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FAQ Camille Noûs

Les initiatives autour de Camille Noûs et du laboratoire Cogitamus se multiplient.

Deux jours après sa naissance, une dizaine d’articles portant la signature de Camille Noûs avaient déjà été soumis ; sa signature a été requise pour l’éditorial commun des revues en lutte et pour la coordination d’un numéro de la revue Mot sur les « mots du travail ». Depuis le lancement de l’opération il y a deux semaines, Camille Noûs est signataire d’un article soumis par jour.

Nous avons mis en ligne des réponses aux questions les plus fréquemment posées sur un site dédié. Nous recherchons des collègues bilingues pour assurer ou améliorer les traductions.

Par ailleurs, nous nous associons à cette pétition visant à défendre l’hôpital public qui a déjà reçu près de 30 000 signatures. N’hésitez pas à la signer et à la partager autour de vous.

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Refonder l’Université et la Recherche pour retrouver prise sur le monde et nos vies

Appel du 20 mars 2020

Nous affrontons une crise sanitaire majeure qui vient nous rappeler la fragilité de nos vies et de nos sociétés et la nécessité de systèmes de solidarité organisés, solides et pérennes : école, santé, retraites… Il aura fallu la pandémie du Covid-19 pour que le pouvoir politique se souvienne brusquement de l’importance vitale d’institutions qu’il a pourtant détruites méthodiquement. En quarante ans, l’Hôpital français est passé de 11 à 6 lits pour mille habitants ; sur les seules six dernières années, 17 500 lits de nuit ont été supprimés. Les personnels hospitaliers sont en effectifs si réduits que des étudiants et des retraités sont aujourd’hui réquisitionnés comme forces supplétives. Alors même que les espoirs de traitement du virus dépendent des chercheurs, cela fait quinze ans que la recherche scientifique à l’Université et dans les grands organismes comme l’Inserm ou le CNRS subit le primat donné à des projets de court terme, pilotés bureaucratiquement, et concentrant sur quelques thèmes définis comme “porteurs” des moyens globalement en déclin. Quinze ans de démolition !

La pandémie agit comme un révélateur : elle confirme aux yeux de tous que l’Université et la recherche publique auraient dû rester une priorité pour nos sociétés et que la diversité des axes de recherche, le temps long et les financements pérennes sont les conditions de son bon développement. Nous voyons bien que les appels à projets lancés de manière improvisée en réaction à chaque crise tiennent plus de la communication impuissante que de la programmation éclairée. Le mal est profond : les procédures bureaucratiques de mise en concurrence ne favorisent que le conformisme quand la liberté de recherche permet des découvertes fondamentales. Ce qui était choquant en temps ordinaire est devenu obscène en temps de crise. La pandémie du coronavirus met ainsi à nu l’inconséquence des politiques menées ces dernières décennies, dont la responsabilité est partagée par tous les gouvernements qui les ont appliquées.

En plus de l’urgence sanitaire qui révèle la crise de notre système de santé, notre société doit affronter trois autres crises : environnementale, sociale et démocratique. La crise écologique et climatique, au gré des catastrophes toujours plus nombreuses qu’elle engendre, affecte un peu plus chaque jour nos vies. Pas plus que pour les épidémies, l’alerte des scientifiques et de la jeunesse du monde entier sur la gravité du réchauffement climatique n’a conduit à prendre les mesures radicales qui s’imposaient. Sur le plan social, les dernières décennies ont été marquées par le creusement d’inégalités matérielles, territoriales, fiscales et culturelles. Enfin, une crise démocratique et politique conduit les citoyens à se détourner massivement de dirigeants incapables de répondre à leurs attentes ou agissant contre l’intérêt général. Même si chaque jour de nouveaux secteurs de la société expriment une volonté de redonner du sens à l’existence et d’en finir avec l’individualisme et le repli sur la sphère privée, cette aspiration profonde à décider des règles collectives que la société se donne, cette volonté des citoyens conscients de ce qui les relie se heurtent à l’imprévoyance, à la cécité et à l’autoritarisme de gouvernants qui confisquent la décision.

Tous les savoirs scientifiquement construits par les recherches théoriques, par l’expérience, l’enquête, l’observation, la confrontation des hypothèses et des résultats, sont indispensables pour surmonter ces crises. Or, les institutions qui créent, transmettent, conservent et critiquent les savoirs, sortent exsangues de la période qui s’achève. Elles doivent être reconstruites sur de nouvelles bases, capables de faire vivre des sciences diverses et créatives, aptes à anticiper les défis auxquels notre société doit faire face. Ce travail de refondation de l’Université et de la recherche doit échapper à l’emprise des « experts » et des bureaucrates : il doit s’articuler à l’exigence démocratique et, en cela, il y a une affinité profonde entre le temps long de la science, son ancrage dans l’expérience et la controverse savantes, et l’exercice de la démocratie, impliquant la délibération et l’attention à l’expérience ordinaire des citoyens.

Pour nous, le temps est venu d’une refondation de l’Université et de la recherche reposant sur deux principes régulateurs. L’aspiration collective à déchiffrer l’inconnu suppose l’indépendance effective du monde savant vis-à-vis de tous les pouvoirs : cette autonomie doit être garantie par des moyens répartis entre les disciplines en fonction de leurs besoins, par des statuts protecteurs des libertés académiques et par le temps long nécessaire au développement de toute recherche. Le corollaire de l’autonomie du monde savant est son engagement sur un principe : sa responsabilité vis-à-vis de la société. L’usage politique, technique et industriel des travaux scientifiques doit se décider dans un cadre pluraliste et démocratique, en accord avec l’intérêt commun. Cela suppose de réinstituer l’Université comme lieu de formation des citoyens à une pensée autonome et aux savoirs critiques, et comme lieu de production et de transmission au plus grand nombre de connaissances scientifiques et techniques. À rebours des propensions récentes au conformisme, à la bureaucratie et à la généralisation d’une sélection prétendument darwinienne, cette institution implique aussi que l’Université éclaire le débat démocratique par l’élaboration de synthèses plurielles, établies par la confrontation savante, plutôt que par une évaluation technocratique, toujours en retard d’une crise.

Face à la gravité de la situation qui affecte nos vies, l’heure n’est pas aux mises en cause individuelles. Mais nous n’oublierons pas ce qui a permis que l’on en arrive là. Les morts de cette crise nous obligent. Et nous ne laisserons pas celles et ceux qui n’ont pas su la prévenir ou en réduire la portée, la résoudre par des mesures liberticides, ou mettre en place un énième plan d’austérité justifié par une dette que des politiques aveugles ont contribué à fabriquer. Le métier de scientifique ne consiste pas à aménager la crise ou climatiser l’enfer, ni à bâillonner la démocratie au nom du savoir expert.

Conscients des crises qui frappent notre société, nous appelons chacun et chacune à se mobiliser pour engager la refondation de notre monde abîmé. Ce printemps, dès la fin du confinement, nous nous engageons à repenser collectivement l’ensemble de nos institutions sociales, politiques et économiques et à poser les jalons d’une société conforme à nos aspirations et à nos besoins. Après l’été, nous convions l’ensemble des citoyens à des Assises de la Refondation, le 20 septembre 2020,  pour définir un programme visant à rompre de manière effective avec les politiques actuelles et à juguler les crises environnementale, sociale et démocratique qui menacent notre monde et nos vies. Nous devons à la jeunesse un horizon élargi, un avenir à nouveau ouvert.

Nous appelons tous les autres secteurs de la société à se joindre à notre démarche, et à écrire leur propre texte de refondation en adaptant ce paragraphe de conclusion.

La signature de ce texte appelant à repenser les liens entre science et société est ouverte à tous les citoyens et citoyennes, au-delà des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, étudiants, universitaires, chercheurs, techniciens, ingénieurs et administratifs.

Premiers signataires

Camille Noûs, Bruno Andreotti, Stéphane André, Marc Aymes, Nicole Belayche, Olivier Berné, Samuel Boissier, Anne Bory, Sébastien Boulay, Christophe Boëte, Antoine Chambert-Loir, Kristel Chanard, Amélie Coulbaut-Lazzarini, Lauric Cécillon, Christophe Dansac, Fabien Desage, Nadine Dieudonné-Glad, Hervé Diot, Jean-Pierre Djukic, Pascale Dubus, Hélène Débax, Florence Elias, Emmanuèle Gautier, Laurence Giavarini, Julien Gossa, Mathieu Grenet, Jacques Haiech, Philippe Huneman, Caroline Ibos, Pierrick Labbé, Joël Laillier, Alice Lebreton, Danouta Liberski, Pascal Maillard, Jean-Christophe Marcel, Aurélia Michel, Perola Milman, Pierre-Yves Modicom, Emmanuel Munch, Mustapha Nadi, Thomas Perrin, Joël Pothier, Paulette Roulon-Doko, Arnaud Saint-Martin, Johanna Siméant-Germanos, Michel Volovitch


Refonder l’Université et la Recherche pour retrouver prise sur le monde et nos vies

Liste des 7401 signataires

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Appel à la refondation de l’ESR

À l’occasion de la candidature collective au Hcéres, nous avons défendu l’idée d’une autonomie du monde savant. Vous trouverez ici une nouvelle tribune à paraître prochainement dans la presse, qui prendra par la suite la forme d’une pétition à destination du grand public. Elle complète notre profession de foi collective en développant l’idée d’une responsabilité du monde savant vis-à-vis de la société, tout en réaffirmant le principe des libertés académiques. Elle entend prolonger la démarche engagée en janvier en l’inscrivant dans un temps plus long, nécessaire à la refondation de l’Université et des autres institutions de recherche dans un contexte de crises multiples. Le confinement auquel nous nous astreignons et la dureté de la période que nous traversons nous invitent à ouvrir de nouveaux horizons.

Vous pouvez vous joindre aux signataires en vous inscrivant sur cette page.

Dès parution de la tribune, nous vous invitons à appeler vos étudiants, leurs familles, l’ensemble des citoyens à signer. Pour diffuser sur twitter, le double hashtag sera: #refonder et #Appel20Mars.

Prenons soin les uns des autres. Courage à nous tous.

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Alex s’appellera Camille Noûs

Dans la pandémie que nous traversons, nos pensées vont aux malades, à leurs familles et aux personnels hospitaliers. Pendant la phase de confinement, de nombreux articles seront produits et, l’opération Alex étant prête, il nous a semblé raisonnable de ne pas la repousser à des temps moins douloureux. Réaffirmer un « Nous » scientifique résonne au contraire comme un engagement à la solidarité. Peut-être pouvons nous prendre part dès à présent à la reconstruction de la société qui aura nécessairement lieu dans quelques mois.

Sur la base du sondage auquel vous avez été très nombreux à contribuer, la meilleure des solutions pour « Alex » a été déterminée, qui a le mérite d’emporter l’adhésion d’une majorité des suffrages. L’opération est donc lancée dès maintenant, avec ce nom, Camille Noûs, qui du fait des normes éditoriales de nombreuses revues s’écrira la plupart du temps sous sa forme contractée C. Noûs. L’adresse courriel de communication associée est camille.nouscogitamus.fr.

Une suggestion pour le nom de son laboratoire de rattachement a été proposée plusieurs fois par courrier électronique : Laboratoire Cogitamus / Cogitamus laboratory.

Ce nom nous a semblé parfait, et nous souhaitons cette fois éviter de prendre un mois de plus pour aboutir par sondage à un choix équivalent. Le laboratoire Cogitamus, dont nous évoquons ci-dessous quelques possibilités d’usage, n’a pas d’adresse. Tous ceux qui le souhaitent sont invités à se déclarer chercheur associé ou chercheuse associée au laboratoire Cogitamus.

Comment expliquer à nos collègues ce que représente Camille Noûs ?

Camille Noûs représente la part collective irréductible de notre travail de construction, de critique et de consolidation des savoirs. La recherche repose en effet sur la coopération et sur le partage de travaux antérieurs : il n’y a pas de progrès de la connaissance en-dehors de cette dimension collective, au présent comme au passé, du travail de chercheur. La valeur de la recherche se  mesure donc à son appropriation collégiale, dans le partage, le dialogue et la controverse — autant de pratiques qui fondent les normes à l’aune desquelles nous reconnaissons la qualité d’une recherche. C’est de cette double exigence de collégialité et de qualité que Camille Noûs est le nom.

Sur le plan pratique, « Camille Noûs » fonctionne essentiellement comme un consortium savant tel qu’il en existe dans certaines sciences expérimentales, s’ajoutant aux auteurs proprement dits des publications. Au moins un texte à venir sera directement et exclusivement signé par le consortium, qui acquerra ainsi le statut de véritable auteur : la charte collective multilingue sur les principes de collégialité, de transparence et de qualité sur le respect desquels nous nous engagerons lorsque nous apposerons le nom « C. Noûs » à la liste des co-auteurs d’un article. Cette charte sera basée sur la profession de foi commune pour la candidature à la présidence du Hcéres, une fois celle-ci étoffée et discutée. Nous réfléchissons actuellement aux modalités de rédaction que nous vous proposerons et sommes ouverts à vos suggestions. Sur la base de vos propositions et du volontariat, d’autres textes pourront suivre concernant la déclinaison de ces principes de partage et de controverse collégiale (disputatio), notamment à l’échelle de grands champs disciplinaires. Le consortium « Camille Noûs » vivra et illustrera donc notre exigence commune.

Camille Noûs a vocation à devenir co-signataire de tout ou partie de nos publications, comme signe de notre inscription dans cette démarche collective. Selon les disciplines, les revues peuvent demander de préciser quelle partie d’un travail a été accompli par quelle personne. Dans ce cas, nous vous proposons d’indiquer que Camille Noûs a élaboré ou contribué à élaborer le cadre méthodologique, l’état de la recherche ainsi que les procédures de suivi post-publication, toutes choses qui relèvent effectivement de la construction collégiale des normes de la science.

Comment faire exister et vivre le laboratoire Cogitamus ?

Cogitamus est né de la nécessité de donner une affiliation à Camille Noûs et d’offrir une solution aux chercheurs désireux de s’associer à cette démarche collégiale mais empêchés de le faire par des contraintes diverses. Le statut de « membre associé au laboratoire XXX » est sans incidence budgétaire ou réglementaire et n’a pas de valeur institutionnelle, si bien que se donner une affiliation secondaire à Cogitamus ne présente aucun risque pour quiconque.

Pour autant, donner à ce laboratoire symbolique une existence réelle nous a semblé au fil des jours de plus en plus intéressant. Cogitamus serait à l’évidence délocalisé dans l’espace, omnidisciplinaire et expérimental. Cogitamus pourrait par exemple mettre en place des programmes de recherche au service de l’intérêt général et d’institutions sociales à inventer, qui nous aident à répondre collectivement à la multitude de crises qui s’amplifient mutuellement et auxquelles notre société va avoir à faire face. Par exemple, le projet d’ouvrage collectif préfigurant un système d’Université et de recherche conforme à nos exigences et aux aspirations de la société y aurait toute sa place. En outre, Cogitamus ne comptant que des membres associés, toutes et tous y sont égaux, ce laboratoire fera l’expérience concrète de la liberté académique et du pluralisme, dans l’esprit que les compagnies savantes du début de l’âge moderne entendaient promouvoir. Cogitamus pourra donc, d’une part, servir d’affiliation à de nombreux chercheurs précarisés, et d’autre part, donner un cadre à des recherches novatrices ou mêlant des disciplines et des institutions séparées Si Cogitamus se fonde sur une affirmation des fondements de la démarche scientifique en termes de service du bien commun, de défense des solidarités et d’inscription dans le temps long de l’humanité, ses usages s’inventeront au gré des nécessités.

Accessoirement, Camille Noûs et le laboratoire Cogitamus seront rapidement en tête de tous les classements dont nous n’avons que faire. À nous de les faire vivre conformément à nos aspirations.

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Fin du Mois, début du « nous »

L’opération Alex a été infléchie pour prendre en compte une question récurrente : quel est le sens de ce nom fictif ajouté à un auteur, une autrice, ou une liste d’auteurs, et ne relève-t-il pas d’une falsification — d’un déficit d’éthique ? Par ailleurs, le choix du prénom ayant fait l’objet d’un grand nombre de courriels — si choisir le prénom d’un enfant provoque des tensions dans un couple, on imagine la difficulté pour plusieurs milliers de personnes — nous avons ouvert le choix à l’ensemble des propositions reçues, que nous soumettons à l’appréciation de tous pour une adoption sous quatre jours.

La nouvelle proposition se fonde sur l’idée selon laquelle Alex (gardons temporairement ce prénom) représente la communauté académique. Alex est une personnalité morale qui vaut pour l’ensemble des savants s’inscrivant dans le « nous » scientifique au sein duquel s’élaborent les normes probatoires et les formes de la disputatio. Alex s’apparente à un consortium scientifique, comme cela se pratique, par exemple, en physique des particules. À quel titre la signature d’Alex, valant pour la communauté savante, serait-elle alors ajoutée aux auteurs proprement dits ? Alex serait d’abord la reconnaissance de la dimension collective de la recherche, comme production irréductible aux fragmentations disciplinaires. Alex serait l’affirmation d’un monde savant animé par son mouvement propre de questionnement endogène, qui crée le savoir comme un commun de la connaissance qu’aucun intérêt particulier ou privé ne peut s’approprier. Alex serait porteur de la revendication d’une recherche, désintéressée, de vérités irréductibles à toute dimension utilitaire. Alex procéderait d’une garantie d’éthique intellectuelle fondée sur l’exigence et la qualité scientifique, accordée par les pairs.

Dans notre prochain courrier, nous proposerons un document détaillant le sens d’Alex et sa légitimité de signataire, nécessaire pour convaincre nos co-auteurs du bien-fondé de l’opération. Dans cette première phase, le degré d’éthique des articles labellisés ne sera fondé que sur l’engagement de ses co-auteurs. Par la suite, une fois l’opération Alex révélée par une tribune internationale, nous pourrons, discipline par discipline, convenir d’une manière de faire reconnaître Alex comme garantie d’intégrité et d’exigence. Si nous parvenons à infléchir le système de publications scientifiques dans un sens conforme aux fondements du travail savant, Alex pourrait devenir une signature accordant du crédit, et recherchée à ce titre par les éditeurs.

Cette élaboration sur le rôle essentiel de la communauté scientifique dans toute publication, ne doit pas masquer le caractère joyeux de la promotion de cette figure allégorique au rang de scientifique le plus productif de la planète et, rapidement, le plus cité.