Cinquante propositions pour l’Université et la recherche

Nous vous invitons à prendre connaissance ci-dessous des cinquante propositions programmatiques en vue des présidentielles 2022, visant à ce que la communauté académique, au sens large, fixe elle-même les priorités pour l’enseignement supérieur et la recherche.

Les graphes offrent un premier aperçu de l’adhésion que chacune d’elle a rencontrée lors de la consultation débutée fin juin. Les appréciations s’échelonnent entre 0 (« surtout pas ») et 5 (« proposition essentielle »). Les propositions les plus soutenues feront l’objet d’un chiffrage budgétaire rigoureux puis seront portées auprès des candidats et de leurs partis. Les candidats seront alors invités à prendre position sur ces propositions issues de la communauté scientifique.


A. Libertés académiques, autonomie et responsabilité de l’Université et de la recherche

1 — Garantir juridiquement l’autonomie des universitaires et des chercheurs vis-à-vis des pouvoirs politique, économique et religieux

Le principe d’indépendance de la recherche et de l’enseignement figure dans le bloc de constitutionnalité par le biais de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. Les remises en cause récentes de la liberté académique par le pouvoir politique, le dévoiement de cette notion dans le débat public mais aussi l’érosion de son contenu concret et positif sous l’effet des réformes de ces vingt dernières années, sont le signal de l’insuffisance de cette garantie jurisprudentielle. Le principe d’indépendance qui constitue le socle de la liberté académique doit donc faire l’objet d’une définition en droit positif, qui soit intégrée au bloc de constitutionnalité. Cette garantie juridique devra apporter aux universitaires et chercheurs une protection comparable à celle dont doivent bénéficier les lanceurs d’alerte. Elle ne saurait en outre être séparée de garanties statutaires et salariales, faisant à nouveau de l’emploi titulaire la norme des métiers de l’Université.

2 — Redéfinir les principes de l’Université et de la recherche

Les principes de l’Université et de la recherche dans le Code de l’Éducation et le Code de la Recherche doivent être redéfinis à partir du double principe d’autonomie et de responsabilité devant la société et de sa fonction première : créer, transmettre, conserver et critiquer les savoirs. L’Université, au sens large incluant la recherche, suppose une interrogation illimitée qui ne prend aucune fin pratique et monnayable comme préalable et qui se remet elle-même en cause par la dispute entre pairs. L’activité scientifique et universitaire repose sur un questionnement endogène et vise à créer le savoir comme un commun de la connaissance, qu’aucun intérêt particulier ne peut s’approprier. Il en découle un principe d’autonomie vis-à-vis de tous les pouvoirs, religieux, économiques et politiques. En particulier, l’Université vise à constituer des individus autonomes, en prise sur un monde qu’ils tentent de comprendre, et capables d’investir et réinventer les imaginaires sociaux. Les missions légales de l’Université doivent donc faire expressément référence à l’intérêt général et accorder une place plus juste à l’émancipation citoyenne, afin d’affronter la triple crise à laquelle nous faisons face : crise démocratique, crise écologique, crise sociale. Ces missions officielles doivent notamment inclure la diffusion large des résultats de recherches, le devoir d’alerte et d’explicitation des enjeux et des impacts possibles des recherches menées.

3 — Redéfinir les missions de l’Université et de la recherche

Les missions de l’Université et de la recherche dans le Code de l’Éducation et le Code de la Recherche doivent être redéfinies à partir du double principe d’autonomie et de responsabilité devant la société. Les politiques universitaires et scientifiques des gouvernements successifs reposent sur le principe d’un lien entre formation supérieure, qualification, innovation et emploi, issu de l’ère fordiste. Cette association est devenue intenable, et a conduit à une « crise de l’Université » dont il faut sortir en redéfinissant les missions de cette institution conformément à un projet de société. L’urgence environnementale impose de revoir les modes de production et de création de valeur ; les mutations économiques modifient les besoins de main-d’oeuvre et induisent un chômage structurel de masse et une désindustrialisation ; la crise démocratique, enfin, est alimentée par une stagnation éducative, dans un contexte où la maîtrise de l’information scientifique et technique devient pourtant de plus en plus cruciale pour le contrôle de nos vies. Ces nouveaux besoins rendent nécessaire une refondation institutionnelle, par la voie législative, conformément à des missions modifiées pour affronter les défis qui se posent à notre société. Une réorganisation humaine, budgétaire et administrative doit être entreprise à partir de ces missions : fonctionnement en réseau, modes de financement incitant à la coopération, création d’établissements expérimentaux, garanties statutaires et matérielles d’autonomie académique et étudiante.

4 — Libérer la recherche de l’influence des bailleurs de fonds

La raréfaction des financements publics de la recherche compromet son indépendance dans la définition des questions de recherche et la conduite même des études. En l’absence de ressources raisonnablement fournies par les institutions de tutelle ou les organismes de financement nationaux et européens, un nombre toujours croissant de travaux de recherche devient dépendant d’appels aux fonds privés d’origines diverses (AXA, Bayer, Huawei, Total, Gates, etc.), et parfois de fondations d’inspiration religieuse et spiritualiste telles que la Fondation Templeton, au risque de redessiner les contours des problématiques de recherche dans certains domaines. En effet, si le contrat implicite et souvent inaperçu spécifie que le prestige du chercheur vient renforcer la légitimité de la fondation donatrice, il s’ensuit également une déviation thématique du contenu de la recherche fondamentale : le simple fait de financer telles recherches et non d’autres constitue déjà une détermination extrinsèque de l’allocation des ressources cognitives des chercheurs. Il s’agit donc d’un détournement du cours de la recherche vers, éventuellement, des objets d’étude plus conciliants que d’autres envers des dogmes religieux, des idéologies politiques ou des intérêts industriels. Seule la généralisation d’un financement pérenne par laboratoire et par chercheur pourra affaiblir l’emprise de ces fondations aux visées hétéronomes. Par ailleurs, la législation devra limiter dans chaque domaine la portion de recherches ainsi finançables, en tenant également compte pour les recherches collaboratives de la part déjà financée à l’étranger par lesdites fondations.

B. Une politique réticulaire d’aménagement du territoire

5 — Réorganiser l’Université et la recherche par réticulation plutôt que par concentration, selon un modèle polycentrique

La « politique d’excellence » a consisté à ne donner les moyens de travailler qu’à une fraction de la communauté académique, définie par quotas. Cette politique a engendré le décrochage qu’elle prétendait juguler : la concentration des moyens dans quelques pôles est une absurdité géographique, économique et scientifique. La fragmentation du paysage universitaire, combinée à l’« autonomie » budgétaire, est préjudiciable à la diversité de l’enseignement et de la recherche, et au lien fondamental qui unit ces deux activités. La réorganisation de l’Université (entendue comme enseignement supérieur et recherche) doit se faire en orientant les flux humains et budgétaires selon un modèle polycentrique fondé sur deux organisations duales : des établissements universitaires en charge de la gestion administrative quotidienne, et un nouveau type d’institution, des réseaux thématiques ou géographiques. Ces réseaux seront les porteurs, aussi bien en enseignement qu’en recherche, de collaborations ne laissant personne sur le côté. Ils organiseront les circulations des idées, des universitaires, des chercheurs et des étudiants. Le pilotage des politiques de recherche et de formation doit être retiré aux établissements et confié à ces réseaux thématiques, qui doivent être astreints à une obligation de péréquation territoriale. Cette architecture établissements/réseaux suppose un investissement pour recruter universitaires, chercheurs et personnels de soutien et d’appui en cohérence avec le maillage scientifique. D’un point de vue matériel et immobilier, l’investissement portera sur les infrastructures numériques et immobilières pensées pour favoriser l’émergence de ce modèle polycentrique. Les réseaux constitueront l’ossature articulant les établissements publics à caractère scientifique et technologique aux établissements universitaires.

6 — Créer cinq universités expérimentales dans des villes de taille moyenne

Retrouver une ambition d’émancipation intellectuelle pour la jeunesse demande de lancer au plus vite la construction de cinq établissements universitaires expérimentaux de taille moyenne, réparties à travers le territoire et installées dans des villes moyennes disposant déjà de locaux vacants appartenant à l’État. Ces établissements devront être dotés de résidences universitaires en quantité importante, intégrées dans le tissu urbain. L’objectif n’est pas de construire des « universités de proximité » destinées à absorber le choc démographique, mais d’inventer des espaces inaugurant un nouveau rapport de l’Université à la ville : intégration urbanistique, présence de tiers lieux dévolus aux sciences participatives, programmes d’éducation populaire et de coopérations scientifiques et artistiques… Ces nouveaux campus doivent aussi inclure des havres de sociabilité étudiante, des programmes disciplinaires et interdisciplinaires neufs et une formation scientifique de pointe pour toutes et tous, à même d’irriguer le système universitaire français, voire européen.

7 — Rénover l’immobilier universitaire

Le parc immobilier universitaire et scientifique est vétuste : passoires thermiques, locaux dégradés, ventilation déficiente, faible accessibilité aux personnes handicapées… L’investissement planifié doit être une occasion de développer de nouvelles techniques de rénovation, d’isolation thermique, de qualité de l’air et de qualité de vie étudiante. La doctrine des universités « de proximité », fondée sur l’idée d’un hébergement des étudiantes et des étudiants dans leurs familles, n’a pas tenu ses promesses. L’émancipation suppose de sortir de son milieu familial, pour vivre une vie d’étudiant. Il faut dès aujourd’hui programmer des logements universitaires inscrits dans le paysage urbain, accessibles financièrement et environnés de lieux de vie culturelle, associative et festive, plutôt que les actuels blocs d’immeubles disséminés dans des campus excentrés. Cela passe aussi par la création de tiers-lieux d’expérimentation, d’espaces de création artistique et d’éducation populaire ouverts sur la ville et de nouvelles bibliothèques mixtes, à la fois municipales et universitaires. Ces quartiers à remodeler doivent être l’occasion d’expérimentations architecturales associant urbanisme démocratique, audace artistique et techniques adaptées aux défis énergétique, environnemental et climatique.

8 — Investir dans l’environnement culturel, sanitaire et social de l’Université

L’Université (recherche incluse) ne pourra retrouver son caractère émancipateur qu’à la condition de faire vivre des espaces de coopération, d’écoute et d’accueil pour l’ensemble de ceux qui la constituent. Ce plan doit comprendre trois volets : un programme d’investissement, une action réglementaire et une politique de réaménagement des locaux. Il est nécessaire d’investir pour garantir la permanence des soins sur les campus, qui sont trop souvent devenus des déserts médicaux. Il convient également d’augmenter les capacités des dispositifs de prévention de la précarité sanitaire, de la souffrance psychologique et des violences sexistes et racistes. Au plan réglementaire, cela demande de recruter des fonctionnaires à temps plein dans les services de santé des campus et établissements, et de mettre en place des dispositifs de suivi des conditions de travail strictement indépendants des bureaucraties locales, afin de pouvoir prononcer des sanctions dissuasives contre les abus de tous ordres, au terme d’une procédure de signalement simplifiée. Enfin, la prise en compte de la démographie universitaire dans la carte sanitaire doit faire partie intégrante d’un plan de réorganisation urbanistique qui transforme les campus en espace de vie sociale ouverts et intégrés à la cité : cela inclut la mise en place de crèches et le cas échéant d’écoles maternelles bénéficiant aussi aux habitants des quartiers environnants dans la ville, ainsi qu’un maillage dense de maisons de santé et de pharmacies ouvertes à tous.

C. Le financement la recherche pour l’intérêt général et le long terme

9 — Allouer l’essentiel des moyens de la recherche fondamentale de manière récurrente, selon une grille disciplinaire

Le système de financements par appels à projets a tiré la science française vers le bas : en généralisant le recours à des moyens non-pérennes, il favorise les effets de mode, et contribue à l’augmentation des inconduites scientifiques. Il met en compétition à tous les niveaux des scientifiques et des structures de recherche dont l’intérêt serait de coopérer et de travailler en synergie. Il institutionnalise une précarité préjudiciable à la recherche de la vérité. Nous proposons de remplacer les agences de moyens par un système fondé sur l’octroi d’une dotation budgétaire par tête (esquisse formulée ici). En 2021, le milliard de l’ANR aurait permis une dotation de 15 k€ par chercheur titulaire (équivalent temps plein). Cette dotation individuelle devrait être allouée selon une grille disciplinaire adaptée à la diversité des besoins, à partir d’une enveloppe globale augmentée. Une fraction de cette dotation sera socialisée dans une banque de moyens administrée par les pairs, afin de financer les projets de coopération réticulaires.

10 — Créer des réseaux de recherche thématiques et une banque de moyens

L’organisation de la recherche, pour juguler le décrochage scientifique engendré par 20 ans de « réformes », doit être repensée à partir de l’idée de fructification de l’écosystème scientifique. Pour favoriser l’exigence, l’intégrité et l’originalité des travaux, il convient de favoriser l’entraide et la dispute entre pairs, la circulation des idées, la diversité. Le modèle des établissements-marque en concurrence a eu un effet destructeur sur l’éco-système français. Il faut donc un nouveau type d’institutions, le réseau universitaire, au sein duquel chacun est tenu responsable de la qualité de la production du réseau entier, sans que quiconque soit laissé au bord du chemin. Le second levier consiste à donner le contrôle des clés de répartition des moyens à la communauté des chercheurs eux-mêmes, en leur permettant toutes sortes d’opérations bancaires: l’épargne, le prêt, la mise en commun, etc.

11 — Renouer avec de grands programmes de recherche au service de l’intérêt général

La programmation des grands projets de recherche est régie par des mécanismes opaques et clientélistes, soumise à des effets de mode et capturée par des intérêts privés. Le financement récurrent doit redevenir la norme pour la recherche et l’Université, mais il convient aussi de prévoir les modalités de répartition des crédits supplémentaires dont bénéficieront les thématiques et programmes jugés prioritaires pour la collectivité. Ces priorités devront être fixées au terme d’un débat démocratique informé entre le corps civique, ses représentants et la communauté scientifique. Plusieurs modalités d’intervention sont possibles. Une convention de citoyens, inscrite dans la loi, organisée dans le respect d’une méthodologie rigoureuse et bénéficiant d’une formation pluraliste et contradictoire, pourrait ainsi proposer des thèmes prioritaires de recherche dotés de budgets spécifiques. Des conventions thématiques pourraient également être convoquées par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, associant scientifiques, associations et parlementaires, pour assurer un suivi public des programmes prioritaires. Ces domaines pourraient recouvrir par exemple les questions d’énergie, la transition écologique, les questions démographiques, la santé ou toute recherche sollicitée par la société qui fasse sens par rapport à celle-ci.

12 — Peser sur la politique européenne de recherche en faveur de réseaux

Les appels à projets de l’European Research Council ont fortement déstabilisé le modèle du savant à la française, au profit du modèle du manager de la science ne disposant plus de temps pour faire de la recherche et pilotant des équipes de précaires parfois pléthoriques. Le manager de la science est la figure complémentaire de celle du précaire. La concentration des moyens n’a que des défauts : elle contribue à la baisse globale de la qualité et de la quantité des travaux, encourage le conformisme et le déficit d’intégrité. En supprimant les débouchés académiques des jeunes chercheurs, en instaurant un mercato des chercheurs, c’est tout l’écosystème de formation des scientifiques qui est fragilisé. Selon un principe de subsidiarité, l’European Research Council doit être un outil réservé à la création de réseaux européens de recherche, et non parasiter les systèmes nationaux.

D. Emploi : les conditions statutaires de l’exigence universitaire et scientifique

13 — Les missions d’appui et de soutien à la recherche doivent être assurées par des agents titulaires de leur poste

Exercer les missions de service public, dans une phase de transformation profonde de la société suppose un plan ambitieux de recrutement de personnels d’appui et de soutien sur des postes pérennes, adaptés aux métiers exercés, aux fonctions et aux missions du système universitaire et scientifique. Plutôt que de maintenir les agents dans la précarité, et les unités qui les emploient dans l’incertitude, les laboratoires doivent pouvoir compter sur des postes pérennes pour les métiers d’appui à la recherche et à l’enseignement afin d’en assurer la continuité et de préserver l’expérience acquise ; et ce, aussi bien pour les fonctions d’ingénieurs et techniciens dans les disciplines nécessitant un travail expérimental conséquent que pour l’accompagnement administratif et logistique de terrain. Les postes seront ouverts au plus près des besoins des services, en insertion dans des équipes, afin de contrecarrer la tendance à la centralisation administrative qui asservit actuellement les unités à une administration déconnectée. Les procédures de recrutement devront également avoir pour objectif, contre le fléchage actuel des postes d’appui expérimental vers des plateformes techniques, de réconcilier le développement méthodologique avec la pratique de la recherche. Ce plan d’embauche devra s’appuyer sur le vivier important de personnels d’appui contractuel, formé et compétent, que les vingt dernières années de politique dans l’ESR ont traité comme une variable d’ajustement budgétaire. Ce plan sera en partie financé par la suppression du grand nombre de fonctions superfétatoires créées depuis vingt ans par la technostructure dans les « instances de pilotage », à son seul profit.

14 — Résorber la précarité et garantir la possibilité du temps long pour les universitaires et les chercheurs

À l’Université, l’écart entre la hausse des besoins pendant la période 2010-2025, imputable à la démographie, et le nombre réel des recrutements correspond à un déficit de 15 000 postes d’universitaires titulaires. Ces besoins incompressibles sont très largement comblés par le recours aux vacations et contrats précaires de toute nature. L’Université suppose des universitaires dotés d’un statut leur conférant stabilité professionnelle, liberté académique et autonomie effective de l’enseignement comme de la recherche, pour pouvoir décalcifier l’institution et élaborer les cursus expérimentaux exigeants dont la société a besoin. Il est donc urgent de procéder à une campagne exceptionnelle de recrutement de fonctionnaires programmée sur dix ans, à hauteur du déficit mentionné plus haut, en utilisant ce volant d’emplois pour impulser le changement institutionnel nécessaire à sortir l’Université de l’ornière. Dans les unités de recherche, retrouver l’élan indispensable à des programmes de long terme, affranchis de la pression du sensationnalisme et des échéances à satisfaire, implique de rétablir 3 000 à 4 000 postes de chercheurs fonctionnaires à temps plein pour assurer les missions actuellement remplies par des scientifiques non-titulaires.

15 — Restituer le contrôle des recrutements scientifiques et universitaires aux pairs

Dans les organismes de recherche, la sphère managériale contrôlant les jurys d’admission supplante de plus en plus les jurys d’admissibilité, composés de pairs élus. Il est nécessaire de restituer le recrutement aux sections représentatives pour garantir la sincérité des classements. Dans les établissements universitaires, le contrôle bureaucratique s’effectue dans le choix des postes à pourvoir : il s’agit souvent de récompenser une composante sur des critères de loyauté politique. Même lorsque les postes correspondent aux besoins, les biais de gestion locale font que des champs entiers périclitent faute d’être jugés prioritaires par quelque établissement que ce soit. L’augmentation du nombre de postes ne suffira pas à effacer ces biais. Le primo-recrutement à l’Université doit être assuré par des jurys nationaux représentatifs et fréquemment renouvelés, dont la composition doit être rendue publique en amont et dont les choix doivent être justifiés par la rédaction de rapports de concours rendus publics. Après une phase sur dossier, l’admission dans les corps des universitaires doit comporter une audition devant le jury national, incluant une phase pédagogique. Enfin, l’affectation locale doit se faire dans un second temps, après avis conforme de l’établissement concerné. Ce système national est le seul permettant une moindre consommation de cette ressource précieuse qu’est le temps et une évaluation des candidatures sur la base de la lecture des travaux.

16 — Des grilles salariales resserrées et transparentes pour réaffirmer l’unité des corps de métiers

L’opacité et l’individualisation des rémunérations jouent un rôle important dans la dégradation des conditions du travail scientifique et pédagogique, du fait, en particulier, de la captation des ressources et des gratifications par la bureaucratie universitaire et scientifique : il s’ensuit une dégradation de la collégialité et un décrochage scientifique du pays. Le rétablissement de la norme de l’emploi statutaire doit aller de pair avec une refonte du système de rémunération incluant notamment la suppression de tout système de prime individuelle, au profit de grilles salariales resserrés, d’une reconstitution de la part socialisée du salaire (cotisations de retraites notamment) et, pour les universitaires, d’une limitation drastique des modulations de services, des heures complémentaires et des vacations, qui fragilisent la norme de l’emploi pérenne et sapent la parité de l’enseignement et de la recherche dans les obligations de service définissant la fonction universitaire.

17 — Accorder un statut, dual, aux doctorants

L’indépendance nécessaire au travail savant doit être accordée dès la formation doctorale, l’objectif étant d’atteindre la plus faible division du travail savant possible dans les équipes de recherche. En conséquence, les allocations de thèse doivent être accordées aux doctorants, assorties des droits sociaux du salariat, tout en permettant aux doctorants de choisir leur encadrant. Seules les thèses effectuées auprès de l’industrie doivent échapper à cette règle. Le doctorat doit devenir une période de formation exigeante, d’apprentissage, de transmission de gestes, de manières de faire, de styles, d’éthique intellectuelle, de mœurs, de standards d’exigence. Le travail de thèse n’est pas un travail d’exécutant au profit de l’encadrant.

18 — Briser le plafond de verre

Dans un rapport du MESRI sur le recrutement des femmes à l’Université, le rédacteur constatait : « Si le rythme moyen de progression est inchangé, le corps des MCF sera paritaire en 2027 et le corps des PU sera paritaire en 2068 ». Mettre un terme aux pratiques qui ralentissent la carrière scientifique des femmes est une urgence. Pour briser le plafond de verre, il est nécessaire de mettre en place une politique de valorisation incitative des pratiques vertueuses, en en faisant l’une des normes de l’évaluation des structures par les pairs. Les bilans sociaux devont obligatoirement comporter des statistiques fines sur les femmes chercheuses et enseignantes-chercheuses dans chaque discipline et seront rendus publics à l’intérieur comme à l’extérieur des institutions. Une évaluation nationale de l’efficacité des dispositifs mis en place pour faire évoluer les carrières sera effectuée tous les quatre ans. Parallèlement, une enquête nationale sera menée afin d’étudier les différences de délais entre la soutenance de thèse ou d’habilitation et l’obtention des postes de titulaires entre hommes et femmes, et d’évaluer les viviers pour les postes. Enfin, une mission dédiée devra déterminer précisément les charges administratives et les pratiques professionnelles quotidiennes qui grèvent la recherche des femmes ou contribuent à les exclure des collectifs de travail, en vue de les proscrire expressément. La refonte des structures institutionnelles et des pratiques collégiales dans l’Université et la recherche devra se faire en prenant spécifiquement en considération ces problèmes d’inégalités de genre.

E. Autonomie des universitaires et subsidiarité descendante

19 — Assurer une rotation aux fonctions de direction

La professionnalisation des fonctions de direction est pour les scientifiques et les universitaires une cause essentielle de la dépossession de leur métier, et contribue à réduire la qualité de l’enseignement et de la recherche. Pour y mettre un terme, l’ensemble des mandats de direction dans les établissements et organismes doivent être non-renouvelables consécutivement. Un délai de réserve de cinq ans doit être observé après l’exercice d’une charge importante, comme une fonction de président ou de vice-président d’université ou la direction d’un institut du CNRS. Durant ce délai, aucune haute responsabilité administrative ne doit être autorisée, pas plus qu’une nomination dans une haute administration liée à l’ESR (Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, rectorats, directions générales, présidence d’une autorité administrative, poste en cabinet ministériel). La durée cumulée d’exercice de telles responsabilités dans une carrière individuelle doit être plafonnée à 8 ans. Les personnes concernées pourront bénéficier, dans l’année qui suit la fin de leur charge, d’un congé ou d’un temps partiel qui leur permettra de retrouver le niveau scientifique nécessaire à l’exercice de leur métier. Les rémunérations des fonctions de direction seront strictement encadrées.

20 — L’Assemblée plénière, instance suprême des établissements

La conduite stratégique de l’Université et de la recherche doit être transférée à des collèges thématiques et/ou disciplinaires composés de pairs dans le respect d’un principe de péréquation territoriale. De ce fait, rien ne justifie le maintien d’une organisation bureaucratique locale reposant sur la figure du président. Le mandat de président d’université ou d’organisme de recherche doit redevenir une charge honorifique de représentation de l’Assemblée plénière des universitaires (tous statuts confondus), seule habilitée à désigner et à révoquer le président, en veillant à une pondération équitable des différents corps de métiers de l’établissement, à l’exclusion de tout membre extérieur. L’exercice de la charge présidentielle doit être limité à un an (renouvelable une fois), avec une alternance homme-femme obligatoire et l’interdiction pour l’Assemblée plénière de désigner un président issu du même secteur disciplinaire que son prédécesseur immédiat.

21 — Suppression de l’agrément de la Conférence des Présidents d’Université

La relation de subordination hiérarchique n’est pas compatible avec le concept d’Université. L’existence même d’une structure bureaucratique permanente exerçant les prérogatives d’un syndicat patronal comme la Conférence des Présidents d’Université est une négation de l’Université. Son inutilité et son illégitimité étant établies, son agrément d’utilité publique doit être retiré. L’Agence de mutualisation des universités et établissements (AMUE) sera supprimée, son rôle de coopération étant inefficace. Les réseaux coopératifs en prendront les missions. À l’inverse, cet agrément doit pouvoir être accordé à des structures issues de la communauté universitaire, constituées en associations en dehors des instances représentatives existantes et ayant vocation à traiter des questions de l’Université du point de vue de ceux qui font exister concrètement ce secteur d’activités. Il en va de même pour les structures associatives encadrant la recherche participative.

22 — Interdire le recours à des cabinets de consultants et la labellisation

Le recours à des cabinets de conseil et d’expertise doit être interdit, que ce soit pour des rapports, des animations managériales ou la constitution de dossiers de candidature, de prospective ou autre. Aucun établissement d’enseignement supérieur et de recherche ne sera autorisé à utiliser une part quelconque de son budget pour obtenir des labels, pour influer ou pour communiquer autour de classements nationaux ou internationaux. Un audit de l’ensemble des dépenses budgétaires destinées à un autre usage que l’enseignement et la recherche devra avoir lieu pour encadrer strictement les prélèvements dans les budgets de l’enseignement et de la recherche. En particulier, le soutien à des structures privées d’information institutionnelle et scientifique devra être ré-examiné pour privilégier l’information ouverte.

23 — Réaffirmer le contrôle collégial des missions de l’Université

Les missions de l’Université et les choix pratiques à même d’y satisfaire doivent être un objet de débat démocratique informé et ouvert, animé par les universitaires, dans les limites fixées par la société et inscrites dans la constitution. L’appareil normatif mis en place depuis vingt ans soustrait à la délibération collégiale cette discussion sur la production, la critique et la transmission des savoirs, remplacée dans le meilleur des cas par la consultation d’intercesseurs cooptés. La réappropriation de l’Université passe par la mise en place d’assemblées larges, transparentes et ouvertes, strictement indépendantes des présidences, qui devront travailler à la fois en formation restreinte aux universitaires et en formation ouverte à tous les usagers. Elles devront produire une analyse publique périodique et contradictoire des stratégies locales, à l’aune de critères comme la protection des libertés académiques, le ratio enseignants titulaires/étudiants, la contribution à une formation exigeante et originale des étudiants, leur bien-être et celui des agents, et la part des activités de recherche fondamentale et finalisée dans les activités de l’établissement.

24 — Instaurer une subsidiarité descendante au sein des établissements

Les établissements universitaires ont connu dans la période récente une concentration des pouvoirs de décision dans les mains d’une techno-bureaucratie centrale (équipe présidentielle, directeurs généraux des services, etc). Il convient d’impulser une réorganisation des structures de décision conforme au principe d’autonomie des universitaires, selon un principe de subsidiarité descendante : les décisions doivent être confiées au niveau de granularité le plus petit possible : l’équipe pédagogique ou l’équipe de recherche, quand c’est possible ; au-dessus, le laboratoire ou l’UFR, etc. En conséquence, les services centraux doivent être réorganisés pour remplir des tâches techniques qui ne procèdent pas du travail d’équipe d’enseignement et de recherche, à l’exclusion de toute mission de pilotage ou de management. Par ailleurs, la réorganisation doit conduire à la plus faible division du travail possible dans les équipes de recherche et d’enseignement.

25 — Prévenir les conflits d’intérêts et les nominations politiques à la tête d’instances de contrôle des activités de recherche et d’enseignement supérieur

Les conflits d’intérêts entre public et privé ou au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche se sont multipliés, favorisés notamment par l’article L952-14-1 du code de l’éducation, et grèvent la confiance de l’opinion publique envers la science. Cet article du code de l’éducation doit être abrogé. En outre, pour des raisons éthiques et budgétaires et pour la qualité et l’intérêt du service, il convient de mettre un terme aux (auto)-nominations de membres de cabinets ministériels à des postes de pouvoir, aux renvois d’ascenseur et à l’établissement de lignes budgétaires de complaisance, autant d’errements qui se sont généralisés. Toute nomination ou promotion dans la hiérarchie décisionnelle doit être conditionnée à un contrôle des situations de conflits d’intérêts avec des fonctions passées ou actuelles. Enfin, la dispense élargie de doctorat remet en cause la compétence des candidats pour assumer les fonctions de recteur et favorise l’arbitraire politique. Il faut restaurer l’obligation de doctorat pour les fonctions de recteur d’académie, de chancelier des universités et de conseiller ministériel ESR.

F. Débureaucratisation institutionnelle

26 — Supprimer l’évaluation managériale et ses institutions

Seule la pratique de la dispute collégiale garantit l’exigence intellectuelle et déontologique en matière de production, de critique et de transmission des savoirs. Les dispositifs institutionnels qui vident cette pratique de sa substance par des normes et des procédures hétéronomes à l’activité de recherche doivent être abandonnés. Cela passe notamment par une rupture avec les diverses bureaucraties dévolues à l’évaluation managériale permanente, notamment quantitatives, qui ont pu se constituer à l’échelle des différents établissements et opérateurs de l’ESR, en commençant par la dissolution du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres). Dans l’Université et les organismes de recherche, la probation de la qualité des travaux doit se faire par l’ensemble des pairs, de façon ouverte et contradictoire, via une instance nationale représentative de l’ensemble de la communauté scientifique, et sans lien institutionnel avec la gestion des carrières et l’octroi des financements de base.

27 — Interrompre le cycle des évaluations bureaucratiques des institutions

Les procédures d’évaluation normatives reposent sur la multiplication des formulaires et des questionnaires créés par les instances de « pilotage » bureaucratique pour nourrir des « indicateurs » généralement compilés sans méthode rigoureuse, erronés factuellement et biaisés selon des priorités jamais explicitées. Dans les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur, une réforme administrative doit être entreprise pour interdire l’usage de ces questionnaires et tableurs, remplacés par une base de données nationale contenant l’ensemble des informations budgétaires et salariales nécessaires et paradoxalement très difficiles d’accès. Les normes d’appréciation et de valorisation du travail académique doivent être révisées et explicitées pour se conformer aux missions confiées par la société à l’Université et au système de recherche.

28 — Supprimer le mille-feuille bureaucratique

Un grand nombre de strates bureaucratiques ont été accumulées depuis des années, en ajoutant à chaque mandature sans jamais en supprimer. Il est devenu nécessaire de supprimer le Secrétariat Général pour l’Investissement (SGPI), la Banque Publique d’Investissement (BPI), l’Inspection Générale de l’Education, du Sport et de la Recherche (IGESR). Les différents programmes d’initiatives dits d’excellence doivent être arrêtés. Le Haut-commissariat au plan et France Stratégie doivent être fusionnés. Les communautés d’universités et établissements (ComUE) et les fédérations d’établissements disposant d’un statut « expérimental » doivent être supprimées. Les moyens libérés seront affectés aux besoins de l’Université et de la recherche.

29 — Supprimer les micro-agences de moyens et instaurer le contrôle de gestion a posteriori

Le temps constitue une ressource précieuse. Aussi faut-il supprimer toutes les activités superflues qui ne concernent qu’indirectement l’enseignement et la recherche. Ainsi, il convient d’interdire tout appel à projets et tout appel d’offres dont le coût d’organisation et de suivi serait supérieur à 2% des sommes distribuées. Ces 2% sont entendus en coûts consolidés, incluant les salaires des universitaires siégeant dans les jurys, prorata temporis, les salaires des personnels de soutien mobilisés pour l’occasion, et les frais d’environnement. On conçoit aisément l’économie de moyens, le gain de temps et d’énergie, que représenterait le fait de limiter ainsi drastiquement le nombre de ces appels à projets qui nuisent à l’activité universitaire. Pour des raisons identiques, les contrôles et démarches administratives seront supprimés dès lors que le coût consolidé de la vérification est supérieur à 2% des dépenses. Le contrôle de gestion s’effectuera a posteriori, une journée par an, en justifiant de l’ensemble des achats et dépenses effectuées auprès d’un contrôleur.

G. Publications académiques : changer de paradigme

30 — Fonder l’évaluation sur la dispute savante

Construire l’évaluation des structures de recherche et la gestion des carrières sur un principe de productivité conduit à une compétition stérile et encourage de manière systémique fraudes et inconduites scientifiques. Il est nécessaire de s’extraire de ce paradigme. La signature par les organismes de recherche des manifestes de Leiden et de San Francisco (DORA) implique de privilégier une analyse qualitative et l’abandon de critères quantitatifs. Lors des visites de laboratoire, le comité de visite doit prendre connaissance en profondeur des travaux les plus importants de l’équipe afin qu’un débat contradictoire, équilibré et constructif, puisse s’instaurer entre pairs. De ce fait, il convient de fixer un seuil national maximum du nombre de publications annuelles prises en compte. Ce chiffre maximum pourrait être lissé sur cinq ans pour tenir compte des calendriers de publication, et tenir compte de différents types de publication. Il devrait être établi à des niveaux différents selon les disciplines, par exemple via le Conseil National des Universités, afin d’aller vers une politique de diffusion du travail de recherche qui prenne en compte l’originalité, l’exigence, l’ampleur des preuves en favorisant le temps long. Les normes d’appréciation doivent encourager la division verticale du travail la plus faible possible de sorte à rendre caduc le modèle du manager de la science (PI) : les chercheurs doivent avant tout produire par eux-mêmes, dans un cadre coopératif.

31 — Rénover les modalités de vérification scientifique par les pairs

L’inflation constatée du nombre de publications académiques faiblement incrémentales quant à leur contenu scientifique est souvent la conséquence d’un impératif de positionnement recherché par les auteurs et, en deçà, résulte d’une pression institutionnelle.Nombre de publications visent à prendre date, à préempter un champ de recherche plutôt qu’à rendre compte de travaux aboutis. Une façon de répondre à cette demande et de limiter le nombre de publications à faible contenu scientifique serait de rendre possible la publication, sur une plateforme nationale ouverte et gratuite, de notes techniques, bases de données, codes ou autre forme de production scientifique afin de garantir aux auteurs une indexation et une diffusion de leurs travaux tout en autorisant un processus de disputatio en ligne ouvert et transparent, permettant le questionnement et l’annotation des travaux. La modération de cette plateforme serait assurée par les pairs via les réseaux thématiques universitaires qui en assureraient le bon fonctionnement. Le temps libéré permettrait de consacrer plus de temps au travail de contrôle des articles proprement dits.

32 — Se retirer de la course à la quantité et faire de la France un modèle d’intégrité scientifique

Le déficit d’intégrité scientifique est devenu un problème majeur, notamment dans les disciplines liées à de grands intérêts de pouvoir. Partout dans le monde, l’inflation du nombre de publications s’est accompagnée d’une inflation des inconduites scientifiques. Les réponses actuelles se limitent à une politique de prévention et de sanction, inefficace car inadaptée, voire renforçant l’emprise de mandarins peu intègres. Tant que l’intérêt des chercheurs sera de signer davantage de publications, sans valorisation de la qualité des preuves, de l’intégrité et de l’originalité, cette crise qualitative ne fera que s’accroître. Il s’agit donc de réformer notre système en nous libérant de l’obsession normative des systèmes étrangers, pour reconstruire ici un havre d’intégrité et de bonne science. Pour ce faire, les pressions à la publication doivent être supprimées au profit de gratifications sociales pour l’exigence, l’originalité, l’intégrité, la qualité des travaux, à tous les étages institutionnels en commençant par le doctorat. Cela suppose le retrait de tous les classements scientifiques internationaux, afin d’enclencher une dynamique vertueuse de promotion internationale de la qualité et de l’intégrité.

33 — Rétablir le contrôle des pairs sur l’édition scientifique

L’édition scientifique a pour rôle majeur la diffusion des travaux de recherche savante dans la communauté académique. Elle ne peut être régie, comme elle l’est aujourd’hui, par un modèle économique faisant du pôle éditorial une entreprise ayant pour seule finalité de dégager une marge bénéficiaire pour ses actionnaires et de l’article un produit de consommation — revendu à une clientèle captive constituée de ceux-là même qui produisent ce bien commun. Rétablir les standards d’intégrité éditoriale impose de rendre aux pairs le contrôle effectif des revues et plus généralement des maisons d’édition. Cela exige de développer, de moderniser les presses universitaires et d’encourager financièrement le contrôle des revues par les pairs, le cas échéant via des structures associatives ad hoc, qui peuvent être des sociétés savantes, ou des associations éditrices porteuses d’une revue, comme cela fut longtemps la norme. Le système de subvention à l’édition scientifique doit d’abord encourager les publications en accès libre et incluant des modules de réponse, de commentaire et de révision par les pairs après publication, comme le font déjà certaines revues.

H. Un système de formation supérieur à refonder sur les principes d’autonomie et d’émancipation, après 20 ans de reprise en main bureaucratique

34 — Garantir l’autonomie matérielle des étudiants

Toute personne résidant en France doit se voir garantir par la collectivité un droit minimal à trois années d’études supérieures au long de sa vie, dans des conditions d’autonomie matérielle décentes. Pour les étudiants en formation initiale, cela ne peut passer que par le versement d’un revenu d’autonomie d’un montant de référence de 1 000 € par mois, douze mois par an, pour toute la durée d’un cycle de formation, qui peut être de trois ou de quatre ans. Nous empruntons au collectif Acides sa proposition de financement de cette mesure par la branche « familles » de la Sécurité Sociale, abondée par les cotisations patronales et déjà en charge des aides personnelles au logement. Le montant mensuel pourra être révisé à la baisse si l’étudiant dispose déjà d’un hébergement, par exemple dans sa famille. Mais cette disposition a précisément pour objectif d’encourager les étudiants à s’émanciper des déterminations sociales.

35 — Création d’un grand service public propédeutique

L’Université a perdu sa place de référence dans l’enseignement supérieur en France, concurrencée qu’elle est, dès la première année, par les IUT, les classes de BTS et les classes préparatoires aux Grandes Écoles. Ces cursus doivent être rapprochés, sans toutefois les normaliser dans un dispositif autonome qui serait ipso facto coupé du reste de l’Université. Ce nouveau grand service public propédeutique, situé au sein de l’Université, devra lutter prioritairement contre un type d’échec en licence plus pernicieux que celui mesuré par les taux de diplomation en trois ans : celui de la maîtrise des concepts, des outils, des grammaires enseignés, qui peut se redoubler d’un échec à développer une pensée autonome. La propédeutique doit s’inscrire dans le contexte de ce qu’est l’Université : un lieu de responsabilité, d’exigence et de liberté. Le fait qu’un semestre raté soit suivi d’un autre semestre qui s’appuie sur le premier est un facteur important de décrochage, auquel il faut remédier en obligeant les universités à proposer la même offre de cours magistraux et de travaux dirigés essentiels à chaque semestre, ce qui faciliterait aussi grandement les réorientations après le premier semestre. Le surcoût induit, à traduire en embauches, viendrait en contrepartie d’un effet significatif sur les poursuites d’études.

36 — Affecter les bacheliers de manière plus juste et moins chronophage

La consommation de temps de Parcoursup n’est pas tenable, pas plus que son résultat : une gigantesque loterie dans l’attribution des formations. Parcoursup, au-delà de l’introduction de la sélection et de la dévalorisation du baccalauréat, est avant tout une mesure gestionnaire, destinée à décourager les bacheliers pour ne pas investir dans le système de formation supérieur : les rectorats contrôlent la part de la population qui arrive à chaque niveau de qualification, dans chaque discipline, par des capacités d’accueil et des quotas. La question de l’affectation des bacheliers est donc avant tout politique et peut donc être en grande partie résolue par l’ouverture de nouveaux établissements et par un changement profond des missions de l’Université qui en finisse avec l’idéologie du « capital humain » et avec la prétention à un pilotage par des dirigeants tournés vers le passé. Le système d’orientation doit être fondé sur une information objectivée sur les formations proposées et le public auquel elles s’adressent : cela suppose de refonder les services d’orientation, largement démantelés, pour produire cette information et la mettre à disposition. D’autre part, l’affectation doit se faire exclusivement à partir des appétences des futurs étudiants pour telle ou telle formation. L’admission doit donc être faite sur la base de vœux ordonnés, en nombre limités, émis par avance, suivi d’une liste non ordonnée de formations intéressantes de manière secondaire.

37 — Diversifier l’offre de formation par l’expérimentation

L’enseignement universitaire français reste extrêmement marqué par l’époque où l’Université visait essentiellement à la préparation disciplinaire à l’agrégation. Les réformes conférant une « autonomie » aux établissements universitaires ont en pratique accentué la dépossession des universitaires par différentes strates techno-bureaucratiques. Pour autant, l’idée d’expérimenter, de procéder à de nouveaux découpages disciplinaires, de répondre à une forme d’utilité vis-à-vis du corps social ne doit pas être abandonnée ; au contraire. Elle est consubstantielle à l’autonomie des universitaires, qui à bien des égards, est à l’opposé de l’« autonomie » des universités pour lequel « bureaucratisation » est plus approprié. La création de parcours expérimentaux ne visant pas à « attirer les meilleurs étudiants » mais à renouveler l’offre de formation offerte au plus grand nombre doit être valorisée, aussi bien au niveau institutionnel qu’au niveau des équipes pédagogiques. Cela suppose d’inclure dans le statut des universitaires, dotés de l’indépendance, des formes diverses de recherche et d’enseignement. À titre d’exemple, les enseignants des écoles d’art doivent devenir universitaires tout en protégeant leurs enseignements de toute dimension normative ou conformiste.

38 — Débureaucratiser l’accréditation des formations universitaires

Les procédures bureaucratiques d’accréditation des diplômes doivent être desserrées, avec des calendriers désynchronisés pour les différents niveaux de formation d’un même établissement et une durée de validité par défaut des maquettes portées à sept ans, avec possibilité de modifier et ré-accréditer une maquette au bout de quatre ans si le besoin s’en fait sentir. L’habilitation des formations par l’État devra comporter une annexe financière qui conduise, de manière contractuelle, à ce que l’État en assure le financement.

39 — Prérecrutement et engagement décennal pour les métiers prioritaires demandant une formation longue

La satisfaction des besoins sociaux impose de mettre en place un dispositif de pré-recrutement avec engagement décennal dans un certain nombre de formations demandant des études moyennes ou longues. Cela concerne notamment les métiers de la santé et du soin (médecine, maïeutique, soins infirmiers, psychologie). Les métiers de la transformation écologique requièrent également la mise en place de tels dispositifs, notamment pour les corps d’ingénieurs appelés à travailler dans l’aménagement du territoire et les nouvelles industries environnementales. Enfin, les métiers de l’Université et de la recherche eux-mêmes requièrent un pré-recrutement en fin de licence sous statut d’élèves-fonctionnaires permettant d’aller sereinement vers une thèse de doctorat : le système des Écoles normales supérieures (ENS) constitue un embryon de ce dispositif, qui doit être largement étendu sur tout le territoire.

40 — Refonder la formation des enseignants du premier et du second degré

La crise de la formation des enseignants affecte directement la transmission et la critique des savoirs académiques. Il est nécessaire de reconstituer un vivier de futurs enseignants et de mieux les accompagner très tôt dans leurs études. Pour cela, nous proposons d’introduire un pré-recrutement des enseignants sous statut d’élève-fonctionnaire dès la L2. Ce pré-recrutement donnera également accès à une formation initiale aux métiers de l’enseignement et à des stages d’observation. Placé en fin de licence, le concours de recrutement sera axé sur les savoirs disciplinaires et sera suivi d’une formation en alternance sous statut de fonctionnaire-stagiaire, incluant des éléments de formation disciplinaire (ce qui inclut une part de didactique), et de sciences de l’éducation. Enfin, la première année comme titulaire doit donner lieu à un service allégé, permettant ainsi d’améliorer l’entrée dans le métier. Dans le même temps, une formation universitaire tout au long de la vie doit être mise en place pour les enseignants déjà en poste.

41 — Lier la recherche et l’Université avec l’enseignement secondaire

La transmission des savoirs académiques au plus grand nombre impose de resserrer les liens entre la recherche, l’Université et l’enseignement secondaire. La refondation de la formation des enseignants par des cursus incluant une dimension de recherche, le cas échéant didactique, constitue une première étape mais elle doit être suivie de la mise en place d’un programme de formation scientifique et universitaire continue pour les enseignants du primaire et du secondaire. Ce dispositif doit inclure la facilitation des détachements et des congés de recherche pour les enseignants désireux de s’engager dans un doctorat. Les sections de techniciens supérieurs et les classes préparatoires doivent passer sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur, qui doit être associé au suivi de la carrière des enseignants docteurs. À l’inverse, les services de l’enseignement primaire et secondaire doivent être intégrés au pilotage des programmes de recherche participative mis en place par ailleurs.

42 — Supprimer le RNCP et réformer du processus de Bologne

Le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) est un moyen contestable de promotion de formations commerciales non-diplômantes destiné aux collectivités locales, aux chambres de commerce et au patronat. Le contrôle de qualité censé incomber à la commission nationale de la certification professionnelle n’est pas satisfaisant et laisse perdurer une confusion qui profite à des opérateurs marchands peu scrupuleux. Dans le même temps, la soumission des formations universitaires aux « référentiels » du RNCP conforte le nivellement intellectuel des formations sur les standards de l’edu-business, au détriment des étudiants et des équipes enseignantes. Cette soumission fait système avec la reprise en main de l’Université européenne connue sous le nom de « processus de Bologne ». La réinstitution de formations expérimentales audacieuses, démocratiques et émancipatrices à l’Université suppose donc la suppression du RNCP ainsi qu’un audit des réformes réglementaires « bolognaises » pouvant conduire à l’annulation de certaines d’entre elles.

I. Recherche finalisée, réforme des Grandes Écoles et politique industrielle

43 — Garantir une formation universitaire des ingénieurs

Le système des Grandes Écoles est un héritage de l’ère napoléonienne systématisé dans le temps même où l’Allemagne inventait l’Université moderne, humboldtienne. La France a le seul système où les élites sociales, économiques et politiques ne sont pas formées dans le lieu d’élaboration du savoir, l’Université. La désindustrialisation rapide, l’immense retard en matière de recherche et développement, la faiblesse du tissu de petites et moyennes entreprises (PME) fondé sur l’innovation proviennent en partie de cet archaïsme. Le déficit de formation à la recherche des élites conduit à une incapacité structurelle à agir face à des situations inédites, et donc à affronter des crises comme la syndémie de Covid ou la crise climatique. Notre société a impérativement besoin d’adopter le modèle international du docteur-ingénieur, formé au sein de département universitaire d’ingénierie. Cela suppose de dissoudre la commission des titres d’ingénieurs, qui défend une conception surannée du lien entre industrie et formations supérieures et entretient l’absence de formation scientifique sérieuse des grands corps de l’Etat. Les écoles d’ingénieurs doivent devenir des départements largement autonomes d’établissements universitaires, mais surtout monter en puissance en recherche par intégration à des réseaux, de sorte à s’adapter à la condition de délivrance du titre d’ingénieur : le doctorat. Les classes préparatoires aux grandes écoles doivent participer du maillage territorial d’offre de formation, en participant d’une formation propédeutique exigeante.

44 — Réformer le Crédit d’Impôts Recherche en ciblant les PME

Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) doit être supprimé et remplacé par des aides de l’État à la recherche industrielle transparentes, évaluées, et ayant un effet d’entraînement sur le financement des entreprises dans leurs propres recherches. Ces aides doivent être réservées aux petites et moyennes entreprises (PME), les grandes entreprises ayant prouvé avec le CIR qu’elles s’en servent presque exclusivement à des fins de défiscalisation. Elles peuvent prendre la forme de programmes thématiques, d’aides à l’investissement (prise en charge des intérêts), d’aides remboursables en cas de succès, ou même d’aides fiscales ciblées vers les PME et les pôles de compétitivité. Elles viseront à promouvoir le modèle de l’ingénieur-docteur, en étant conditionnées à un travail de recherche effectif, effectué par des chercheurs titulaires d’un doctorat. Second critère, la création des PME qui manquent au système français, dans les secteurs stratégiques directement utiles à la société, sera encouragée par l’Etat pour favoriser une réindustrialisation conforme à la société décarbonée que nous devons construire. À titre d’exemple, la production de bien manufacturés robustes et réparables sera encouragée. Le modèle de PME coopérative sera tout particulièrement aidé.

J. Réformer les agences d’expertise de l’État et la haute fonction publique

45 — Garantir la formation scientifique et universitaire des hauts fonctionnaires

La pauvreté de la formation à la recherche des élites issues des grandes écoles est devenue un problème pour la réponse aux besoins économiques et environnementaux. Elle est entretenue par la séparation entre l’Université, les grandes écoles et les grands corps de l’Etat. La pandémie a montré l’incapacité des hauts fonctionnaires à la fois à suivre l’actualité scientifique et à apporter des réponses logistiques. L’inculture scientifique et pratique explique les errements de l’exécutif, y compris en matière d’adaptation aux défis environnementaux. La nécessité d’une haute fonction publique au service du bien commun et apte à affronter des crises implique des changements profonds de recrutement et de formation. Cela passe par la restructuration voire le démantèlement d’une fraction importante des « grands corps » au profit d’une fonction d’ingénieur-gestionnaires, compétents scientifiquement et techniquement, ayant pour mission de mettre en œuvre les politiques publiques décidées dans un cadre démocratique. Les hauts fonctionnaires doivent être formés spécifiquement à un haut niveau, dans des formations universitaires conjointes entre les départements de science politique et les autres secteurs disciplinaires, aussi bien dans les humanités et dans les sciences sociales qu’en sciences naturelles. La solution ne passe pas par des écoles généralistes pour toutologues, mais dans une formation à l’enquête, à l’expérimentation, à la critique, à la compilation de données savantes, à la capacité à décrypter les synthèses scientifiques et enfin, à mettre en œuvre.

46 — Créer un dispositif de publication ouverte de synthèses scientifiques pour une décision publique informée et démocratique

Dans une société où les évolutions techniques jouent un rôle politique majeur, l’exercice de la démocratie nécessite une formation des citoyens aux modalités de raisonnement et à la pensée critique, à la science et aux humanités. Cette formation doit être la pierre angulaire du système éducatif dans son ensemble. Les modalités d’information scientifique du débat public doivent reposer sur des preuves et sur le débat contradictoire plutôt que sur la notoriété d’individus supposés détenir une supériorité cognitive. La répartition de la parole scientifique publique entre des « experts » cooptés et définitifs et des bateleurs médiatiques porte préjudice à l’idée d’une délibération démocratique contradictoire scientifiquement étayée. Pour sortir de ce piège, il est nécessaire de réformer ou de supprimer les agences d’expertise de type de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), pour confier cette tâche au monde savant, selon les modalités scientifiques. Le GIEC peut servir dans un premier temps d’étalon pour procéder aux réformes nécessaires. Dans le principe, les pairs doivent pouvoir disposer librement des publications ouvertes, synthétisant l’état des connaissances sur certains sujets litigieux, par des revues critiques de la littérature pertinente et en se soumettant à une étape préalable de relecture collégiale avant la mise en ligne. Ces articles de synthèse, à la différence de celles déjà réalisées régulièrement, ne devront pas s’adresser aux pairs, mais aux non-spécialistes, et donner toute leur place à l’indétermination et au manque de connaissances. La soumission initiale d’une synthèse grand public de ce type serait soumise à des conditions strictes : signature collective par des pairs ayant publié sur le sujet ou sur un sujet attenant en cas de problème neuf apparaissant soudainement. Chaque contributeur devra remplir une déclaration publique d’intérêts.

K. Construire une Université en prise avec la société

47 — Refonder et promouvoir un rationalisme démocratique

L’engagement rationaliste, de la fin du XIXe siècle aux années 1970, fédérait la défense de l’investigation scientifique, l’exigence de liberté et le souci de l’intérêt général. Les réseaux rationalistes assuraient alors une liaison précieuse entre le monde savant, l’enseignement primaire et secondaire et la société. Aujourd’hui, la notion de rationalisme est trop souvent accaparée par un scientisme technophile de moins en moins compatible avec la réalité établie d’une crise écologique gravissime et imputable à l’activité humaine ; dans le même temps, la montée de l’autoritarisme contredit les idéaux politiques émancipateurs du rationalisme démocratique, tout en reprenant sa rhétorique lorsque les thèmes techno-scientifiques sont évoqués. Enfin, la croyance naïve selon laquelle l’innovation suffira toujours à résoudre les crises dans l’urgence constitue un retournement du rationalisme, à la fois contre la science et contre la démocratie. Face à cette situation, il est nécessaire de relancer l’engagement rationaliste démocratique, en mettant en place un programme d’éducation populaire associant les scientifiques, l’Éducation Nationale et le monde associatif. Dans le même temps, les associations scientifiques doivent être incluses dans les processions de décision publique dans un cadre transparent (avec publication de déclarations d’intérêts) et ouvert.

48 — Ouvrir et financer des tiers-lieux d’expérimentation et de débat

Une démocratie vivante passe par une appropriation des savoirs par l’ensemble des citoyens. Des lignes budgétaires doivent être dédiées à la recherche participative dans chaque organisme de recherche. Un fonds consacré aux recherches avec et pour les citoyens doit être créé et abondé de sorte à répondre aux enjeux sociaux et écologiques du monde contemporain. Il convient également d’encourager les dispositifs à l’interface entre science et société, telles que les Boutiques des Sciences, de faciliter l’établissement de conventions directes entre opérateurs de recherche et associations et de s’appuyer sur un réseau de conventions associatives de formation par la recherche. Enfin, un observatoire des sciences citoyennes responsables et solidaires doit être créé pour recenser et analyser les capacités de recherche et d’expertise de la société civile. Deux types de tiers-lieux seront encouragés et financés : des tiers-lieux destinés à mettre en œuvre des expérimentations de toute nature, selon des méthodes fiabilisées et rationalisées et des tiers lieux destinés à produire une mise en débat des questions techniques à partir des faits scientifiquement fondés et des lacunes de savoir, selon des modalités inspirées et adaptées de la méthode de véridiction savante.

49 — Valoriser la responsabilité de la recherche devant la société

Les chercheurs et enseignants-chercheurs sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à questionner le lien entre leur activité professionnelle et leur vie de citoyens, à entendre affirmer que l’activité savante est affaire de véridiction mais aussi de valeurs. L’urgence climatique, écologique, sociale, politique semble encourager un engagement actif des scientifiques dans l’espace public et politique. Cette transformation des relations entre sciences et politique pousse à une réflexion sur le sens de la recherche comme métier et comme fonction sociale. La formation des scientifiques doit inclure une réflexion sur les nouvelles missions d’intérêt général de l’Université et de la recherche, comme sur les engagements axiologiques implicites de leur activité, en y intégrant des enseignements sur les pratiques et les moyens pour expliciter ces valeurs et mettre en œuvre ces missions. La mobilité des chercheurs entre le secteur associatif d’intérêt général et les organismes de recherche doit être encouragée. Un comité national mixte composé de citoyens, de parlementaires et de chercheurs pourrait assurer le suivi de la programmation citoyenne d’une partie de la recherche répondant aux demandes de la société. Au sein des organismes de recherche, des comités paritaires auraient pour mission d’assurer la transparence et de l’intégrité des politiques de recherche et leur ouverture à la société.

50 — La création artistique dans la refondation de la recherche et de l’Université

Les pratiques individuelles et collaboratives de création artistique ont une place importante à prendre dans la reconstruction d’un imaginaire politique démocratique, et dans la transformation de notre rapport à notre environnement social, technique et géographique. Les laboratoires et l’Université doivent être encouragés comme lieux d’expérimentation artistique et de formation à la création. Pour cela, les écoles d’art actuellement fragilisées par un statut incertain et coupées du reste de l’enseignement supérieur doivent intégrer l’Université. La recherche-création doit être reconnue partout comme un mode de production de connaissances et incluse dans les services des chercheurs et enseignants-chercheurs concernés ainsi que dans les recherches doctorales. Le cas échéant, les futurs dispositifs de pré-recrutement sous statut d’élève-fonctionnaire ouverts à destination des carrières de la recherche doivent être ouverts aux étudiants-artistes. Enfin, le renforcement institutionnel des pratiques artistiques à l’Université et dans les laboratoires devra se manifester par un encouragement aux cursus interdisciplinaires et aux programmes de recherche transversaux sciences-techniques-création.


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