

La « concertation » préparatoire au projet de loi n’a apporté aucune réponse aux questions pressantes qui se posent à tous les universitaires et chercheurs actifs. Nous éprouvons aujourd’hui l’urgence d’ouvrir un débat public sur l’organisation de la recherche à partir de nos pratiques, de sorte à renouer avec des institutions qui soient au service d’une recherche libre et exigeante.

Pour initier ce processus de réappropriation et de réflexion sur nos métiers, nous présentons une candidature collective au poste de président de l’Hcéres.[3] Le conseiller Éducation, enseignement supérieur, recherche et innovation du président de la République, M. Coulhon,[4] s’est lui aussi porté candidat.

Notre lettre de motivation commune paraîtra dans en milieu de semaine prochaine dans Le Monde. Nous espérons que cette candidature collective, qui sera déposée autour du 20 janvier, réunira femmes et hommes, issus de toutes les disciplines, de tous les corps, précaires ou non, et appartenant à tous les établissements français. Nous sommes déjà 2 150 candidats déclarés et vous invitons à nous rejoindre.

Il ne s’agit pas d’une simple pétition, mais d’un engagement à ouvrir et porter le débat public auquel nous aspirons dans notre entourage professionnel, pour préparer de possibles états généraux au début du mois de février. Les modalités précises de la candidature collective suivront prochainement.

Les premiers participants à la candidature collective, dont la liste figure ici, en accord avec les membres de RogueESR.


[1] Rapports des groupes de travail en vue de la rédaction du projet de loi , et leur analyse.

[2] Texte d’Antoine Petit paru dans Les Échos et réaction de la communauté dans Le Monde.

[3]  Publication de l’appel à candidature au Journal Officiel.

[4] Thierry Coulhon a été l’un des instigateurs de la loi LRU en 2008, avant d’être en charge du programme de l’enseignement supérieur de la campagne électorale d’Emmanuel Macron.

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Leur tourner le dos ; s’occuper de nous

Suite à la pétition, signée par 12046 scientifiques, pour exiger la restitution des 300 postes au concours du CNRS en 2019, une délégation du collectif a été reçue à à l’Élysée, au siège du CNRS et au Ministère de l’ESRI.

50 postes rétablis au CNRS dès cette année, soit 5 millions d’euros par an : cette demande de RogueESR était si minime rapportée au budget d’une nation aussi riche que la France, si ridicule rapportée au 5,5 milliards annuels du Crédit Impôt « Recherche » (CIR), mais c’était déjà trop. Voilà ce qui ressort de nos multiples entretiens au sommet de l’Etat. Et ce n’est pas une « Loi de programmation pluriannuelle » — dont les contours sont encore tellement flous — qui changera l’affaire, bien au contraire.[1] Notre démarche aura au moins eu le mérite de montrer que la volonté politique d’en finir avec l’emploi scientifique pérenne est indiscutable : 300 postes au CNRS pour 2019, c’est niet, et aucun discours sur une prétendue volonté de « remettre la recherche au cœur de nos priorités »[2] ne pourra compenser cet état de faits. Et comme une confirmation sortait aujourd’hui même la liste des postes de maître de conférences ouverts au concours, avec un nombre misérable de postes.

Rappelons-le : 12046 membres de la communauté ESR ont signé la pétition que nous avions lancée le 2 décembre 2018. 12046 collègues partageant un objectif simple : dans l’urgence d’une crise de l’emploi scientifique, enjoindre le pouvoir à concéder ces postes, afin de se donner une petite bouffée d’oxygène. Ce souhait de rétablir les postes a donc été immédiatement déçu. « Ça pourrait être pire », a commenté Antoine Petit, PDG du CNRS, lors de notre entretien au siège de l’organisme. Le même nous a également indiqué « ne pas être sûr » que le combat que mène une partie de notre communauté contre le crédit impôt recherche (CIR) « soit le bon », et ne pas croire à une mobilisation d’ampleur de la communauté pour détricoter le dispositif. Pourtant, nos interlocuteurs s’accordent à reconnaître à mots pas si couverts que ça que le CIR n’est pas vraiment du budget recherche. Cette niche fiscale — car ce n’est pas autre chose — compte néanmoins dans le chiffrage (OCDE, UE) de la part du PIB français allouée à la recherche… Dernière étape de notre pèlerinage, notre visite au Ministère nous a également apporté son lot de surprises : Frédérique Vidal nous a annoncé sans ironie que « plus on se sentir[ait] misérables, moins cela marcher[ait] ». Oui, sachez-le chères et chers collègues, cette situation catastrophique, vous en êtes responsables « toutes et tous », comme nous l’a également martelé A. Petit. À croire que ces responsables n’ont aucune responsabilité…

Pour ces gens qui nous « pilotent », l’intérêt de déshabiller Pierre, est de pouvoir ensuite déshabiller Paul pour prétendre rhabiller le précédent, et ainsi de suite. Cela peut durer longtemps, puisque cela permet tout à la fois de fatiguer tout le monde, de consoler de la baisse du nombre de chercheurs en concédant un chouïa d’ITA en plus après dix ans de perte massive de postes, évidemment après avoir rajouté 300 financements doctoraux pour accroître l’armée de réserve, d’abonder un peu plus le budget de l’ANR quand la recherche se meurt de l’absence de crédits récurrents, de ponctionner les étudiants étrangers pour prétendre mieux les accueillir et préparer la suite, à savoir la généralisation de la dette étudiante. Et si des facs se mobilisent, cela finira de fragiliser les plus remuantes – bien fait. C’était écrit dans les Macron leaks, il fallait juste savoir où aller lire le programme. Même le PDG du CNRS ne sait plus convaincre un Premier ministre de l’importance de la recherche publique fondamentale, nous demandant ce que pourrait être un argument efficace… On serait au bord de mobiliser des vieilles citations de Lincoln, de celles qui servent à défendre l’alphabétisation, si on n’était déjà convaincus que finalement ces dirigeants préfèrent l’ignorance.

Nous avons échoué. Cela appelle une réflexion lucide. Les mobilisations en ligne montrent leur limite. Pour une pétition qui fait la différence, combien de milliers échouent dans l’indifférence et l’abattement ? Ne parlons même pas des tribunes. On s’use à force de signer ces lettres mortes.

Alors que reste-t-il à faire pour se préserver et s’auto-défendre ? D’abord, il nous faut tourner le dos à ces gens qui pensent que dialoguer, c’est les écouter soliloquer sur ce qu’ils imaginent être les mondes académiques et de la recherche. Habiter nos métiers, ceux qui permettent de dire le vrai sur le monde, et préserver l’intégrité de nos pratiques. Cultiver une éthique de la frugalité, l’éthique, aussi, d’une internationalisation alternative à celle qu’on nous propose, celle qui passe par autre chose que la mondialisation des guerres de palais académiques entre Pékin et Washington, par classements interposés. Préparer la suite sans doute aussi : continuer à tisser des liens, savoir comment mobiliser des ressources et pouvoir mettre en place des actions en cas d’urgence.

Pour le moment pourtant, nous interrompons les activités de RogueESR, parce qu’être les interlocuteurs de démolisseurs ne nous intéresse pas — et que d’autres seront capables de dire cette colère qui n’a pas vocation à s’émousser dans la tournée des ministères et des bureaucrates. Parce que, aussi, pour défendre un métier, il faut continuer à l’exercer en le faisant correspondre à ce qu’il doit rester : la recherche désintéressée, au sein d’une communauté dont il faut continuer à prendre soin. Nous saurons revenir, plus forts, si le moment se présente.

Bon courage aux jeunes chercheurs et aux thésards. Bon courage à nous tous.


[1] Poke les syndicats et la CPU : Frédérique Vidal préférant parler aux « vrais gens » (sic), ceux que l’on grand-débatise sans doute, vous ne siégerez pas dans les « groupes de travail » nommés par le ministère. Ce que vient de confirmer une dépêche de l’AEF, dans laquelle sont citées toutes les personnalités cooptées pour assurer l’anéantissement de notre milieu une bonne fois pour toutes.

[2] Déclaration de F. Vidal au Sénat.

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Politique de recherche : business as usual

Communiqué de presse du 1er février 2019

C’est peu dire que les espoirs de la communauté académique ont été douchés. À l’occasion de la première convention des directeurs et directrices de laboratoires du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) le premier ministre, M. Philippe, n’a pas annoncé de changement de politique, ni sur l’emploi scientifique, ni sur le Crédit d’Impôt Recherche, mais une loi de programmation pour la recherche pour… fin 2020. L’affirmation selon laquelle il y aurait eu augmentation de « 8% du budget de la recherche » en deux ans n’a pas manqué de nous surprendre, car elle ne correspond à aucune donnée tangible (voir l’annexe budgétaire rappelant les faits, ci-dessous). Le premier ministre a également annoncé la constitution de « groupes de travail », dont on sait qu’ils constituent l’ordinaire managérial pour faire co-produire les régressions par ceux qui les subissent, autour de trois axes :

  • Le « financement des projets scientifiques les plus ambitieux et les plus novateurs », c’est-à-dire l’accentuation de la politique de guichet, au détriment des crédits récurrents.
  • L’« attraction vers les carrières scientifiques des jeunes talents en offrant des parcours scientifiques compétitifs à l’échelle internationale », c’est-à-dire l’accentuation de la précarisation, de la dérégulation des statuts et de la baisse programmée de l’emploi scientifique pérenne.
  • Le « développement de la recherche partenariale entre public et privé, convertissant les résultats de recherche en innovation », c’est-à-dire l’accentuation d’un financement du privé par le public, comme c’est déjà le cas avec le CIR, et une incitation toujours plus pressante des personnels du CNRS à la création d’entreprise.

Le signal envoyé est clair, que résume bien cette phrase du premier ministre : « Choisir, c’est renoncer ». Il faut maintenant répondre à ce renoncement délibéré par une gradation des moyens d’action collective.

Budget : les faits

Le budget de l’Etat est organisé en missions et en programmes, dont les financements sont détaillés dans les annexes budgétaires (les « jaunes » et les « bleus »), qui font preuve. Le budget ministériel n’est pas un découpage pertinent. Nous donnons ci-dessous la réalité de l’évolution sur deux ans des budgets, les lignes pertinentes (les deux premières) étant la subvention pour charge de service public pour les recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires (première ligne) et les formations supérieures, la recherche universitaire et la vie universitaire (deuxième ligne). Le calcul d’inflation est basé sur les estimations de la Banque de France. Le Glissement Vieillesse Technicité (GVT), c’est-à-dire l’évolution mécanique des salaires induite par la démographie, n’a pas été soustrait, qui correspond à 0,7% du budget au CNRS (25 M€) et 1% de la subvention totale pour charge de service public. Par comparaison, le coût du Crédit d’Impôts Recherche, qui n’est pas connu avec précision, est autour de 6 milliards € / an, et le coût des 50 postes demandés par RogueESR, autour de 5 millions € /an…

Budget de l’enseignement supérieur et de la recherche en milliards d’euros

  2017 2018 2019 Variation apparente sur 2 ans Variation hors inflation sur 2 ans
Recherche hors Université (service public) 5,3 5,3 5,4 +2,2% -1,6%
Université (service public) 12,7 12.9 13,0 +2,1% -1,7%
Mission ESR 27,1 27,4 27,9 +3,0%> -0,9%
CNRS 3,3 3,4 3,5 +5,0% +1,2%
Budget MESRI 23,9 24,5 25,1 +5,0% +1,1%

Vous pouvez télécharger ce communiqué ici.

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Politique de recherche : les attentes de la communauté

Communiqué de presse du 31 janvier 2019

La première convention des directeurs et directrices de laboratoires du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) sera inaugurée ce 1er février à Paris par le premier ministre, M. Philippe, qui devrait y faire une série d’annonces sur la politique de recherche. À cette occasion, le collectif RogueESR rend publics les résultats d’une enquête menée auprès de la communauté académique, qui évalue la politique conduite jusqu’ici, en matière d’emploi scientifique.

Le questionnaire a reçu plus de 5 000 réponses en quelques jours. C’est deux fois plus que la consultation organisée par le Parlement sur ce sujet.

97% des répondant·e·s considèrent inacceptable, voire inadmissible, le refus du gouvernement de financer des postes de chercheuses et chercheurs alors que l’argent public finance le Crédit d’Impôt Recherche à hauteur de 6 milliards d’euros.

9 répondant·e·s sur 10 considèrent que la politique du gouvernement en matière d’emploi scientifique est plutôt mauvaise et que la diminution du nombre de postes mis au concours au CNRS est néfaste pour la recherche.

9 répondant·e·s sur 10 ont pu directement observer des situations de précarité dans l’exercice de leur métier.

Les réponses témoignent du désespoir de la communauté scientifique et de ses attentes : notamment le maintien des postes permanent ouverts au concours tel qu’exprimé par cette pétition. Dans le cas contraire, plus de 2 000 personnes se disent prêtes à une occupation du CNRS, et plus de 3 000 personnes sont prêtes à produire des expertises indépendantes sur l’utilisation du Crédit d’Impôt Recherche.

Télécharger ce communiqué de presse en PDF.

Résultats de l’enquête de RogueESR basée sur 5 085 réponses.

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Le gouvernement va-t-il tourner le dos à la recherche ?

Communiqué de presse du 17 janvier 2019

Le collectif de scientifiques RogueESR était reçu hier à l’Élysée suite à une pétition ayant rassemblé la signature de 12046 scientifiques. Le but de cette entrevue était de demander le rétablissement des 50 postes supprimés (sur un total de 300) au concours du CNRS en 2019. Cette demande n’a pour le moment pas été entendue. Le collectif doit néanmoins échanger avec la ministre F. Vidal, et le PDG du CNRS A. Petit sur ce sujet, dans les semaines qui viennent.

Vous trouverez ci-dessous le communiqué, que vous pouvez télécharger ici.

CP_17-01-19

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Exigeons le rétablissement des 300 postes mis au concours au CNRS

La recherche publique vit des jours difficiles, alors même que son importance pour la société demeure primordiale. À l’heure où nous sommes confrontés aux défis liés au changement climatique, tandis que les régimes démocratiques connaissent de profondes remises en causes, et alors qu’il s’agit d’être toujours plus vigilant face aux « fake news », jamais la nécessité de comprendre le monde de manière collective et désintéressée, et d’apporter des lumières sur ce qui nous menace n’a revêtu une telle urgence.

Pourtant, il est prévu de supprimer 340 postes de titulaires au CNRS d’ici 2022 qui s’ajouteront aux 1 581 déjà supprimés depuis 2005.

Nous ne pouvons rester silencieux devant ce défaut d’investissement dans la recherche, devant le sacrifice d’une génération de jeunes chercheurs et devant la perte de compétences et d’attractivité annoncés de notre système de recherche. Il nous faut exiger le soutien à la recherche fondamentale. Il nous faut aujourd’hui nous mobiliser à nouveau. L’actualité budgétaire nous en donne l’occasion : pour le concours 2019 du CNRS, il est annoncé que seulement 250 postes seront ouverts, contre 300 l’an dernier (-17%) et les années précédentes. Les responsables de section du cnrs viennent de donner l’alarme sur la situation, par un texte publié dans Le Monde et il appartient à chaque chercheur, à chaque universitaire, à chaque étudiant, à chaque citoyen de les soutenir.

Défendre le CNRS, c’est participer à la défense plus générale de l’enseignement supérieur et la recherche publique en France, c’est agir en faveur de la production et la diffusion de connaissances auprès du plus grand nombre.

Pétition pour exiger le rétablissement des 50 postes supprimés cette année, à signer ici.

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Organiser la résistance du monde universitaire et de la recherche

Des universitaires ont publié le 26 avril une tribune dans Le Monde invitant à soutenir le candidat d’« En Marche ! » Nous, salarié·e·s de l’enseignement supérieur et de la recherche, souhaitons répondre à ce texte par la tribune qui suit. Sa portée s’appréciera par le nombre de signataires : 1 588 depuis le 28 avril 2017. Ce texte a également vocation à nous rassembler pour organiser la résistance du monde universitaire et de la recherche face aux années difficiles qui s’annoncent.

Nous voterons Macron mais combattons son « projet » pour l’enseignement supérieur et la recherche

Nous qui travaillons dans l’enseignement supérieur et la recherche, nous tenons à nous désolidariser d’une tribune parue dans Le Monde, intitulée « Nous, universitaires et chercheurs, tenons à manifester notre soutien à Emmanuel Macron ». En surfant sur la vague de la « Marche pour les sciences » et sous couvert de front républicain, ce texte veut faire croire que la vision libérale de M. Macron est soutenue par une large communauté dans le monde universitaire et scientifique. La réalité est moins glorieuse : les 45 signataires, pour la majorité professeurs des universités, sont peu représentatifs de la diversité des disciplines et surtout des personnels qui font vivre l’université et les instituts de recherche. C’est donc l’occasion de remettre les points sur les i.

À l’université, dans la recherche : non au fascisme

Soyons clairs dès le début. Le résultat du premier tour des élections présidentielles a été pour nous un choc : celui de voir Marine Le Pen recueillir 21,30 % des voix sans que cela n’étonne qui que ce soit. Au second tour, nous avons décidé de voter E. Macron contre M. Le Pen, car le risque est trop grand de voir cette dernière l’emporter et imposer sa politique extrême-droitière qui affectera immédiatement les plus vulnérables, dont beaucoup n’ont pas la chance de voter. Le front national – et le fascisme de manière générale – reste notre principal adversaire. Nous voterons E. Macron, mais en étant conscients que ce « barrage » que nous contribuerons à former aura pour conséquence l’application d’une politique libérale qui contribuera à l’accroissement des inégalités et pourrait servir de marchepied au Front national pour continuer sa percée à brève échéance.

Si nous prenons position aujourd’hui, ce n’est pas tant pour dénoncer les attaques annoncées par E. Macron contre notre système de protection sociale ou contre le droit du travail, au nom de la « libéra[lisa]tion des énergies », ce n’est pas tant pour souligner la fragilisation à venir des classes populaires au bénéfice des possédants, que pour revenir sur ce que nous propose entre les lignes son programme dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il ne s’agit pas ici de défendre de simples intérêts sectoriels, puisque – et c’est le candidat d’« En marche ! » qui le dit lui-même, ou à tout le moins ses conseillers en la matière – « l’éducation et la culture » sont « la condition de notre cohésion nationale », et en tant que telles constitueront son « premier chantier ». Chantier, c’est bien le mot.

Universités : l’illusion de l’autonomie et de « l’excellence »

Macron l’a dit et redit : il veut accroître « l’autonomie des universités », poursuivant ainsi la politique initiée par Nicolas Sarkozy et continuée sous le quinquennat de François Hollande. Mais attendez, « autonomie » ? Mais pourquoi pas ? N’est-ce pas une valeur noble que chaque universitaire devrait chérir ? Que l’on ne s’y trompe pas néanmoins : l’autonomie mise en place sous Sarkozy a d’abord été de pair avec un appauvrissement des universités qui doivent faire face à une hausse mécanique – due à l’ancienneté – de leur masse salariale dont elles ont désormais la charge, sans hausse de leurs ressources propres. Dans le même temps, les effectifs étudiants, eux, n’ont cessé d’augmenter. De « faillites » budgétaires en faillites morales, les signes d’une lente déréliction sont tangibles, et nourrissent la chronique ordinaire de l’université. Le 7 avril dernier, le conseil d’administration de l’Université d’Orléans annonçait par exemple un gel de postes (enseignants et administratifs, bibliothécaires, agents de santé) ainsi qu’un risque de défaut de paiement des salaires pour juin 2018. Le 21 avril, l’université de Grenoble déclarait quant à elle la suppression de dix mille heures d’enseignements et d’une centaine d’emplois pour combler son déficit. Ces contraintes budgétaires décrétées sous couvert d’autonomie ont des conséquences terribles sur les conditions de travail et d’enseignement des enseignants-chercheurs, des personnels techniques et administratifs et des étudiants : outre la dégradation des locaux, des bâtiments vétustes aux amphis usés, le manque de moyens entraîne de nombreux burn out chez les personnels dont la charge de travail ne cesse d’augmenter.

Tout cela est connu, a été patiemment diagnostiqué dans d’innombrables rapports, des mobilisations ont eu lieu, organisées par les salariés contractuels et par les permanents ; mais néanmoins, E. Macron, n’a annoncé aucune revalorisation substantielle et nécessaire des budgets. Surtout, il propose d’approfondir cette patiente destruction de l’université qui s’est engagée depuis des décennies, et s’est accélérée ces dernières années. Accroître l’autonomie fantasmée par les chantres de l’université harvardisée ou MITisée (sans le budget considérable ni le prestige, cela va sans dire), c’est aussi du même coup accentuer la concurrence darwinienne entre les établissements, et la division brutale entre les universités dites d’« excellence » – qui, grâce au financement par appels à projets, recevront la majorité des crédits – et les autres, qui devront faire face à une véritable pénurie de moyens et s’assumer comme appartenant à une seconde division universitaire. Le vocabulaire macroniste est truffé de ces termes empruntés au néo-management : excellence, performance, compétitivité, innovation, défi, gouvernance par les plateformes… Si cette novlangue euphémise l’âpreté des luttes dans la cité scientifique, elle masque surtout l’inanité d’un projet politique pour l’enseignement supérieur et la recherche fondé sur la concurrence effrénée des établissements entre eux et la justification des réductions budgétaires.

Loin d’offrir « les mêmes chances pour tous nos enfants », comme le promet E. Macron sans y regarder de près, cette stratégie de courte vue contribuera encore à amplifier les inégalités sociales face à l’éducation et la formation. Ce n’est sans doute pas la proposition d’élargir les heures d’ouverture des bibliothèques qui permettra d’endiguer ce phénomène… Et quand bien même elles seraient ouvertes, sans plus de moyens pour y entreposer les nouvelles acquisitions de livres – doit-on rappeler que les coupes ont été désastreuses sur ces postes ? –, à quoi bon y étudier jusqu’à pas d’heure si les collections ne sont pas à jour ? De plus, n’est-il pas malhonnête et cynique de « vendre » aux étudiants des horaires plus étendus comme horizon d’une « modernisation » tout en imposant ces horaires aux bibliothécaires, et ainsi rejouer la lutte des classes au sein de la communauté universitaire ? Mais ce n’est pas tout. E. Macron entend accélérer la privatisation de l’enseignement supérieur. C’est patent lorsqu’il déclare vouloir diversifier les sources de financement, en « facilitant les possibilités de création de filiales universitaires, les capacités d’emprunt des universités ou encore les partenariats public-privé ». La « disruption » à tout va promet de sévir sur les ruines d’un milieu universitaire déjà lourdement endommagé par les réformes antérieures.

Recherche : l’indigence d’un pseudo programme

On aura beau jeu de nous objecter que M. Macron n’est pas la caricature que nous croquons. Profitant de l’écho mondial du mouvement citoyen la « Marche pour les sciences », le candidat n’a pas hésité à lancer un court appel vidéo tweeté aux scientifiques du monde entier – en particulier les « American researchers, entrepreneurs, engineers working on climate change » –, les invitant à venir se réfugier en France, « la patrie de l’innovation, de la recherche, du futur » pour faire de la France le « leader mondial de la recherche sur le réchauffement climatique ». Comme si ce n’était pas déjà le cas avec plusieurs scientifiques occupant des rôles majeurs au sein du GIEC en particulier, comme si également c’était une compétition sportive pour restaurer ce qu’il demeure d’influence française sur la scène diplomatique mondiale. Parce que le « programme » en matière de recherche (y compris sur le climat) du candidat est proprement indigent, il est difficile de ne pas interpréter cette prise de position comme relevant de la récupération opportuniste. Ces propos à l’emporte-pièce sont d’autant plus insupportables si l’on considère la difficulté structurelle dans laquelle se trouvent les jeunes enseignants-chercheurs et chercheurs en quête d’un poste titulaire dans la patrie de Pasteur. Sans même parler de l’irréalisme qui consiste à faire croire que l’on pourrait héberger les collègues étasuniens très bien payés et leurs programmes substantiellement financés dans les établissements français qui peinent à boucler leur budget de fonctionnement et à payer leurs factures de téléphone. En réponse à ces difficultés, bien réelles, l’ébauche de programme « recherche » de M. Macron n’apporte que des slogans mais aucune solution concrète. En fin de compte, la seule volonté claire qui ressort de la communication de campagne du candidat est celle de mettre la recherche au service de « l’innovation, [car elle est] la clé de la compétitivité et de la croissance ». Cette vision étriquée et court-termiste, épuisée jusqu’à l’os depuis le début des années 2000, trahit une méconnaissance profonde des activités de recherche. Elle l’assujettit à un utilitarisme atrophiant, elle mine l’autonomie intellectuelle. Non, le chercheur-entrepreneur qui rêve devenir milliardaire n’est pas la panacée. Non, la Silicon Valley n’est pas l’horizon indépassable de l’Humanité. Non, la science n’est pas une entreprise et la connaissance une marchandise à échanger sur des marchés. La science en actions boursières : non, non et non.

Nous sommes rogueESR

Parce qu’il est nécessaire de résister contre cette « modernisation » en trompe-l’œil, il ne faut pas s’en tenir à l’exercice de la vigilance en pantoufles, en attendant la prochaine « alternance » — qui pourrait s’avérer fatale. RogueESR s’inspire de la stratégie de rébellion expérimentée par les scientifiques étasuniens contre la mise au pas des mondes académiques. Contrer le FN est une priorité à court terme, et voter E. Macron c’est d’abord voter contre Le Pen. Nous espérons pour cela que le candidat d’« En marche ! » l’emportera le 7 mai prochain. Néanmoins, nous nous emploierons ensuite à lutter — par les mots, dans les urnes et dans la rue s’il le faut — contre son embryon de « programme » pour l’ESR, mais aussi contre les inégalités qui font les affaires du FN, et à proposer des alternatives.

Liste des 1 588 signataires