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Les naufrageurs

Les naufrageurs

Bilan budgétaire du quinquennat pour l’Université

Le ministère vient de faire paraître un communiqué de presse retraçant l’évolution du budget de l’Université au cours du quinquennat.[1]

Nous avons représenté la figure produite par le ministère à l’usage des journalistes, à gauche (vert), et les mêmes données, une fois l’inflation compensée (violet), en euros de 2017. Malgré l’effet d’affichage consistant à isoler en vert foncé un surcroît de budget — qui ne correspond à rien dans un projet de loi de finances — le graphique du ministère permet de se rendre compte que la loi de programmation de la recherche (LPR) n’a rigoureusement rien changé à la trajectoire budgétaire : les augmentations sont calculées par Bercy de sorte à compenser l’inflation (violet). L’unique loi du quinquennat n’aura fait miroiter un accroissement budgétaire (totalement fictif, donc) que pour précariser et bureaucratiser un peu plus l’enseignement supérieur et la recherche. Dernière entourloupe en date, le « CDI de mission scientifique » prévu par la LPR, s’avère dans le décret du 4 novembre 2021 être un contrat à durée prévisionnelle pour des missions non nécessairement scientifiques, qui peut être interrompu à tout moment.

Du fait du babyboom de l’an 2000, le nombre de bacheliers a fortement augmenté pendant le quinquennat, ce qui était prévisible 18 ans à l’avance. Le nombre d’étudiants aurait augmenté dans les mêmes proportions, s’il n’y avait pas eu une politique de découragement des études universitaires (Parcoursup en particulier). Le budget par étudiant est représenté en rouge, sur l’axe de droite, selon une convention permettant de le lire comme un budget effectif, compensé de l’accroissement du nombre d’étudiants, sur l’axe de gauche. Il est en baisse significative.

Le déclin de l’Université et de la recherche scientifique publique comme de la recherche appliquée privée est devenu, à l’occasion de la crise sanitaire, un fait documenté. Si ce déclassement touche la majorité du monde académique, certains en ont été préservés. Pourtant, parmi les universitaires et les chercheurs actifs, plus grand monde ne doute du lien de causalité entre les réformes de bureaucratisation, de paupérisation, de précarisation et ce déclin. Une refondation tournant la page de vingt ans d’une politique désastreuse[2] est devenue une nécessité pour freiner le délitement de notre écosystème de recherche et d’enseignement supérieur.

Le Hcéres, caricature de sa propre bureaucratie

Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) vient de publier le référentiel d’évaluation des établissements, entités de recherche et formations de la « vague C » (Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val-de-Loire, Corse, Grand-Est, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Nouvelle-Calédonie et Polynésie Française). Ce référentiel paraît un an après la nomination de M. Coulhon à la présidence du collège du Hcéres. Le 12 novembre 2021, l’ex-conseiller du président de la République déclarait : « Il faut trouver un équilibre entre la simplicité, la légèreté de l’évaluation, et son efficacité ». Promesses non tenues : le référentiel publié est caricatural dans ses excès bureaucratiques, abject dans la déclinaison de l’excellence académique qu’il prétend évaluer et chronophage dans son application : d’où, moins de temps pour la recherche et donc moins d’articles de qualité. Les dizaines de critères d’évaluation ainsi définis (et déjà numérotés pour un traitement dématérialisé des rapports d’autoévaluation) sont à la fois le résultat et la quintessence de vingt années de politique de sape bureaucratique de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une nouvelle fois, nous réaffirmons que la réappropriation par la communauté académique des normes qualitatives de notre métier doit être une priorité. Aux malheureux collègues qui essuieront les plâtres de ces nouvelles normes et procédures bureaucratiques, nous souhaitons courage et résistance.

Séminaire Politique des sciences du jeudi 25 novembre

« Enquêtes difficiles, données sous contrôle ? Quelques aperçus des transformations matérielles et normatives dans la recherche en SHS »

Jeudi 25 novembre de 16h30 à 20h30, Campus Jourdan de l’ENS, salle R1-07, 48 boulevard Jourdan, Paris 14ème, et sur la chaîne de Politique des sciences.

Les sciences humaines et sociales (SHS) ont vu s’accumuler au cours des trente dernières années des tendances parfois contradictoires, entre banalisation de l’ethnographie, augmentation des corpus numériques, formes renouvelées de circulation des méthodes entre disciplines, mais aussi injonction à la protection des enquêtés « vulnérables » et formes bureaucratisées de l’éthique de la recherche (Institutional review boards et consent forms), augmentation des procès contre des chercheurs et chercheuses, appel à la science ouverte mais aussi à la protection des données sensibles… Si ces transformations ne concernent pas que les SHS, elles ont des effets bien particuliers sur celles-ci.

De quelle façon ces évolutions transforment-elles les formes de la recherche en SHS ? Le projet de cette séance est de faire part à la communauté scientifique d’un premier état des lieux — à poursuivre dans d’autres séances — des problèmes spécifiques qui se posent en SHS, des risques nouveaux qu’affrontent aujourd’hui les chercheurs et chercheuses, de l’importance de ne pas appliquer mécaniquement dans ces disciplines des formats issus du monde des sciences biomédicales et expérimentales, faute de quoi ce serait non seulement leur inventivité qui pourrait s’en trouver affectée, et avec elle la possibilité de décrire le monde, mais aussi, peut-être, la liberté académique.

  • Johanna Siméant-Germanos — La littérature et le journalisme bientôt plus libres de décrire le monde que les SHS ? Quand l’enchevêtrement d’injonctions contradictoires entrave la recherche.
  • Etienne Ollion — Faire une enquête à l’heure des données numériques.
  • Mathilde Tarif — À qui appartient-il de définir le risque des terrains d’enquête difficiles ?
  • Marwan Mohammed — L’irruption de la violence durant l’enquête et ses effets en matière de protection des données et des sources.

[1] Il s’agit techniquement de la subvention pour charge de service public au titre du programme 150, donnée qui a malheureusement disparu des jaunes budgétaires.

[2] « Valérie Pécresse cultive une forme de modernisme de bon aloi qui enrobe des convictions bien trempées qui laissent peu de place au doute. Comme ministre, elle s’est attelée à une réforme des universités qui ne méritait pas les cris d’orfraie de la gauche. Sous mon quinquennat, nous lui avons donné une dimension nouvelle, avec le regroupement des établissements d’enseignement supérieur car l’autonomie et l’excellence ne contredisent pas les objectifs de démocratisation et de professionnalisation des études supérieures. » François Hollande, Affronter, ed. Stock, 2021.

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Le courage de la vérité

Vous trouverez en fin de billet les liens vers les vidéos du séminaire Politique des sciences consacré au rôle du collectif dans les mathématiques.

À Pascale

Pascale a toujours été là, franche. Là d’abord avec ses étudiants qu’elle aimait — et elle le disait. Là aussi avec ses collègues chercheurs, avec lesquels elle partageait son amour de la peinture italienne et sa sensibilité aux ponts étranges qui pouvaient être parfois lancés entre la mort, l’art et la politique, à Sienne ou ailleurs. Là avec nous, avant que Rogue ne vit le jour, et dès qu’un possible mouvement collectif pointa à la fin janvier 2009. Là avec toutes et tous, avec quiconque prenait la parole pour dire l’insupportable, avec celles et ceux qui ne voulaient pas renoncer, qui espéraient toujours que ça reparte, qui croyaient que ce n’avait été que le début, qu’on avait subi une défaite mais qu’on n’avait pas perdu, pas perdu tout à fait, pas perdu pour toujours. On pouvait être en désaccord avec elle, mais on savait au fond qu’on était du même côté et c’était cela qui comptait ; et puis, à la fin, on se retrouvait, parfois après des détours, pour travailler, écrire, relire, organiser, penser ensemble dans la mesure où chacun était convaincu d’être plus efficace et plus intelligent avec d’autres que dans l’isolement. Avec elle on était ensemble sans même avoir besoin de partager tous les choix car, même si les analyses pouvaient différer à l’occasion, chacun reconnaissait à l’autre d’avoir le même horizon et de combattre la même chose : l’Université managérialisée qui nous est imposée à grands renforts de « réformes » bureaucratiques, de paupérisation organisée, de dépossession de nos métiers et de décisions autoritaires. Pour lutter sans cesse et sans faiblir il fallait continuer à dire, à parler entre nous, à réagir, à écrire des textes, à prendre position, sans s’arrêter parce que nous étions moins nombreux, sans se taire parce que personne n’écoutait. Pascale a continué et ce fut, tout simplement, son honneur.

Nous dédions à Pascale les trois textes de Rogue sur la liberté académique. Elle y a beaucoup contribué. Elle n’aura pas vu la version finale du dernier.

Première partie : Réinstituer la liberté académique.

Seconde partie : Dépasser le paradigme de la tour d’ivoire ?

Troisième partie : Liberté et éthique académiques.

Pour quelles « compétences » les néo-managers sont-ils sélectionnés ?

Dans une tribune récente, des académiciens ont regretté le processus de nomination opaque à la tête des institutions de recherche : « Il est nécessaire que les présidents des grands organismes soient des personnalités scientifiques ayant l’autorité suffisante pour prendre des décisions fortes qu’ils puissent faire accepter au pouvoir politique et aux partenaires sociaux » Indépendamment de notre attachement au double principe d’autonomie et de collégialité de la recherche scientifique, qui suppose d’en finir avec toute dérive bureaucratique, qu’elle soit incarnée par des personnes reconnues pour leurs travaux ou non, cette prise de position pose une question d’importance : sur quelles normes, par quelles procédures, pour quelles compétences les néo-managers sont-ils sélectionnés ?

Le renouvellement de la présidence du CNRS nous donne quelques éléments de réponse. Du « darwinisme » plébiscité par M. Petit, il ne reste manifestement rien dès lors que la sélection s’opère pour des fonctions « dirigeantes » : les candidatures de « personnalités scientifiques » ont été rejetées sans examen ni critères explicites, sans travail analytique de rapporteurs, dans l’opacité la plus grande, en dehors de tout cadre conforme à l’éthique académique.

Sans illusion démesurée, nous nourrissions quelque espoir que M. Petit, actuel président du CNRS, accepte de discuter publiquement avec les autres candidats de la politique de recherche nationale. La communauté académique aurait aimé plus de substance que ce descriptif de sa pratique du pouvoir, « virile, mais correcte » (sic); elle aurait aimé comprendre la logique de la suppression de postes pérennes au profit de contrats précaires, qui fut expliquée par cette métaphore : « C’est comme si tu pouvais te payer Neymar, mais que tu n’aies pas de quoi lui payer un ballon. » (sic).

Qu’il en ait reçu l’ordre du ministère ou de l’Élysée, ou qu’il n’ait pas, lui-même, le courage du débat public n’y change rien : M. Petit refuse tout échange avec la communauté savante et les membres du CNRS. Constater qu’à la tête du « vaisseau amiral de la recherche française » (sic) la vertu cardinale du monde académique — le courage de la vérité, l’éthique de la disputatio — fait défaut en dit long sur le naufrage en cours de la vie intellectuelle.

Sans doute faut-il interpréter cette dérobade comme un aveu : l’exécutif est conscient du mécontentement de la communauté savante devant les choix politiques opérés depuis 20 ans. Les nominations, que ce soit à la tête du Hcéres ou du CNRS, se font contre la communauté académique, en violation du principe d’autonomie du monde savant, en contrevenant aux règles déontologiques les plus élémentaires. Le critère primordial de sélection semble être d’incarner le cauchemar de L’Homme sans qualités (Musil) : être de simples gestionnaires, de simples courroies de transmission du pouvoir. La qualité principale des néo-managers est ainsi d’abdiquer par avance le pouvoir effectif associé à la fonction, de n’en rien faire sinon se conformer au règne de l’insignifiance voire de déléguer les stratégies d’établissement à des cabinets de consultance.

Vidéos du séminaire Politique des Sciences du jeudi 21 octobre 2021

Bruno Andreotti — Présentation du Séminaire de Politique des sciences

Isabelle Gallagher — La communauté mathématique : des rêves à l’épreuve de la réalité.

Antoine Chambert-Loir — Bourbaki, mythe et pratique d’un mathématicien collectif.

Catherine Goldstein — Et les autres ? Histoires et imaginaires.

Michel Broué — Mathématiciens et solidarité, abstrait et concret.

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Liberté et éthique académiques

Liberté et éthique académiques

Ce texte analytique long sur l’articulation entre liberté et éthique académiques, fait suite aux deux premiers volets, et ouvre sur la création d’une association et d’un fonds de dotation en faveur des libertés académiques.

Défendre la liberté académique suppose d’en définir précisément les limites. De fait, elle est bornée d’un côté par le droit commun et de l’autre par l’éthique académique. Or, ce sont précisément ces limites que les attaques maccarthystes et bureaucratiques tentent de déplacer. Dans ce nouveau billet, nous partirons d’exemples précis sur lesquels nous pouvons construire, sinon une règle générale, du moins une forme de jurisprudence. Après une brève exposition du lien indéfectible qui unit selon nous la liberté et l’éthique académiques, nous étudierons les enseignements de quatre cas concrets pris dans l’actualité récente : les procédures-baillons intentées par des chercheurs pour déplacer vers les tribunaux ce qui relève de la dispute collégiale ; les débats déclenchés par les prises de position antivaccinales d’un sociologue du CNRS, et les réactions institutionnelles problématiques à ces prises de position initiales ; l’installation par l’Élysée d’une commission censée fixer a priori les limites du scientifiquement dicible sous couvert de lutte contre « le complotisme » et « les fake news » ; enfin, la volonté du ministère de l’Éducation nationale de s’arroger un droit de contrôle idéologique des formations universitaires dispensées aux futurs enseignants. Nous concluons par un point sur le projet de constituer rapidement un fonds de solidarité pour la liberté académique.

Éthique académique

L’éthique académique suppose d’abord de mener ses travaux avec intégrité. Dans les sciences de la nature, l’intégrité scientifique repose sur la publication de résultats fiables, reproductibles, honnêtement présentés, établis avec une méthode rigoureuse, appuyés sur un appareil de preuves complet et soumis à la libre critique des pairs. Elle repose aussi sur l’établissement d’une bibliographie fidèle à l’état de l’art, l’ensemble des travaux précédents étant articulés rationnellement et, le cas échéant, critiqués. L’intégrité suppose plus largement une « rectitude du raisonnement », une éthique intellectuelle qui recouvre l’ensemble des devoirs et des vertus propres à l’élaboration, à la diffusion et à la critique des savoirs.

L’éthique académique toutefois ne requiert pas, comme on le dit parfois, une neutralité en valeur ou une absence de positionnement politique. On aurait par exemple du mal à reprocher à un biologiste de la conservation de se soucier de préserver la biodiversité. L’organisation sociale de la recherche scientifique, si elle est régie par les normes adéquates, fait en sorte elle-même que dans le travail de critique des propositions théoriques d’un ou une chercheuse donnée, la neutralité de valeurs soit respectée lors de l’admission ou du rejet final d’une proposition théorique. Les exemples historiques de pathologies observées dans cette organisation pratique, comme l’eugénisme britannique ou le lyssenkisme, montrent que les détournements de la science à des fins idéologiques sont des travers systémiques avant d’être des fautes individuelles.

Un tel rappel permet d’étendre les notions de probité et d’intégrité définies précédemment aux sciences humaines et sociales, nonobstant le fait qu’on peut longuement discuter pour savoir si elles partagent ou non avec les sciences naturelles un noyau méthodologique, et sans préjuger de leur propre diversité. En effet, ces questions sont sans incidence sur ce qui vient d’être dit de l’éthique académique. Le fait que les sciences sociales peuvent exiger une intrication plus forte que les sciences naturelles entre valeurs non épistémiques et normes épistémiques ne saurait les dérober à l’éthique académique proprement dite.

En résumé, la liberté et l’éthique académiques sont les deux faces d’une même pièce. La suite de ce billet analysera des déviations à l’éthique académique qui sont inséparables de remises en questions des libertés académiques. Ce tour d’horizon de situations tératologiques permettra de schématiser quelques figures paradigmatiques possibles.

Judiciarisation des controverses scientifiques et procès bâillon

La pandémie de SARS-CoV-2 a conduit à une production massive d’articles scientifiques de qualité médiocre rendant difficile le suivi quotidien de l’état des connaissances. Cependant, les articles les plus problématiques ont été ceux, méthodologiquement critiquables et donc difficilement conclusifs, qui ont été promus à grand bruit dans l’espace public[1]. Ainsi, M. Trump et M. Bolsonaro ont-ils promu le fantasme d’un médicament miracle contre la Covid, l’hydroxychloroquine. M. Macron a pour sa part été en liaison hebdomadaire avec le directeur de l’IHU, par l’intermédiaire de M. Coulhon, président du Hcéres, et a rendu à M. Raoult une visite aussi exceptionnelle que médiatisée. Pourtant, une simple bibliographie faite avec intégrité montrait dès le départ que ce médicament utilisé dans la lutte contre le paludisme n’avait eu d’effet in vivo sur aucun virus de la même famille, laissant peu de chances à une balance bénéfice/risque favorable.

Ces travaux ont naturellement donné lieu à d’innombrables commentaires hors de l’espace des publications scientifiques proprement dites, sur le réseau Pubpeer, dans des billets de blog ou sur les réseaux sociaux. De telles critiques ont été le fait de scientifiques, actifs dans le domaine ou non, comme de citoyens sans activité de recherche. En réaction, l’IHU a porté plainte en justice contre différents collègues ayant participé à cette dispute scientifique.

Ce cas nous pose plusieurs problèmes pratiques. Est-il légitime de porter une controverse scientifique devant la justice au titre qu’elle se fait en dehors du cadre normé des revues académiques ? Y-a-t’il une légitimité à invoquer le droit commun (la plainte) pour brider le principe de libre critique des travaux savants ? Le recours à l’anonymat ou au pseudonymat pour produire des critiques ou des commentaires scientifiques en pre- ou post-review, pose-t-il un problème ?

La liberté académique protège les chercheurs dans leurs critiques des travaux scientifiques et de leur méthodologie, quel que soit l’espace dans lequel elles sont produites. La vérité scientifique ne se décide ni devant les tribunaux, ni sur les plateaux de télévision. L’anonymat des rapporteurs scientifiques est une norme académique destinée à les protéger d’éventuelles pressions qui pourraient entraver la liberté de critique. Il n’y a donc là rien qui puisse être invoqué par les plaignants dans le cadre de leur défense en tant que scientifiques. Au contraire, leur action en justice apparaît comme une tentative d’empêcher l’exercice de procédures constitutives de l’exercice du métier de chercheur. Les plaignants peuvent d’autant moins invoquer la liberté académique pour défendre leur cause que les principes de l’éthique académique n’ont pas été respectés dans les travaux qu’ils entendent soustraire à la critique en traînant en justice leurs contradicteurs. En particulier, les publications d’origine ne satisfaisaient pas aux standards habituels d’intégrité d’un travail savant.

Mais ici, le plus important est peut-être qu’une autre dimension de l’éthique académique s’ajoute au problème d’intégrité : la responsabilité devant la société. Contourner les mécanismes de véridiction par les pairs sur lesquels se fonde la science en adoptant une communication médiatique directe et massive constitue une atteinte grave à l’éthique académique. Ce point permet de poser un premier fondement de ce que recouvre la responsabilité sociale du savant : des résultats doivent être invoqués dans l’espace public d’autant plus prudemment qu’ils sont critiqués, qu’ils peuvent avoir des conséquences dramatiques ou qu’ils s’appuient sur une méthodologie qui pose problème. Les exemples abondent malheureusement dans l’actualité. On pourrait citer par exemple l’usage des tests polygéniques à des fins eugénistes, celui des « big data » dans la répression automatisée des Ouïghours, la supposée détection de l’homosexualité par la recognition faciale, ou le mésusage pseudo-scientifique de données génétiques.

Le scientifique en recherche d’une notoriété médiatique confond les genres : une proposition scientifique, fût-elle hautement corroborée, n’est pas un fait divers relaté par un journal fiable. Elle reste un objet de controverse, de disputatio, et demeure, comme toute science, objet d’un régime épistémique faillibiliste, entendu en un sens large (toujours révisable et révisé, par exemple au vu d’enjeux empiriques ou d’économie interne). Le bateleur médiatique la porte devant les médias, pour lesquels il existe indéniablement des faits divers et objectifs, dont le régime épistémique est comme binaire : il est vrai ou il est faux que Descartes soit décédé (Descartes n’est pas un chat). En l’occurrence, les bateleurs et les plaignants sont essentiellement les mêmes personnes[2], mais il importe de souligner que leurs détracteurs n’auraient pas été plus légitimes pour porter la controverse devant les tribunaux. L’éthique n’est pas le juridique, et le recours au judiciaire pour régler des transgressions de l’éthique académique nous semble une confusion manifeste de genres. Les transgressions du droit commun appellent certes une réponse judiciaire — on peut penser à des faits relevant des sciences environnementales ou médicales — mais en tant que chercheur, le savant n’a pas à y recourir.

Les plaintes de l’IHU ne sont pas des cas isolés. Plusieurs autres plaintes similaires ont été déposées contre des chercheurs ayant produit des critiques sur des travaux touchant à l’articulation entre science et société. Il nous faut dire clairement notre refus collectif de voir les prétoires encombrés par ce type de plaintes. « La judiciarisation des débats scientifiques à des fins d’intimidation est inacceptable », et doit être considérée comme une violation majeure de l’éthique académique. La liberté de critique, elle-même soumise aux normes d’intégrité, à l’éthique intellectuelle et à la responsabilité devant la société, doit-être défendue comme une part inaliénable de la liberté académique.

Liberté académique et manquement notoire à l’éthique académique

Un autre cas très médiatisé est celui d’un sociologue du CNRS ayant choisi de combattre la politique sanitaire du gouvernement pour prôner davantage d’inaction et de dérégulation publique — il a vu dans la pandémie une « psychose collective » liée à « l’adoration du “principe” de précaution ». 

Pour ce faire, ce collègue a mobilisé une visibilité médiatique acquise à la faveur de son activité scientifique antérieure, dont l’objet est sans rapport avec le coronavirus ou la vaccination. Lorsque certaines de ses prises de positions sur son blog hébergé par un organe de presse ont été dépubliées par l’hébergeur, ce chercheur a dénoncé une remise en cause des libertés académiques.

Peut-il invoquer ainsi la liberté académique pour couvrir des prises de position obscurantistes contre la vaccination ?

Ce cas est très intéressant à analyser dans la mesure où les critiques qui ont été formulées à l’endroit de ce collègue sont tout aussi problématiques que sa propre attitude. Selon le communiqué du CNRS, intitulé « Le CNRS exige le respect des règles de déontologie des métiers de la recherche », le problème serait de ne pas situer la parole ; distinguer le chercheur du militant impliquerait donc de ne jamais signer de tribune ou de billet de blog ès qualités. Cette position fait écho à une interview du déontologue du CNRS qui entend soumettre la liberté académique au bon vouloir de la bureaucratie de l’organisme employeur. Il est difficile de ne pas s’inquiéter lorsqu’on peut lire sur le site officiel du CNRS qu’un universitaire ou un chercheur serait « soumis à une obligation de réserve qui a pour objet de l’inciter à observer une retenue dans l’expression de ses opinions, notamment politiques, sous peine de s’exposer à une sanction disciplinaire. » Comment sommes-nous passés de l’autonomie fondatrice de la science, de la libre critique de l’institution et de la nécessité d’une définition collective, par les pairs, de ses normes et de ses procédures, à l’idée de « parler de son administration dans des formes manifestant d’éventuels désaccords avec pondération » ?

Le problème posé par le blog de ce sociologue du CNRS n’est pas l’intervention dans l’espace public hors de son champ de compétences ; il n’est pas plus la participation à un débat public sur la politique sanitaire, débat qui a largement été occulté. Le problème exclusif est un déficit d’intégrité que l’on peut qualifier factuellement : la bibliographie du sujet traité comme la méthodologie analytique mise en œuvre ont été élaborées de façon partielle et partiale, au service de la thèse défendue a priori. En effet, des pans entiers de la littérature scientifique n’ont pas été intégrés à l’analyse, elle-même produite par un empilement de données détournées de leur sens épidémiologique : ni le rapport à la littérature ni le traitement des données empiriques ne satisfaisaient donc aux normes d’une argumentation scientifique rigoureuse. La portée sociale de l’intervention constitue une circonstance aggravante. Ce cas nous amène à une proposition simple : la responsabilité des universitaires et des chercheurs, leur engagement professionnel à se conformer à l’éthique académique et aux normes d’intégrité, s’étend au-delà de leur activité savante, y compris dans leurs prises de position politique. Ce collègue fait un mésusage du principe de liberté académique en la transformant en une liberté négative, un droit à dire tout et n’importe quoi en se prévalant de sa notoriété, en faisant abstraction de ce qui fonde pourtant la scientificité d’une proposition : sa soumission aux cadres contradictoires de la dispute collégiale.

Toujours à propos de ce blog tenu par ce sociologue, une tribune parue dans le journal Le Monde a appelé à une intervention disciplinaire du CNRS. Plusieurs de ses signataires ont participé à la campagne initiée il y a un an par Mme Vidal, M. Blanquer et M. Macron[3]. Il est donc à la fois significatif et peu étonnant de voir cette tribune s’indigner du fait que le sociologue en question soit intervenu dans l’espace public pour contredire les décisions des experts gouvernementaux, ce qui n’est absolument pas l’enjeu du problème, tandis qu’elle passe sous silence les questions d’éthique intellectuelle et d’intégrité scientifique. En effet, les participants de la croisade contre « l’islamo-gauchisme universitaire » ont eu le loisir ces derniers mois de succomber aux mêmes travers : ils ont ainsi recouru à des statistiques interpolées pour tenter d’étayer l’emprise supposée de cette chimère intellectuelle ; ils ont multiplié les publications et tribunes en-dessous des normes habituelles de raisonnement et de confrontation aux sources critiquées ; ils ont participé aveuglément à la diffusion d’accusations romancées, nourries de schèmes complotistes, au risque de mettre en danger des universitaires. On peut donc leur reconnaître une certaine constance dans l’aveuglement éthique. Pour notre part, nous prenons acte de ces manquements répétés aux principes régulateurs de notre métier, quelle que soit leur provenance ; nous entendons dénoncer cette entreprise de subversion de la liberté académique, mais il ne nous viendrait pas à l’esprit de demander aux bureaucraties des organismes de recherche de prendre des mesures disciplinaires contre leurs auteurs. Nous nous bornons à constater que les interventions de ce type se placent en-dehors du champ de la dispute académique reconnue.

L’entreprise de mise au pas dont relèvent les interventions de ces polémistes repose sur le dévoiement de la notion de liberté académique. À mille lieues de celle précédemment décrite, leur liberté académique relève d’une conception purement négative de la liberté d’expression, en tous points similaire au free speech revendiqué par les libertariens et l’alt right états-unienne. En montant en épingle une caricature de « neutralité axiologique », cette mouvance revendique la liberté de dire tout et n’importe quoi dès lors qu’on le fait en se prévalant d’un point de vue objectif. Sous cet angle, la position de ces défenseurs de la « neutralité axiologique » est strictement équivalente à la conception négative de la liberté dont se revendique le sociologue évoqué plus haut. La seule spécificité de cette campagne maccarthyste est sa propension à proclamer « non-scientifique » tout discours académique explicitant un parti pris dans la Cité, qu’il soit d’ordre social, éthique ou écologique. Redisons ici que la « neutralité axiologique » wébérienne, si l’on fait retour à la réalité des textes dont se prévalent les maccarthystes français, n’est pas une neutralité de la production scientifique ; il s’agit d’une suspension des jugements de valeur au moment de la réception de ces énoncés, lors de la dispute collégiale. L’éthique académique demande d’examiner impartialement la solidité théorique et empirique des arguments avancés par les pairs, mais pas d’être exempt de tout horizon politique au moment où l’on produit ses propres arguments.

Vérité et intellectuels d’État : le retour de l’hétéronomie scientifique

Du fait de l’ignorance de l’articulation entre liberté et éthique académiques, la plupart des prises de position audibles sur ces questions alternent entre une défense des libertés académiques qui se transforme en une incitation à dire n’importe quoi, et une admonestation à la « neutralité » ou à la « pondération », selon la délicieuse formule retenue par les instances déontologiques du CNRS. Ces ambiguïtés se vérifient sur le troisième exemple, à savoir l’invocation aujourd’hui sans cesse réitérée du complotisme, auquel d’aucuns entendent opposer, là encore, une instance bureaucratique de contrôle de l’information scientifique.

Contre les ravages supposés du complotisme, hydre idéologique jamais définie positivement[4], cette sorte de bureau de la vérité est supposé déterminer les limites de la parole recevable et de la parole illégitime. Par principe, cette dernière sera chassée du champ scientifique et donc censurable. La contradiction fondamentale entre la création d’une telle instance et le respect de la liberté académique est que cette agence ou ce bureau statuerait sur les contenus en se substituant à la controverse entre pairs. Une telle instance de contrôle est régulièrement réclamée, sans crainte du paradoxe, par les défenseurs d’une conception négative et abstraite des libertés académiques, sous couvert de lutte contre les « fake news », concept flou, utilisé sans jamais le définir, popularisé par son usage quotidien par M. Trump à des fins de disqualification politique.

En France, cette menace s’est concrétisée avec l’apparition dans la loi de programmation de la recherche (LPR) du projet de Science Media Center à la française porté par Mme Virginie Tournay. Cette institution, dénoncée par le monde journalistique comme par le monde scientifique, vise à contrôler les sources scientifiques des journalistes en leur produisant une communication pré-mâchée. Cette communication scientifique institutionnelle, en plus d’être souvent favorable aux bailleurs de fonds privés de ces « centres », prive de facto la communauté scientifique de toute possibilité de faire entendre une voix critique autonome. La désinformation financée par les compagnies pétrolières, niant la réalité du réchauffement climatique, nous indique clairement la vocation de toute institution de ce type : brider la liberté de la presse comme la liberté académique pour désinformer et réinformer.

L’installation d’une commission supervisée par M. Gérald Bronner, mélangeant historiens, journalistes, polémistes, représentants de la bureaucratie universitaire et experts toutologues constitue une nouvelle tentative de mettre en place un tel dispositif de contrôle. Sous couvert de défense de la rationalité contre les dérives dites radicales, autrement dit de défense supposée de l’universel contre les particularismes, et de la science contre les diverses superstitions, on retrouve ici une simple entreprise de mise au pas idéologique. Il est aisé de se poser en champion des Lumières et de la Raison, sans même se demander un instant ce que veulent dire ces termes, et pourquoi ils sont des objets majeurs de discussion académique depuis des siècles. Lorsque l’on appartient au monde académique, l’on serait tout de même censé savoir que depuis Kant au moins, le rationalisme implique d’entrer précisément dans cette discussion, plutôt que de se contenter « d’écraser l’infâme », en mettant sous le terme « infâme » la catégorie que l’on souhaitera arbitrairement y placer. Le verrouillage du débat sur l’essence de la rationalité, la volonté d’imposer une orthodoxie de l’information scientifique, sont une ligne rouge pour toute personne attachée aux libertés démocratiques, et notamment à la liberté académique.

Il est intéressant de constater que M. Bronner, qui pilote cette commission de nouveaux gardiens du dogme, et M. Raoult, évoqué plus haut, sont issus d’une même matrice idéologique caractérisée par l’hostilité générale au principe de précaution et la minimisation des risques environnementaux et sanitaires. Dans les années 2010, tous deux étaient des contributeurs réguliers à l’hebdomadaire Le Point, avec un penchant commun à la critique du principe de précaution et avec des positions proches sur la question climatique. Ainsi, M. Raoult y a écrit six articles entre 2013 et 2016 niant le consensus sur le réchauffement climatique, peignant des sciences de l’atmosphère comme une religion, un catastrophisme. En 2010, M. Bronner, éditorialiste au Point, écrivait dans son « inquiétant principe de précaution » que « Contrairement à ce qu’affirment les médias et les écologistes, tous les physiciens ne sont pas d’accord sur la théorie classique de l’effet de serre et sur le rôle du CO2 qui d’ailleurs est beaucoup moins important que celui de la vapeur d’eau. Il existe au moins une théorie alternative du phénomène. Personne n’en parle mais elle est exposée de manière assez claire sur les sites. » — suivait l’adresse d’un site obscurantiste reprenant des falsifications réfutées, alors, par le monde scientifique. Pendant les mois de février et mars 2020, si cruciaux, pour mettre en œuvre l’arsenal sanitaire large qui nous a fait défaut, M. Raoult et M. Bronner participaient partout à « l’infodémie » avec un même discours délétère « Il ne faut pas jouer avec la peur » déclarait l’un ; c’est « une épidémie de la peur » surenchérissait l’autre[5]. La réversibilité de principe entre populisme scientifique et rationalisme abstrait a donc une histoire. 

De la bataille culturelle aux lois attaquant la liberté académique

Les velléités de créer une commission disciplinaire de « neutralité axiologique » et/ou un commissariat technocratique à l’information scientifique ne sont pas les seuls avatars de la conception anhistorique et faussement transparente des Lumières et de la rationalité qui prévaut actuellement dans les sphères bureaucratiques. Le bridage de la liberté académique au nom d’une caricature d’universalisme est même plus avancé dans un troisième domaine : la formation des enseignants. Avant l’été, M. Blanquer, ministre de l’Éducation nationale a accueilli favorablement les préconisations formulées dans un rapport qu’il avait lui-même commandé à l’inspecteur général honoraire Jean-Pierre Obin sur la formation des enseignants aux « valeurs de la République », au nom desquelles le gouvernement avait tenté de restreindre les libertés académiques par voie législative. L’enjeu est très concret, puisque la refonte du CAPES, et notamment de ses épreuves orales, offre au ministère une occasion directe de contrôle idéologique des candidats. Or le rapport Obin désigne expressément l’autonomie des universitaires comme un « risque » dont il convient de se « protéger ». En particulier, il demande que le Code de l’éducation soit modifié pour permettre au pouvoir politique, par le biais de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, de contrôler le contenu pédagogique des formations dans les Instituts Supérieurs du Professorat et de l’Éducation (INSPÉ). On aurait tort de croire que cette offensive locale ne concerne pas l’ensemble du monde académique : compte tenu de la nature universitaire des INSPÉ, si l’enseignement et la recherche dans certaines disciplines représentées dans ces établissements devaient faire l’objet d’une mise au pas légale, un précédent juridique considérable serait posé, qui affaiblirait durablement le cadre réglementaire protégeant la liberté académique en France. Il est en effet proposé d’élargir à le champ d’application de l’article R*241-6, relatif aux pouvoirs de contrôle sur le contenu des enseignements, à des instituts dont les deux ministères concernés reconnaissent explicitement le caractère universitaire.

Dès cette année, le programme de formation continue des chefs d’établissement de l’enseignement secondaire a été modifié dans l’esprit du rapport, ce qui suggère que ses préconisations sont effectivement prises au sérieux par M. Blanquer. La plus grande vigilance est donc de mise pour les mois à venir, qui verront sans doute une offensive réglementaire ciblant l’Université à travers les INSPÉ. En outre, l’annonce récente de la dissolution prochaine du corps des inspecteurs de l’IGÉSR sans dissolution de l’inspection elle-même donne à cette velléité de modification réglementaire une portée supplémentaire, puisque l’instance de contrôle serait composée de membres nommables et révocables discrétionnairement et non de techniciens recrutés par concours et titulaires de leur poste. Parallèlement à cet effort de vigilance, nous devons proposer une refondation de la formation des enseignants dans le sens de l’exigence et de l’émancipation, à rebours du mouvement actuel.

Association et fonds de dotation pour défendre la liberté académique

Le travail scientifique est normé par une éthique que les chercheurs doivent partager, et à laquelle ils souscrivent par le fait même de contribuer à l’activité savante, y compris dans son volet pédagogique. La liberté académique suppose la liberté d’exprimer quelque opinion qu’on pense être susceptible de vérité, dans le cadre de l’éthique académique et en respect du droit commun. Inversement, qui ne souscrit pas à cette éthique, ou montre qu’il n’y souscrit pas du fait de ses comportements et prises de position, ne saurait invoquer l’exercice de la liberté académique pour justifier ses propos.

Malgré des attaques devenues quotidiennes, la situation de la liberté académique en France est bien meilleure que celles que nos homologues subissent en Iran, en Turquie, en Biélorussie ou en Afghanistan. Pourtant, si l’on considère l’ensemble des situations paradigmatiques examinées dans ce billet, il nous semble que le moment sera bientôt passé où nous pourrions avoir prise et en défendre le principe comme l’application concrète et solidaire. La tempête politique menace. Vous avez été nombreuses et nombreux à répondre positivement à la proposition de fondation d’une association et d’un fonds de dotation. Le montant prospectif des dons annoncés permettrait de franchir le seuil juridiquement crucial des 15 000 €. Nous avons également reçu des signes d’intérêt de la part de sociétés savantes. Le principe des deux est donc acté.

Nous ne prétendons aucunement à organiser seuls une telle opération, qui nécessite une adhésion large de notre communauté, et appelons les collèges individuels et les sociétés savantes intéressées à se manifester par retour de courriel. L’établissement des règles de fonctionnement de l’association comme du fonds de dotation est évidemment à construire patiemment jusqu’à consensus des adhérents. Il faudra élaborer les statuts au mieux pour assurer l’impossibilité de détourner de l’argent, l’impossibilité de détourner ces institutions de leurs buts par une prise de contrôle de groupes partisans, l’impossibilité de laisser s’installer une bureaucratie qui aspire au contrôle en dehors des adhérents. ll faudra aussi prévoir des dispositifs de réaction rapide aux rumeurs se propageant dans les réseaux dits sociaux, au cas où l’association ou le fond seraient invoqués pour couvrir une falsification scientifique.

L’association se mobilisera pour les collègues empêchés de faire leur métier à l’étranger, comme en France. Elle aura pour but de faire bouger la jurisprudence, d’obtenir des garanties juridiques, et de réfléchir à la question des bornes par le débat, la réflexion, des séminaires, des colloques… Il serait dangereux de fixer dans le marbre les cas qui pourraient survenir. Seul le débat contradictoire selon les normes savantes évoquées ici peut faire sortir de la rigidité normative comme des abus des usurpateurs et des charlatans.


[1] Les deux exemples les plus marquants, d’autant qu’ils sont parfaitement réversibles, sont l’étude de l’IHU Méditerranée Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial (Gautret et al. 2020), finalement publiée dans une revue du groupe Elsevier en juillet 2020 et non-rétractée depuis, et l’étude Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of COVID-19: a multinational registry analysis (Mehra et al. 2020), publiée en mai 2020 par The Lancet, également exploité par Elsevier, retractée peu de temps après suite à la découverte de graves manquements à l’intégrité scientifique.

[2] Michel Naud, ancien président de l’AFIS, dont plusieurs plaignants sont membres, a eu ce mot direct : « La judiciarisation des controverses scientifiques est une plaie. Et c’est toujours à l’origine de scientifiques à l’égo surdéveloppé et à l’éthique plus que chancelante que cela se passe. »

[3] Nous nous refusons à renvoyer aux textes diffamatoires de cette campagne. Les renvois externes dans cette section correspondent à des réponses factuelles ou à des critiques étayées de ces attaques, généralement par des personnes mises en cause.

[4] La définition la plus solide que nous ayons trouvée de la part d’un des protagonistes de ce combat est qu’on peut qualifier de complotiste « tout récit qui conteste la version officielle », une définition qu’un procureur stalinien n’aurait pas reniée.

[5] On pourra se faire une idée des signaux contradictoires envoyés par M. Bronner à l’époque en consultant son interview du 5 mars 2020 dans une émission de divertissement.

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Un débat public pour l’avenir de la recherche

Présidence du CNRS : Un débat public sur la politique de recherche

L’idée d’un débat public entre les candidats[1] à la présidence du CNRS et en dialogue avec la communauté scientifique fait son chemin.

L’un des candidats, Olivier Coutard, a donné son accord pour y participer. Plusieurs médias nationaux et internationaux ont proposé de couvrir le débat par un live et/ou un article a posteriori. Plusieurs parlementaires contactés qui auditionneront le candidat retenu se sont, eux aussi, montrés favorables à ce que ces échanges aient lieu. Trois conditions nous paraissent indispensables pour que la communauté se considère partie prenante de ce débat :

  • un lieu empreint d’une certaine solennité, ouvert à toutes et tous, sur inscription ; ce pourrait être une salle du palais du Luxembourg.
  • une modératrice et un modérateur dont l’intégrité et l’indépendance vis-à-vis des candidats soit indiscutable. Stéphanie Ruphy, professeure de philosophie des sciences et directrice de l’Office Français de l’Intégrité Scientifique, et Olivier Monod, journaliste scientifique au journal Libération, ont donné leur accord de principe pour mener ce débat.
  • un débat ouvert à tous les candidats à la présidence qui le souhaitent. Nous souhaitons qu’Antoine Petit, actuel président du CNRS et qui demande un renouvellement de son mandat, participe à ce débat pour présenter sa vision politique et son programme devant la communauté académique, sous les regards de celle-ci et de la presse.

Nous nous proposons de rassembler des questions écrites à l’adresse des candidats et de prendre en charge la retransmission vidéo.

Rentrée du séminaire Politique des sciences

Le séminaire Politique des sciences consacré à la politique des mathématiques aura lieu le jeudi 21 octobre 2021 de 14h30 à 18h30 à l’Institut Henri Poincaré (11 Rue Pierre et Marie Curie, 75005 Paris), amphi Darboux. Il sera retransmis en parallèle sur la chaîne de Politique des sciences : https://youtu.be/1FIQv8iL6fM.

  • Isabelle Gallagher — La communauté mathématique : des rêves à l’épreuve de la réalité.
  • Antoine Chambert-Loir — Bourbaki, mythe et pratique d’un mathématicien collectif.
  • Catherine Goldstein — Et les autres ? Histoires et imaginaires.
  • Michel Broué — Mathématiciens et solidarité, abstrait et concret.

[1] Certains candidats ont reçu une lettre type comportant pour seule motivation de leur non sélection, cette phrase : « Je vous informe par la présente que, au regard des éléments fournis à l’appui de cette candidature, elle n’a pas été retenue pour la suite du processus de sélection actuellement en cours. »

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Séminaire Politique des sciences / Liberté académique

Séminaire Politique des sciences / Liberté académique

Association ou fonds de dotation pour la liberté académique

Nous pensons urgent, avant qu’il ne soit trop tard, de défendre la liberté académique et la liberté d’expression de manière générale, et de nous protéger collectivement contre les attaques qui se multiplient contre les universitaires et les chercheurs.

Deux modalités sont envisageables. Un fonds de dotation pour la liberté académique aurait l’intérêt de conduire à une réduction d’impôt des deux tiers des dons mais nécessite 15 000 € de don initial. Il s’agit d’un outil de mécénat qui permet de soutenir des projets d’intérêt général. C’est un organisme à but non lucratif, géré à titre bénévole, qui permet d’apporter des aides directes aux personnes et aux associations, sous la forme d’aide juridique, de bourses, de prix, et de subventions. Une faiblesse : ce sont les établissements qui sont supposés fournir une aide juridique aux universitaires et aux chercheurs dans le cadre de la protection fonctionnelle et il convient de ne pas abandonner ce terrain trop vite. L’autre possibilité est une association pour la liberté académique, qui a l’inconvénient symétrique de ne pas permettre aisément d’atteindre l’autonomie financière permettant d’apporter une aide concrète en cas de dérive politique.

Après le message de la semaine passée, nous sommes au tiers de la somme nécessaire à créer un fonds de dotation. Merci de nous indiquer dans ce questionnaire votre intérêt pour ces initiatives.

Reprise du séminaire Politique des sciences

Après un an et demi d’interruption de Politique des sciences, dont nous sommes partenaires, le séminaire reprend le jeudi 21 octobre 2021 de 14h30 à 18h30 à l’Institut Henri Poincaré (11 Rue Pierre et Marie Curie, 75005 Paris) et sur la chaîne de Politique des sciences, retransmis en direct à cette adresse : https://youtu.be/1FIQv8iL6fM.

La séance de travail sera consacrée à la politique des mathématiques, avec les intervenants suivants :

  • Isabelle Gallagher — La communauté mathématique : des rêves à l’épreuve de la réalité.
  • Antoine Chambert-Loir — Bourbaki, mythe et pratique d’un mathématicien collectif.
  • Catherine Goldstein — Et les autres ? Histoires et imaginaires.
  • Michel Broué — Mathématiciens et solidarité, abstrait et concret.

Il leur a été demandé de discuter de manière réflexive, à partir de leur pratique et de l’histoire, de l’articulation entre individu et collectif, des stars et des autres, de Bourbaki comme de Camille Noûs, des mythes qui innervent ce domaine, des mathématiciens exerçant leur solidarité…

Le séminaire Politique des sciences, créé à l’EHESS, existe depuis 2008 et est le seul séminaire réflexif sur nos métiers, en France. Il constitue une occasion de nous trouver, puis de nous retrouver, une fois par mois pour réfléchir collectivement à l’activité scientifique et à son articulation avec la sphère politique, au sens le plus large. Pendant les 18 derniers mois, le séminaire a servi à diffuser des informations et des réflexions analytiques sur la syndémie de SARS-CoV-2 :

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« On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat. »

« On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat. »

Albert Camus, L’État de siège (1948)

Candidatures à la présidence du CNRS

La présidence du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) est à pourvoir pour le 25 janvier prochain. Nous y avons vu une occasion d’ouvrir enfin le débat public autour de la politique de recherche qui a manqué lors de la phase préparatoire de la Loi de Programmation de la Recherche (LPR), dont les universitaires et les chercheurs actifs ont été exclus. Nous avons saisi cette opportunité de nous réapproprier nos métiers et nos institutions en appelant à des candidatures issues de la communauté scientifique

Notre appel a été entendu et Olivier Coutard, président de la Conférence des présidents de sections du Comité national du CNRS a déposé sa candidature. Nous conseillons vivement la lecture de sa déclaration d’intention.

Sur un tout autre plan, Camille Noûs, dont vous trouverez le CV ici, à également déposé sa candidature, qui a dûment été réceptionnée :

Nous remercions chaleureusement celles et ceux qui ont déposé leur contribution à une candidature collective, ce qui a donné lieu à un compte rendu dans le journal Le Monde, à l’occasion du 10ème anniversaire de sa rubrique Sciences.

Ces candidatures, bel et bien recevables, sont précieuses pour l’étape qui vient : exiger qu’un débat public ait lieu et qu’une procédure de désignation par les pairs soit mise en place. 

Nous proposons dès à présent aux candidats non-déclarés à ce jour, ainsi évidemment qu’à Olivier Coutard et à Antoine Petit, d’organiser une présentation contradictoire de leurs conceptions de l’organisation de la recherche, en public, avec retransmission en direct. Par ailleurs, nous demandons qu’un vote consultatif de la communauté académique ait lieu, comme on le fait pour les directions de laboratoires. Rappelons que le président de la société Max-Planck, principal organisme de recherche allemand, est directement élu par l’instance permanente représentative de la communauté.

Texte programmatique RogueESR dans la revue Mouvements

La revue Mouvements vient de publier un numéro sur les politiques éducatives. Dans ce cadre, elle a proposé à RogueESR de se plier à l’exercice d’un texte programmatique pour l’Université. Vous trouverez ce texte ici.

Association ou fonds de dotation pour la liberté académique

Il ne se passe pas une semaine sans que la liberté académique soit mise en cause. Un jour, c’est le président de la CPU qui entend liquider la liberté pédagogique : « cette idée de l’université où l’on enseigne ce que les enseignants ont décidé d’enseigner car c’est leur petit jardin secret, et qu’on décrète ce que doit être la formation, est révolue. » Un autre, une journée d’étude sur un accident industriel est annulée par un président d’université trois jours avant sa tenue. Un autre jour encore, c’est le déontologue du CNRS qui ignore le fondement de la liberté académique, pourtant constitutionnalisé, et entend la soumettre au bon vouloir de la bureaucratie du supérieur : comment déformer ce principe au point de laisser entendre qu’un universitaire ou un chercheur soit « soumis à une obligation de réserve qui a pour objet de l’inciter à observer une retenue dans l’expression de ses opinions, notamment politiques, sous peine de s’exposer à une sanction disciplinaire » ; comment sommes-nous passés de l’autonomie fondatrice de la science, de la libre critique de l’institution et de la nécessité d’une définition collective, par les pairs, de ses normes et de ses procédures, à l’idée de « parler de son administration dans des formes manifestant d’éventuels désaccords avec pondération » ? Dans la même veine, le directeur d’un établissement de recherche a inauguré un colloque sur la liberté académique en laissant entendre qu’il fallait la subordonner à la logique de marque : exiger des universitaires et des chercheurs une loyauté vis-à-vis de leur établissement, donc de sa bureaucratie. Le lendemain, une collègue historienne intervenant dans le même colloque se fait injurier sur Twitter par une députée européenne de la majorité, pour le contenu de son intervention qu’elle n’a pas pu entendre. Depuis des mois, les menées néo-maccarthystes se multiplient ainsi que les procès baillon qui  judiciarisent les débats scientifiques à des fins d’intimidation.

Nous pensons urgent, avant qu’il soit trop tard, de défendre la liberté académique et la liberté d’expression de manière générale, et de nous protéger collectivement contre ces attaques qui se multiplient. Deux modalités sont envisageables. Un fonds de dotation pour la liberté académique aurait l’intérêt de conduire à une réduction d’impôt des deux tiers des dons mais nécessite 15 000 € de don initial. Il s’agit d’un outil de mécénat qui permet de soutenir des projets d’intérêt général. C’est un organisme à but non lucratif, géré à titre bénévole, qui permet d’apporter des aides directes aux personnes et aux associations, sous la forme d’aide juridique, de bourses, de prix, et de subventions. Une faiblesse : ce sont les établissements qui sont supposés fournir une aide juridique aux universitaires et aux chercheurs dans le cadre de la protection fonctionnelle et il convient de ne pas abandonner ce terrain trop vite. L’autre possibilité est une association pour la liberté académique, qui a l’inconvénient symétrique de ne pas permettre aisément d’atteindre l’autonomie financière permettant d’apporter une aide concrète en cas de dérive politique.

Merci de nous indiquer dans ce questionnaire votre intérêt pour ces initiatives.

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Décryptage du projet de loi de finance 2022 et de la situation des universitaires afghans

Présidence du CNRS : nous sommes candidat

Pour participer à la candidature collégiale à la présidence du CNRS, votre dossier doit être parvenu au ministère avant ce vendredi 1er octobre — on peut supposer que la date d’envoi du mail et le cachet de la poste feront foi. Il ne reste donc que trois jours…

Projet de loi de finance 2022

Nous avons lu le projet de loi de finance 2022 (PLF 2022), en attendant les « jaunes budgétaires », ces annexes détaillant la ventilation du budget, poste par poste, à paraître en octobre.

Comme chaque année, le stupéfiant dossier de presse du ministère présente des données chiffrées qui ne correspondent à aucune réalité budgétaire inscrite dans le projet de loi de finance lui-même.

Ainsi, il est annoncé cette année, en gros caractère, une hausse des effectifs de 650 postes (équivalents temps plein, ETPT). D’une part, le relèvement des plafonds d’emploi ne correspond pas à une hausse des effectifs lorsque le budget des établissements « autonomes » ne suit pas. D’autre part, le PLF 2022 indique que le plafond d’emplois (environ 260 000) baisse de 3 373 ETPT. Le plafond d’emploi du seul Hcéres est lui en augmentation de 128 ETPT.

L’essentiel tient dans la trajectoire de stabilité budgétaire, qui prévoit une baisse abyssale des dépenses publiques en ciblant l’investissement public, l’emploi statutaire (fonctionnaires) et la protection sociale. La mécanique générale de transfert des richesses vers la sphère privée, compensée par une diminution des dépenses liées aux systèmes de solidarité, est identique à celle de la crise bancaire de 2007-2008. Cependant, la cure d’austérité prévue dans le PLF pour les années à venir est d’une ampleur jusqu’ici inconnue en France.

Le budget de l’Université, comme prévu par la loi de programmation de la recherche (LPR), est stagnant : les 1,8% d’inflation sont très exactement compensés, ce qui fait passer le programme 150 de 13,91 Md€ à 14,16 Md€. À nouveau, l’augmentation du nombre d’étudiants à l’Université (34 000 étudiants en plus en 2021 par rapport à 2020 ; 59 600 étudiants en plus en 2020 par rapport à 2019) n’est nullement prise en compte : aucune nouvelle université n’a à ce jour été programmée et les recrutements d’universitaires sont en berne. Le Monde a publié un bilan chiffré qui corrobore nos données. Le bilan décennal (2011-2021) est limpide : le nombre de bacheliers faisant des études supérieures a crû de 42%, les effectifs étudiants dans le secteur public ont crû de 25% et les recrutements d’universitaires ont décru de 46%. L’investissement public par étudiant est en baisse pour la sixième année consécutive (-7,9% par rapport à 2009).

Les budgets de la recherche, hors université (programmes 172 et 193), suivent eux aussi la trajectoire prévue par la loi de programmation de la recherche (LPR). L’enveloppe globale croît, mais la part consacrée à la mission de service public devrait stagner elle aussi, c’est-à-dire avoir une croissance qui compense exactement l’inflation. Les transferts budgétaires (vers l’ANR et le CNRS notamment) à l’intérieur de cette enveloppe globale se font au détriment de l’emploi statutaire et vont donc creuser la précarisation de nos métiers. Enfin, aucune rupture vis-à-vis de la politique désastreuse menée depuis trois quinquennats en matière de recherche appliquée et d’innovation — on pense en particulier au crédit d’impôt recherche, dont l’effet de levier est nul voire légèrement négatif — n’est envisagée, malgré le choc qu’a occasionné l’incapacité de notre pays à se doter d’un vaccin contre SARS-CoV-2.

Toutes les données sont à retrouver sur le site de la CPESR.

Postes ouverts au concours de Maître de conférences selon les quatre grands domaines disciplinaires Sciences et Technologies (ST), Pharmacie (Pharma), Lettres Langues Arts, Sciences Humains et Sociales (LLASHS) et Droit, Economie, Gestion (DEG) : Le nombre de postes de MCF ouverts au concours est passé de 2417 en 2002 à 1070 en 2019, soit une baisse de 56% sur la période.

Évolution des effectifs étudiants et enseignants, et du taux d’encadrement (nombre d’enseignants pour 100 étudiants) : Entre 2009 et 2018, les effectifs étudiants ont crû de 16% pendant que les effectifs enseignants stagnaient à la baisse de 1%. En conséquence, le taux d’encadrement a chuté de 15%.

Évolutions des effectifs enseignants-chercheurs nécessaires pour maintenir le taux d’encadrement de 2009, et réelle : À partir de 2011, l’évolution des effectifs enseignants-chercheurs décroche de l’évolution des effectifs étudiants. Le retard pris dans le recrutement est tel qu’il aurait fallu en 2018 recruter près de 10 000 enseignants-chercheurs simplement pour retrouver le taux d’encadrement, et donc les conditions d’études, de 2009. Depuis, la situation s’est lourdement aggravée.

De la situation des universitaires en Afghanistan

En Afghanistan, la liberté académique est désormais dans une situation dramatique. Selon l’organisation Scholars at risk, il était impératif d’évacuer plus de 700 universitaires afghans et seule une minorité l’ont effectivement été depuis août. Cet exode universitaire est comparable à celui en provenance des universités allemandes dans les années 1930, lorsque 500 à 1000 enseignants et chercheurs allemands ont trouvé asile dans la communauté académique mondiale.

Nos collègues afghans sont menacés en raison de leur activité académique : les Taliban, un mouvement issu des madrasas, ont régulièrement accusé les universités d’être un lieu de mœurs dissolues et de propagation des idées occidentales. Durant les deux dernières décennies de guerre, la poursuite d’une recherche académique et l’enseignement dans une institution universitaire sont donc devenus en soi une forme d’engagement contre l’insurrection. Et les universités ont été des cibles récurrentes, à l’exemple de l’attaque de 2016 contre l’Université américaine de Kaboul qui avait fait 13 morts et 53 blessés.

Depuis l’arrivée des Taliban au pouvoir, des centaines d’universitaires se terrent, de peur des représailles, à l’exemple de ce professeur de l’université d’Hérat qui a découvert qu’un de ses étudiants était associé aux Taliban. La reprise en main actuelle de l’université de Kaboul l’illustre, la plupart des universitaires afghans n’auront jamais de place dans le nouveau régime et nombre d’entre eux risquent leur vie s’ils restent dans le pays. Leur avenir est ici, en France, en Occident, dans les pays qui ont une responsabilité patente dans la situation actuelle de l’Afghanistan.

Or, lors de l’évacuation, improvisée de manière catastrophique, les universitaires afghans ont largement été oubliés. Ils et elles ne disposaient généralement pas des réseaux permettant d’obtenir une place sur les listes d’évacuation réalisées par le ministère des Affaires étrangères et ont donc été abandonnés à leur sort. De nombreuses universités françaises se sont pourtant proposées pour accueillir des universitaires afghans et, avec l’aide du programme Pause, de leur offrir un asile. Des collègues en France tentent d’aider individuellement des universitaires afghans, des efforts qui ont parfois été couronnés de succès, mais bien trop rarement.

Obtenir un visa dans une ambassade française à Islamabad, Tachkent, Dushanbe ou Téhéran relève de la gageure. Il faut ici que les déclarations de l’exécutif, à l’exemple de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, qui avait appelé à « mobiliser tous les leviers » pour aider les étudiants et chercheurs afghans, passent des paroles aux actes: les difficultés à obtenir visa et titre de séjour doivent cesser d’entraver l’expression de la solidarité des universités françaises avec nos collègues en Afghanistan.

Nous devons agir vite, dès la semaine prochaine, et vous proposerons dans notre prochain courrier des modalités concrètes de pression de la communauté académique sur le quai d’Orsay.

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Candidatures à la présidence du CNRS

Comme annoncé la semaine dernière, vous trouverez ci-dessous les éléments d’un kit de candidature à la présidence du CNRS.

Si vous faites acte de candidature, nous vous demandons de compléter les deux passages personnalisés du courrier d’accompagnement. Nous vous conseillons également d’ajouter une brève phrase de votre facture en bas de la déclaration d’intention et de signer celle-ci à la main afin de garantir le caractère personnel de votre candidature et d’éviter une disqualification a priori. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous faire part de votre candidature en envoyant un courriel vide à : rogueesr@gmail.com avec vos nom et prénom dans le sujet.

Ce kit est à envoyer avant le premier octobre à la direction générale de la recherche et de l’innovation à la fois par courrier postal, en deux exemplaires, et par courriel accompagné d’un CV et de tout justificatif de statut professionnel ou de production scientifique dans le cadre de votre métier.

Envoi par courriel : directrice.generale@recherche.gouv.fr

Envoi par courrier postal (en deux exemplaires) : 

Madame Claire Giry
Directrice Générale de la Recherche et de l’Innovation
Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
1 rue Descartes 
75231 Paris Cedex 5

Courrier à la DGRI

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[en-tête: prénom, nom, identifiant professionnel le cas échéant (Numen pour les universitaires)]
 

Madame Claire Giry
Directrice Générale de la Recherche et de l’Innovation
Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
1 rue Descartes
75231 Paris Cedex 5
 

Objet : Candidature à la présidence du CNRS / NOR : ESRR2119195V
 

Madame la directrice générale,

Le JORF n°0203 du 1er septembre 2021 a annoncé la vacance de la présidence du CNRS au 22 janvier 2022. J’ai l’honneur de déposer ma candidature, motivée par la promotion des principes de collégialité, de qualité et d’indépendance de la recherche. Vous trouverez avec ce courrier, en deux exemplaires :

  • Ma déclaration d’intention, élaborée collégialement et à laquelle je déclare personnellement souscrire
  • Mon curriculum vitæ détaillé
  • [tout justificatif de lien professionnel avec le monde de la recherche ; une simple déclaration sur l’honneur de votre statut, accompagnée de votre Numen ou de votre matricule, suffit, voire votre dernier article paru]

Je me tiens à la disposition de vos services pour la suite de la procédure.

En vous priant de bien vouloir agréer l’assurance de toute ma considération

XXX

Déclaration d’intention

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Le Journal Officiel du 1er septembre courant a publié la vacance de la présidence du CNRS au 22 janvier 2022. Considérant que le CNRS, après plusieurs années de déclin, a besoin d’un sursaut collectif, j’ai l’honneur de vous faire part de ma candidature destinée à porter cette ambition. Mon engagement individuel répond à une exigence : faire prévaloir les conditions concrètes d’une science de qualité, fondée sur le temps long, l’indépendance statutaire et la collégialité. Ce programme général peut être décliné en trois points, relatifs aux missions du CNRS, à sa politique de recrutements et aux pratiques quotidiennes dans les laboratoires :

Missions du CNRS

  • La liberté de recherche et son inscription dans la durée ne sont pas négociables. Dans leur travail quotidien, toutes les instances du CNRS devront valoriser les travaux ambitieux plutôt que la productivité à court terme. Le suivi qualitatif et la reconnaissance de ce travail incombe directement aux pairs. C’est pourquoi j’invoquerai l’article L114-3-1 du Code de la Recherche et notifierai au Haut-Commissariat à l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (Hcéres) ma volonté de confier cette tâche au Comité National de la Recherche Scientifique (CoNRS), accompagné le cas échéant du Conseil National des Universités (CNU).
  • Le CNRS a une responsabilité d’animation de la recherche scientifique sur tout le territoire, en liaison avec les universités. La politique de pilotage inégalitaire consistant à utiliser le Centre comme un simple pourvoyeur de ressources stratégiques additionnelles au service d’une poignée d’universités d’excellence menace la raison d’être du CNRS en tant qu’établissement et constitue un non-sens géographique. L’allocation des moyens et les partenariats universitaires incluront la prise en compte d’un maillage scientifique, afin de garantir une forme de continuité territoriale dans la représentation des thématiques et des disciplines de recherche.
  • L’intégrité scientifique et la liberté académique ont un contenu positif en termes de responsabilité démocratique, environnementale et sociale. Le CNRS incarne une recherche au service de l’intérêt général et des principes organisateurs d’une démocratie. Les collaborations institutionnelles du CNRS seront donc réexaminées à l’aune de cette mission. Par exemple, le CNRS dénoncera immédiatement son nouveau « partenariat » avec l’Institut Sapiens. Cette organisation, en assimilant abusivement l’investigation rationnelle à la recherche du profit, en s’engageant systématiquement pour la destruction des services publics d’intérêt général, en cultivant un rapport a-critique et anti-déontologique à la science et à la technique et en promouvant un « transhumanisme » à forts relents eugénistes, bafoue les principes mêmes qui doivent régir l’action du CNRS et que je souhaite réaffirmer par ma candidature.

Recrutements

  • L’emploi pérenne est la condition de l’indépendance et de l’originalité, ainsi que de la conservation du savoir-faire professionnel. Sous ma présidence, le CNRS s’engagera en faveur d’une augmentation des recrutements pérennes dans les corps de recherche et de soutien (techniciens et ingénieurs).
  • La présidence du CNRS a aussi pour rôle de défendre et de représenter les agentes et agents de la recherche scientifique auprès de Bercy et du MESRI. Aujourd’hui, c’est trop souvent le contraire qui est le cas. Pour ma part, j’entends revenir à ce principe de représentation de la communauté scientifique auprès des instances ministérielles.
  • Les recrutements s’effectuent sur la base de la production savante et des idées. Je diminuerai donc le recours au fléchage des postes dans les campagnes d’emploi.
  • Les classements réalisés par les comités composés de pairs élus font loi. Ces dernières années, la communauté scientifique s’est émue à plusieurs reprises de leur retournement par la bureaucratie dirigeante et leur transformation en une simple liste de noms où les instances de « pilotage » viendraient piocher. Pour ma part, je m’engage à respecter ces classements et à rappeler leur intangibilité aux jurys d’admission. La composition de ceux-ci sera systématiquement soumise à l’approbation du CoNRS, à qui j’accorderai également un droit de contrôle sur les nominations à la tête des instituts du CNRS.

Vie des laboratoires et intégrité

  • Ces premières exigences sont liées à une conception intransigeante de nos métiers, fondée sur le modèle de chercheurs et chercheuses qui cherchent, au lieu de promouvoir la figure du Principal Investigator qui manage des « petites mains » en étant rarement à la paillasse ou sur le terrain. Sous ma présidence, le CNRS réaffirmera les principes de collégialité des pratiques scientifiques et d’égalité dans les relations entre pairs.
  • Le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a relevé une « défaillance » du gouvernement en matière de prévention des inégalités entre femmes et hommes dans le milieu de la recherche à l’occasion du débat sur la Loi de programmation pour la recherche (LPR). En lien avec le CoNRS et avec la Conférence des Présidents du Comité National (CPCN), je me rapprocherai du HCE pour élaborer des réponses institutionnelles satisfaisantes à cette situation. Pour ce faire, j’entends m’appuyer sur l’expérience accumulée par la Conférence Permanente des chargé·es de mission égalité et diversité des établissements d’enseignement supérieur (CPED).
  • Si elle se cantonne à un registre punitif, la défense de l’intégrité scientifique sera toujours suspecte d’iniquité. L’augmentation des cas avérés de mauvaises pratiques laisse penser que les évolutions récentes les favorisent. Leur traitement cavalier ces dernières années suggère fortement que la direction actuelle du CNRS n’entend pas s’attaquer à leurs causes structurelles. En ce qui me concerne, c’est en amont que j’entends traiter cette question de l’intégrité scientifique, en promouvant une vigilance collective systématique qui ne peut s’exercer que sous la forme de l’analyse contradictoire et indépendante des publications par les pairs et la prééminence du travail collectif sur la notoriété individuelle.
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« La brise revendicatrice / Qui dit à la peste : va-t’en ! »

Le titre de ce billet est issu du poème de Verlaine intitulé « En septembre ».

Ce billet s’accompagne d’un communiqué de presse à consulter ici.

Conditions sanitaires de rentrée

Les conditions de rentrée à l’Université sont extrêmement préoccupantes. Seuls quelques établissements ont procédé aux investissements relativement minimes en matière de ventilation et de purification de l’air sans lesquelles la vaccination ne suffira pas à contenir une prochaine vague. Les présidences d’université et les autorités ministérielles, comme à leur habitude, se défaussent les unes sur les autres et font étalage de toute leur impéritie. Par leur seule faute, dès aujourd’hui, le risque d’une nouvelle fermeture de l’Université est sur la table. Nous sommes de tout cœur avec les collègues et les étudiants, et saluons leur courage face à cette situation.

Consultation programmatique

Les statistiques des résultats de la consultation programmatique ont été mises à jour le 31 août. La distribution des voix change peu par rapport aux premiers résultats, début juillet. Près de 1 000 votants ont déjà participé au sondage. Et vous ?

Politique d’excellence

De passage dans l’émission de BFM Business baptisée « 60 Minutes Business », la ministre, Mme Vidal a illustré les conséquences de la politique d’excellence qu’elle a menée :

« La France est une grande nation scientifique : parmi les 10 publications scientifiques les plus citées au monde pendant cette crise, 2 étaient françaises : grâce à France Relance et à la loi « recherche », nous permettons un réinvestissement massif dans la recherche. »

En réalité, les données bibliométriques de WebOfScience (Clarivate Analytics) ne recensent qu’une unique publication dans les 50 publications les plus citées sur SARS-CoV-2, si décriée pour ses méthodes, ses résultats et son déficit d’intégrité qu’elle a été citée près de 2 500 fois, lui accordant la 25ème place :

Gautret et al. Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial. Int J Antimicrob Agents. 2020.

Présidence du CNRS

La présidence du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) est à pourvoir pour le 25 janvier prochain. L’appel à candidatures en vue de pourvoir la fonction de président du CNRS est disponible sur le Journal Officiel.

Le processus de désignation se caractérise une fois de plus par sa grande opacité et par la mise à l’écart de l’ensemble du jugement des pairs. Compte tenu de la place centrale du CNRS dans la recherche française, y compris à l’Université, cette nomination concerne toute la communauté académique. Le président-directeur général en place, M. Petit, a déjà fait acte de candidature pour un second mandat. Dans la foulée, il a entamé une campagne auprès des scientifiques du CNRS via les listes mails de l’organisme, pour tenter de retrouver un semblant de crédibilité deux ans après avoir été récusé par 15 000 scientifiques pour son apologie de l’inégalité et du darwinisme social dans la recherche. De fait, la procédure officielle ne suffira en aucune manière à légitimer la prochaine présidence du CNRS aux yeux de la communauté académique. Cette sélection en catimini est dans le droit fil de la stratégie d’élimination politique des instances délibératives du CNRS poursuivie depuis des années par des présidences interchangeables, comme dans tous les organismes scientifiques et toutes les universités.

Dans ces conditions, réaffirmer le contrôle des pairs sur les politiques scientifiques et rétablir les conditions de l’intégrité passe par une intervention collective dans le processus de désignation.

Au vu des attaques systématiques contre les instances représentant la communauté académique au sein du CNRS sous la mandature de M. Petit, il est de la responsabilité des membres de celle-ci de se montrer à la hauteur du mandat qui leur a été donné. Nous encourageons les membres du Comité National (CoNRS) et en particulier de sa Conférence des Présidents (CPCN) à construire une candidature d’opposition au moins-disant scientifique défendu par M. Petit ou tout autre candidature de remplacement en trompe-l’oeil que le ministère ou la présidence de la République voudraient susciter. De ce point de vue, il est également important d’appuyer ces instances en participant aux élections partielles prévues pour cet automne pour toutes celles et tous ceux qui en ont statutairement le droit.

Mais il est aussi indispensable, dans les mois et les années à venir, de répéter inlassablement que la science n’existe qu’à la condition de la liberté et de l’égalité des pairs : nous sommes la science, et nous ne reconnaissons pas de légitimité à une présidence cooptée dans des comités secrets. De ce point de vue, la situation évoque évidemment le précédent du Hcéres l’an dernier. Un sondage sur Twitter en forme de ballon d’essai a permis de réunir en l’espace de trois jours 761 réponses indiquant une approbation à 93% d’une candidature collégiale promue par RogueESR.

Les dossiers doivent parvenir au ministère pour le premier octobre. Nous vous enverrons le 20 septembre un kit de candidature comprenant une déclaration d’intention programmatique. D’ici là, nous vous invitons à vérifier que vous disposez d’un CV détaillé et d’un document quelconque attestant de votre lien professionnel avec le monde de la recherche, qui sont les deux autres pièces demandées. Soulignons qu’il n’est pas indispensable d’être directement employé par le CNRS pour présenter sa candidature. Compte tenu du poids institutionnel du CNRS, les universitaires et les scientifiques d’autres organismes sont légitimes à intervenir dans le processus de désignation.

Voici les lignes de force qui nous semblent devoir être réaffirmées par cette candidature :

Missions du CNRS

  • La liberté de recherche et son inscription dans la durée ne sont pas négociables. Cela demande de valoriser des travaux ambitieux plutôt que productifs à court terme.
  • Le CNRS a une responsabilité d’animation de la recherche scientifique sur tout le territoire, en liaison avec les universités. La politique de pilotage inégalitaire consistant à utiliser le Centre comme un simple pourvoyeur de ressources stratégiques additionnelles au service d’une poignée d’universités d’excellence menace la raison d’être du CNRS en tant qu’établissement et constitue un non-sens géographique. L’allocation des moyens et les partenariats universitaires doivent donc inclure une dimension de péréquation territoriale.
  • Pour nous, l’intégrité scientifique et la liberté académique ont un contenu positif en termes de responsabilité démocratique, environnementale et sociale. Le CNRS doit promouvoir une recherche au service de l’intérêt général et des principes organisateurs d’une démocratie. Cela signifie que le CNRS doit immédiatement renoncer à son nouveau « partenariat » avec l’Institut Sapiens, une officine politique défendant un « transhumanisme » à forts relents eugénistes.

Recrutements

  • L’emploi pérenne est la condition de l’indépendance et de l’originalité, ainsi que de la conservation du savoir-faire professionnel. Le CNRS doit s’engager en faveur d’une augmentation des recrutements pérennes dans les corps de recherche et de soutien (techniciens et ingénieurs).
  • La présidence du CNRS doit donc défendre et représenter les agentes et agents de la recherche scientifique auprès de Bercy et du MESRI, et non le contraire comme cela est aujourd’hui le cas.
  • Les recrutements doivent s’effectuer sur la base de la production savante et des idées, ce qui impose de diminuer le recours au fléchage des postes dans les campagnes d’emploi.
  • Les classements réalisés par les comités composés de pairs élus doivent être respectés : on ne peut accepter ni leur retournement par la bureaucratie dirigeante, ni leur transformation en en un simple pool de noms où les instances de « pilotage » viendraient piocher.

Vie des laboratoires et normes d’intégrité

  • Ces premières exigences sont liées à une conception de ce que doivent être nos métiers. Il est important de revenir au modèle de chercheurs et chercheuses qui cherchent, au lieu de promouvoir la figure du Principal Investigator qui manage des « petites mains » sans jamais être à la paillasse ni sur le terrain.
  • Le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a relevé une « défaillance » du gouvernement en matière de prévention des inégalités entre femmes et hommes dans le milieu de la recherche à l’occasion du débat sur la LPR. La prochaine présidence du CNRS, en lien avec le CoNRS et la CPCN, doit se rapprocher du HCE pour élaborer des réponses institutionnelles satisfaisantes au vu de ce déficit. Pour ce faire, le CNRS doit pouvoir s’appuyer sur la Conférence Permanente des chargé·es de mission égalité et diversité des établissements d’enseignement supérieur.
  • L’intégrité scientifique doit redevenir l’enjeu d’une vigilance collective exercée en amont, plutôt que de rester cantonnée à un registre punitif et toujours suspect d’inéquité. Le mandat du président actuel, qui a été entaché par l’étouffement de plusieurs scandales d’intégrité, illustre suffisamment la contradiction déontologique structurelle que les évolutions récentes favorisent.
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Résultats de la consultation programmatique pour 2022

Nous sommes en mesure de présenter une première image des résultats de votes sur la plateforme de propositions. Vous êtes plus de 700 à avoir donné votre avis, et nous vous en remercions. Vous trouverez les résultats du vote question par question ici.

Si la fatigue ou le manque de temps ne vous ont pas permis de participer, il est toujours possible, pendant l’été, de donner son approbation à une ou plusieurs propositions en continuant à voter.

Aucune proposition n’a été majoritairement rejetée, si bien que c’est toute la plateforme qui sera portée à la connaissance des candidates et des candidats à l’élection présidentielle. Toutefois, un coup d’œil rapide aux propositions ayant reçu un assentiment marqué avec une moyenne supérieure ou égale à 4, permet de dégager quelques lignes de force. Celles-ci se caractérisent par leur grande continuité avec les initiatives portées par des milliers de scientifiques pour réinstituer l’Université et la recherche depuis la candidature collective à la présidence du Hcéres en janvier 2020.

C’est d’abord l’exigence d’une autonomie académique effective qui se dégage, et qui passe par une garantie juridique de la liberté universitaire et scientifique (proposition A1), redoublée par des mesures permettant de libérer la recherche de l’influence des bailleurs de fonds privé (A4). Sans surprise, ce souci de ne pas mélanger les genres et de défendre un financement désintéressé et transparent se retrouve dans l’exigence d’un remplacement du Crédit d’Impôts Recherche par un dispositif d’aide aux PME (I44).

Cette conception pratique et positive de la liberté académique conduit logiquement à exiger une refonte du système de financement conforme aux valeurs d’autonomie et de qualité de la science. De ce fait, on observe un soutien massif au principe d’une dotation budgétaire récurrente par individu d’un montant moyen d’au moins 15 000 € modulé selon les disciplines, avec création d’une banque de moyens permettant les coopérations sur des grands projets (C9). Mais les conditions matérielles de la liberté impliquent des statuts protecteurs permettant de travailler en toute indépendance et sur un temps long, tant pour les métiers de recherche et d’enseignement que pour les métiers d’appui ; les universitaires et chercheurs, en particulier, doivent être titulaires de leurs postes, recrutés par des commissions nationales et rémunérés selon des grilles déchiffrables et resserrées (D13, D14, D15, D16). Enfin, les votants ont manifesté leur attachement au principe d’autonomie collégiale effective en plébiscitant toutes les mesures visant à démanteler les « instances de pilotages »  et autres bureaucraties normatives nationales (Hcéres, agences de moyens : F26, F28, F29) mais aussi locales (instances de pilotage bureaucratique des établissements : F27). Plus généralement, il s’agit de rompre avec le paradigme de l’évaluation quantitative, ce qui implique également une reprise en main des pratiques de production et de diffusion des connaissances scientifiques, sous la forme des publications. Les votants demandent ainsi que les universités et établissements se retirent des classements internationaux (F32), tout en exprimant leur volonté de voir reconstruire un système éditorial libéré de la course à la quantité, géré par les pairs et favorisant l’accès ouvert et la dispute collégiale rendue publique (F33).

Nous vous souhaitons un été reposant et heureux, et nous vous retrouverons en septembre pour un approfondissement de cette plateforme programmatique, ainsi qu’un chiffrage des propositions phares.